jeudi 16 octobre 2014

Miami district (2)

Relisez le chapitre 1

CHAPITRE DEUX : LA TRANSFORMATION

Je suis revenue m’asseoir près d’Anita qui me couvait d’un regard inquiet.

— Merci. Pourquoi as-tu pensé que Mr Fishburne…
— Je ne sais pas… Quand j’ai vu comment il te regardait… Il te trouvait à son goût, et plus que ça, je crois. Et il a la réputation d’avoir tout ce qu’il veut.
— Anita, il est beau comme… comme... Il est beau, quoi, et riche ; alors une fille comme moi, pauvre, mal habillée, moche…
— Tu déconnes ? Pauvre et mal habillée, ça… Mais moche ? Bon sang, réveille-toi : tu es super canon, oui ! Tu fais la pige à Jennifer Lawrence ou Scarlett Johansson ! Enfin, quand tu n’as pas la morve au nez et des yeux de lapin albinos. Là…

C’était plus fort que moi ; j’ai pouffé, me suis étranglée et me suis mise à tousser. Bonjour la starlette !

— Merci de me faire rire, j’en avais besoin.
— Je suis on ne peut plus sérieuse ; tu as dû en prendre plein la gueule à l’Immaculata, mais oublie-les, s’il te plaît. D’ailleurs, nous y allons récupérer tes affaires, tout est là-bas, je présume ?

Ce fut vite fait ; mon balluchon était étonnamment léger sans tous les vêtements de sport prêtés par l’école. Nous avons mangé une salade composée dans une cafétéria branchée, et Anita m’a détaillé la suite des opérations.

— Tu vas voir, tu vas finir sur les rotules. Styliste à quatorze heures pour choisir ta garde-robe ; tu en as pour trois heures. Puis à dix-sept heures, esthéticienne et coiffeuse : tu n’as pas fini avant vingt heures. Reste à voir pour ton permis de conduire, ton inscription au FIU, la toubib.
— Attends, c’est les Fishburne qui paient tout ça ? Je ne peux pas accepter, je n’ai pas vingt dollars sur moi.
— Oui, ouverture d’un compte, Carte Bleue, téléphone portable. Tu n’as pas trop le choix, Steph ; tu travailles pour la Fondation, tu es logée, habillée par la Fondation. Point barre.
— Et… pourquoi le docteur ? Je vais bien.
— C’est une gynécologue ; tu en as déjà vu une ? Non, c’est bien ce que je pensais. Donc tu la vois demain. Allez, c’est parti !

Bon sang ! Je vais me retrouver avec des vêtements neufs, rien que pour moi ? Pas des trucs donnés par les familles des autres élèves, les services sociaux, Emmaüs… Et le coiffeur ? Je n’y suis jamais allée : c’est maman qui me coupait les cheveux, puis une sœur du lycée. L’esthéticienne, je sais même pas ce que c’est.

Heureusement qu’Anita était là ; j’étais morte de trouille, pétrifiée par le regard hautain de la styliste qui nous a reçues dans sa galerie chicos. Grande et émaciée à force de vouloir être mince, mademoiselle Agneska Benton se la pétait grave : la quarantaine bien tassée, maquillée avec classe, habillée avec classe, s’exprimant avec classe. Elle me déplut tout de suite par son attitude hautaine et sa morgue souveraine. Allez, tu y es habituée, Steph ; fais le dos rond, comme d’hab. Regarde Anita, elle te sourit.

Dans une petite pièce simplement meublée d’un petit canapé de cuir et d’un portant à vêtements, je me suis retrouvée en petite culotte en coton blanc, et une assistante a noté mes mensurations ; propre, efficace. Miss cul-pincé m’a examinée, toisée avec sa mine chafouine ; c’est sûr, je ne suis pas un mannequin ; pas assez grande – je mesure un mètre soixante-dix – et pas assez maigre ; j’ai des fesses et des jambes musclées, les épaules larges et la taille fine d’une sportive. Seule ma poitrine bien pleine et ferme a trouvé grâce à ses yeux, manifestement. Je frissonnai sous son regard scrutateur, mais Anita a souri et m’a encouragée à prendre patience et à rester zen.

J’ai essayé quantité de robes, jupes, tailleurs, chemisiers, tops, vestes, une farandole de couleurs et de matières qui m’ont à moitié anesthésiée ; je n’avais pas l’habitude de cela, c’est sûr. Dans le miroir mural en face de moi, je voyais une fille blonde vêtue, dévêtue, vêtue ; ce n’était pas moi, juste une poupée Barbie, un mannequin en plastique blanc. Qui c’est celle-là ? Avec sa minijupe, on dirait une pute de luxe. Puis mes yeux ont plongé dans ceux de cette blonde au visage trop pâle et hagard sous la lumière crue ; j’ai aperçu leur lueur paniquée, la lèvre inférieure tremblante, la poitrine oppressée qui se soulevait trop vite.

— Steph, c’est bon, je suis là ! Respire doucement ; tout va bien, c’est presque fini.

Anita était près de moi, elle serrait mes deux mains dans les siennes si petites ; juchée sur ses talons hauts, elle était presque à ma hauteur et ses yeux noirs me fixaient, inquiets.

— Ça va ? Tu veux arrêter un peu ? C’est presque fini ; chaussures, sous-vêtements, tu vas y arriver ?
— Oui, merci d’être avec moi.

Je ne sais pas si miss cul-pincé en avait marre de moi ou si Anita a fait accélérer, mais j’ai essayé quelques paires de bottines, escarpins, cothurnes, et elle nous a chassées, en affirmant que pour les sous-vêtements elle avait tout ce qu’il lui fallait comme renseignements.

Anita a tenu à ce que je porte une minirobe tube blanche toute simple, avec juste ma culotte dessous. Je n’étais pas habituée à rester seins nus sous une robe, ni à porter un vêtement si court qui dévoilait largement mes cuisses, mais Anita m’a si gentiment encouragée… Dans sa voiture, j’étais songeuse, tête baissée sur mes jambes nues et mes pieds chaussés de sandales noires à talons hauts.

— Je ne comprends pas ; ça doit coûter horriblement cher, non, tout ça ?
— Je pense, oui ; mais les Fishburne n’ont pas de soucis financiers.
— Oui, je le sais, mais… Comment je vais rembourser tout ça ? Ce n’est pas possible.
— Tu travailles pour la Fondation, maintenant, et tu vas être l’assistante personnelle du directeur ; crois-moi, tu vas rembourser jusqu’au denier cent l’investissement réalisé.

Elle m’a adressé un sourire cynique et j’ai rougi jusqu’aux oreilles. Heureusement, nous étions arrivées et je n’eus pas le loisir de bafouiller une réponse. Nous sommes entrées dans un cabinet rutilant estampillé « soins corporels, épilation, massages, shiatsu, tatoo, piercings » ; une hôtesse en mini blouse blanche nous a accueillies avec un air ravi qui n’avait rien de commercial.

— Anita ! Que je suis contente de te voir ! Tu es toujours aussi belle !
— Bonjour, Ronnie, tu vas bien ?

Ronnie a embrassé Anita en la serrant contre elle, et je voyais bien qu’Anita était heureuse de la voir, mais plus réservée. Ronnie se détacha d’elle comme à regret avant de se tourner vers moi en souriant ; cheveux roux et yeux verts, taches de rousseur sur son joli nez retroussé, elle affichait à peine plus que mon âge et était ravissante. Elle me tendit timidement la main puis se ravisa pour m’embrasser légèrement sur les joues avant de se reculer, vive et pimpante.

— Bonjour ; vous devez être Mademoiselle LeBlond, je pense. Je suis Veronica, c’est moi qui vais m’occuper de vous ; vous êtes canon !
— Merci, mais appelez-moi Steph.
— Merci, Steph ; moi, c’est Ronnie. Vous me suivez ?

Elle nous a fait passer dans une petite cabine carrelée du sol au plafond en dégradé de rose ; Anita s’est assise dans un fauteuil en rotin et a croisé ses jambes nues pour poser ses mains sur son genou droit : l’image de la décontraction.

— Tu te déshabilles, s’il te plaît ; comme tu es blonde, je vais chercher le matériel d’épilation spécial.
— Je n’ai jamais été épilée ; tu m’expliques ?

Eh ! On va faire quoi, là ? J’étais un peu inquiète ; ma pilosité naturelle n’était pas abondante : du duvet blond tout fin sur les jambes et les avant-bras, une petite toison aux aisselles et sur le pubis ; rien de plus. Ronnie fit rouler dans la cabine un appareil électrique et le brancha avant de m’expliquer.

— Le laser ne fonctionnera pas sur toi. Par contre, cet appareil à lumière pulsée est idéal. Pas trop douloureux quand on sait s’en servir, il épile super bien et définitivement en quelques séances sur cinq à six mois. Tu enlèves ta robe ?

La séance a duré deux bonnes heures, et encore j’ai refusé l’épilation intégrale de mon pubis ; surprise, Ronnie a laissé un triangle tout doux mais a quand même épilé ma vulve. C’était douloureux, et après ma peau était rouge sur toutes les parties traitées. Ronnie a doucement appliqué une pommade apaisante en massant à peine avant de me laisser partir au salon de coiffure situé juste à côté.

— Tu reviens demain pour des soins, Steph, je t’attends !

Le soir, j’étais mentalement épuisée ; je n’avais pas fait de sport mais j’étais pourtant éteinte, sans appétit aucun. Dans la salle d’eau je m’examinai : la coiffeuse avait eu ordre de garder mes cheveux longs, donc n’a pas pu faire grand-chose ; elle les a lavés, égalisés et tressés en queue-de-cheval qu’elle avait ensuite dressée en chignon qui dégageait ma nuque, en soulignant sa finesse. Tu as l’air d’un chat crevé ! Va te coucher, tu mangeras demain. Ton premier jour de boulot !

J’ai dormi comme un bébé, dix heures d’affilée. À sept heures j’étais debout ; comme je n’avais plus de tenue de sport, je me suis contentée de gym en pyjama dans le séjour. Anita est arrivée un peu avant huit heures ; elle m’a examinée après m’avoir embrassée et a dû être satisfaite, car elle n’a fait aucun commentaire. J’avais mis la robe blanche et les sandales de la veille, n’ayant rien d’autre de seyant à porter. Petit déj’ dans un 7-eleven, et zou, direction la Fondation. J’ai frappé trois coups à la porte du directeur ; pas de réponse, mais la secrétaire blonde m’a fait signe d’y aller. Bon, fonce, petit mec !

— Bonjour Monsieur.

Jason Fishburne était assis, la tête plongée dans un document ; il a levé les yeux, les a baissés puis a sursauté avant de lever la tête, les yeux ronds ; un instant seulement, avant de redevenir pro et charmant. Il s’est levé et a contourné son bureau d’une démarche souple et puissante. Merde, qu’il est beau ! Fais gaffe de pas te décrocher la mâchoire, Steph !

— Mademoiselle Stephanie, bonjour ; vous êtes ravissante ! C’est une joie pour moi de vous accueillir.

Il a pris ma main droite et l’a serrée, la gardant bien plus longtemps que nécessaire. Évidemment, je rougis jusqu’à sentir mes oreilles brûler. Ouf, Anita est entrée à son tour, me sauvant la mise. Il me libéra et je reculai précipitamment, le cœur battant bien trop fort.

— Bonjour, Monsieur.
— Bonjour, Anita.
— Alors, tout s’est bien passé ? L’appartement vous plaît ?
— Oh oui ! Je veux dire : oui, Monsieur. Il est parfait, je ne sais comment vous remercier.
— Travaillez bien pour la Fondation, pour moi ; c’est tout ce que je vous demande. Oui, Anita ?
— Je m’absente, je vais m’occuper du permis de conduire, il lui faut des leçons.
— Prenez le programme sur une semaine, je libèrerai mademoiselle LeBlond de deux à cinq tous les jours.
— Parfait, Monsieur ; et pour le docteur, j’ai réservé pour vingt heures ce soir.

Mais c’est dingue ! Ils parlent de moi, de ma vie, sans me demander quoi que ce soit, sans me regarder même ! Je me suis raclé la gorge.

— Monsieur, je vous prie de m’excuser, mais je ne sais pas ce que je dois faire.
— Patience, jeune fille. Vous aurez du travail, croyez-moi !

De fait, jusqu’à midi j’ai fait du classement de documents confidentiels, des dossiers d’étudiants entrés dans le programme d’aide de la Fondation ; saisie des données sur un Mac puis archivage en boîtes que je devais porter ensuite dans une grande salle du sous-sol ; rien de compliqué. Et je travaillais dans la même pièce que Jason, assis à son bureau, tapant frénétiquement sur son micro ou téléphonant, souvent simultanément. C’est dingue ce qu’il est élégant, distingué, beau, viril ! Et son parfum, son odeur de mec... Stop !

Je rougissais à ces pensées impures. Toute mon éducation religieuse s’opposait à mes sensations profondes qui me mettaient le cœur et le corps en émoi. Eh, tu ne fais que le regarder ! Il est tellement canon… Ce n’est pas un péché de le dévorer des yeux, non ?

— Stephanie, tu viens manger ?
— Vous… Vous voulez que je vienne avec vous ?
— Oui, nous pourrons parler de vous, de vos projets. Allez, départ dans cinq minutes ! Et ne rougissez pas comme ça, je ne vais pas vous sauter dessus !

Là, pour le coup, je virai à l’écarlate mais je réussis à cacher mon trouble en filant aux toilettes. Jason m’a conduite à une voiture bizarre, ancienne mais en bon état, bleu clair métallisé et avec de grandes vitres. Il en était manifestement très fier.

— C’est une AMC Pacer Sedan Limited de 1979, équipée d’un V-8 de cinq litres de cylindrée développant la puissance monstrueuse de 130 CV !
— C’est une jolie voiture, je l’aime bien.
— C’est le principal. Montez.

Il se retenait de pouffer, ça se voyait ; je n’avais rien compris à son laïus technique, bien sûr. Qu’est-ce qu’il croyait ? Je me suis assise et j’ai poussé un couinement aigu : le cuir du siège était brûlant ; je me suis relevée en vitesse et n’ai pu m’empêcher de fusiller du regard Jason, qui n’en pouvait plus et partit dans un éclat de rire. Qu’il est beau, ce salaud, quand il rit. Je n’ai pu m’empêcher de sourire à mon tour.

— Excuse-moi, mais c’était si drôle de te voir bondir quand tu t’es assise ; j’espère que tu n’es pas brûlée au troisième degré à cet endroit, ce serait dommage.
— N’en rajoutez pas, s’il vous plaît. Je le vois bien me passer un baume apaisant sur les fesses, avec ses grandes mains. Mmmm…

La Pacer était agréable, très lumineuse ; le moteur émettait un bruit grave qui emplissait l’habitacle, mais j’étais bien, confortablement installée dans mon siège en cuir beige ; Jason conduisait doucement, souplement. La clim ronronnait et rafraîchissait agréablement mes jambes nues que Jason avait l’air de trouver à son goût, car son regard se détournait régulièrement de la route pour les reluquer.

Nous avons déjeuné dans un petit restaurant, sur une terrasse en bois donnant sur la baie. Salade de crabe et d’agrumes pour moi, sole grillée et riz sauvage pour Jason. Il avait commandé une bouteille de vin blanc qu’il a tenu à me faire goûter.

— Alors, comment le trouves-tu ?
— Je le trouve… frais, fruité, agréable…

Je n’ai pas pu m’empêcher de pouffer, ce qui à fait sourire mon boss.

— Qu’y a-t-il ?
— C’est la première fois que je mange au restaurant, c’est la première fois que je bois du vin… Merci.
— Et hier, ça s’est bien passé ?
— Oui, merci ; je vais avoir plein de vêtements pour venir bosser ; là, j’ai cette robe, je l’aime bien.
— Tu es ravissante, tu sais ; cette robe te va à ravir. Elle te met en valeur.
— J’ai compris que vous vouliez des tenues sexy, des robes et des jupes courtes.
— Je n’aime pas que l’on cache de si jolie jambes ; ça te gêne, par rapport à la religion ?
— Pff. La religion… Ne vous méprenez pas : je suis catholique, mais des années enfermée avec des bonnes sœurs, ça vous donne une soif de liberté immense. J’ai envie de vivre ; j’ai presque dix-neuf ans et je ne connais rien de la vie.

Je m’arrêtai de parler ; sans m’en rendre compte, je m’étais laissé emporter et Jason me contemplait, un peu surpris par ma véhémence. Puis il a souri et j’ai fondu, l’âme happée par ses lèvres entrouvertes sur de grandes dents blanches. Ses dents ! Comme j’aimerais les sentir mordiller mon cou… Calme, Steph, calme !

Après un dessert (sorbet mangue avec de la vraie chantilly pour tous les deux), nous sommes revenus travailler. À ma grande surprise, j’avais les jambes molles en me levant ; deux verres de vin, la chaleur, j’étais pompette. Ce que voyant, Jason a pris obligeamment mon bras ; je me suis pâmée à son contact viril, me repaissant de son parfum et de l’odeur musquée de sa peau.

À seize heures, Anita m’a embarquée d’autorité dans sa voiture pour me conduire dans une boutique de sport ; là, je me sentais plus dans mon élément. J’aurais même pu commander une perche rien qu’à moi, mais j’étais suffisamment anxieuse avec tout ce que la Fondation avait dépensé pour moi. La Fondation, ou Jason Fishburne ? J’ai choisi deux shorts moulants d’athlé, quatre tee-shirts, deux soutien-gorge anatomiques, quatre strings de sport, deux justaucorps en Lycra, des socquettes, une paire de running, des chaussures d’athlé, deux maillots de bain une pièce de compétition, deux survêtements, deux paires de leggins…

Anita a payé sans sourciller avec une Carte Bleue de la Fondation. Puis direction le cabinet d’esthétique, où Ronnie se précipita vers nous pour nous embrasser, d’abord Anita puis moi, me serrant dans ses bras plus longtemps que nécessaire et me laissant à regret ; ses jolis yeux brillaient, et moi… Steph, tu es rouge vif ! Elle te fait de l’effet ; elle est si belle aussi, on n’a pas idée.

— Tu es jolie à croquer, toi ! Viens, je vais te faire les ongles. Tu restes, Anita ?
— Je reviens un peu avant vingt heures ; amusez-vous bien, les filles !
— OK ; bon, Steph, viens dans ma cabine, nous serons plus tranquilles ; déshabille-toi. Ouh là ! Tes sous-vêtement, je m’excuse de te le dire… sont épouvantables ! Mets-les à la poubelle direct !

Je me suis installée sur un fauteuil relax recouvert d’une grande serviette de bain sentant le savon et l’eucalyptus (je crois) ; Ronnie s’est agenouillée sur un épais coussin et a massé mon pied droit, m’arrachant un soupir de plaisir. Elle avait installé une mallette à côté d’elle et a farfouillé dedans avant de me sourire ; un sourire de tout son visage, tant ses yeux pétillaient de malice.

— Tu as des pieds tout jolis ; je vais te faire un peu mal, pas trop quand même. Après, si tu le veux, je te ferai un gros câlin pour me faire pardonner.

Elle a vu que je rougissais violemment car elle a caressé doucement mon genou en redevenant sérieuse.

— Ne t’en fais pas, si tu ne veux pas… Tu n’as jamais embrassé une fille ? Non, à ce que je vois… Ni un garçon, je comprends ? Désolée, ma belle. Tu es si innocente et si désirable…

J’étais profondément remuée ; sa main posée innocemment juste au-dessus de mon genou droit me brûlait, l’incendie se propageait à mon ventre, mes bouts de seins roses étaient devenus tout durs. Je ne savais plus où me mettre. Heureusement, Ronnie a commencé son travail avec application, nettoyant cuticules et peaux mortes, ponçant tous les ongles, pieds et mains, les taillant ensuite et appliquant une sorte de vernis transparent.

Je l’ai remerciée d’une voix un peu rauque, avec un soupçon de regret, puis Anita est revenue pour me conduire chez la doctoresse, une femme grande et élégante dans le début de la cinquantaine. J’ai eu droit à un check-up complet, avec prise de sang à faire, examen gynécologique grâce auquel elle constata que j’étais vierge avec hymen intact malgré les sports pratiqués (la gym étant, semble-t-il, un redoutable destructeur d’hymens) ; elle m’a prescrit la pilule contraceptive à prendre dès le début de mes prochaines règles, ainsi qu’un traitement de fond à base de grosses gélules à prendre tous les jours. C’est quoi ça, un traitement de fond ? Faudra que je demande, que je prenne pas n’importe quoi ! J’étais complètement dépassée, emportée par le tourbillon dans lequel j’étais tombée en rencontrant mon bienfaiteur.

Je restai muette jusqu’à la voiture quand Anita partit du cabinet médical.

— Dis, Ronnie est lesbienne, non ?
— Oui, complètement.

Voyant ma mine, elle ajouta :

— Oui, complètement ; moi, je suis bi.
— Tu es bi ?
— Mmm… J’aime autant les hommes que les femmes ; c’est pour ça que je suis toujours célibataire.

Bon Dieu, Steph, arrête de poser des questions stupides. Et arrête de rougir ! J’ai opiné gravement, essayant de démêler mes sentiments.

— Et Ronnie, elle avait envie…
— De faire l’amour avec toi ? Oui, je me doute. Tu es si belle et si fraîche…

Je me recroquevillai sur mon siège en rougissant de plus belle.

— Je n’ai jamais fait ça ; pour les sœurs, c’est un péché mortel.
— Et ?
— Je m’en fiche, des sœurs. Je suis libre maintenant, je ne l’avais jamais été, c’est… grisant. Je ne ferais pas n’importe quoi avec n’importe qui, mais Ronnie est si jolie… Je ne sais pas.

Anita s’est arrêtée devant une cafétéria où nous avons mangé, pizza mexicana et salade verte pour toutes les deux ; j’étais affamée et Anita aussi, manifestement. De retour à l’appartement, j’ai déballé mes vêtements de sport et c’est seulement après que j’ai réalisé que le placard et sa penderie étaient pleins : toutes les robes, les jupes, les tops étaient suspendus, les chaussures rangées en dessous, des sous-vêtements empilés dans un grand tiroir !

Les larmes aux yeux, j’ai soulevé les tissus, soupesé, caressé, ceci pendant sûrement plus d’une heure. Reprenant un peu de sang-froid, j’ai essayé quelques robes toutes plus sexy les unes que les autres ; certaines même carrément osées, de par leur longueur réduite ou leur transparence.


Auteur : Matt Démon

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