samedi 15 novembre 2014

Youri Batar et la Liqueur Sacrée (2)

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--- Chapitre 2 : La deuxième nuit ---


La journée se poursuivit normalement, mais Youri et Run savaient que leur amie Cordery luttait contre l'angoisse croissante de la nuit prochaine, angoisse attisée par cet étrange dialogue de Youri avec le bonhomme de neige que ni elle ni Run n'avait pu voir ou entendre. La mine fermée, les traits crispés, la jeune fille suivit ses cours en s'astreignant au calme.
Dans l'après-midi le temps se dégrada, le ciel neigeux se couvrit et la température, déjà inférieure à zéro, dégringola. L'ambiance n'en fut pour les trois amis que plus inquiétante, présageant des drames dont ils ne savaient rien.

Entre deux cours, en milieu d'après-midi, Youri aperçut au détour d'un couloir la silhouette de Calculus DoublePorte, le directeur de l'école, en conversation animée avec Athéna Mc Gottadeal. Ils marchaient ensemble, et grimpèrent finalement un escalier tournant.

Hors de vue, Youri s'approcha rapidement pour s'arrêter sous l'escalier où la conversation se poursuivait à mi-voix, si bas que Youri ne put saisir que des bribes de conversation : « … ne sais pas ce qu'il prépare mais avec cette inspection du ministre … catastrophe … présume que ça ne s'arrêtera pas là et qu'il faut … à sortir grâce au sortilège d'AntiCanis Orci, il faut mettre en place un Riparo en plus du … qui … ».

Youri s'éloigna silencieusement, réfléchissant à ce qu'il venait d'entendre… Il rejoignit ses deux amis, et ce qu'il leur apprit ne fut pas pour apaiser l'inquiétude de Cordery.
Ils discutèrent à mi-voix de ce que pouvait impliquer les propos de DoublePorte et de Mc Gottadeal, et se dirent qu'il était probable qu'un complot visant l'école et sa direction soit en train de se tramer en prévision de la visite d'inspection du ministre.
Cordery lança un regard sombre à ses deux amis :
— Si un scandale éclate à l'école durant une inspection de la plus haute autorité administrative et politique de la magie, le retentissement sera énorme, et rien ne pourra le contrer.
— C'est sans doute cela qui est en jeu. Mais que pouvons-nous faire ?
— Je vais me renseigner sur les sortilèges dont ils ont parlé, sourit Cordery : l'AntiCanis Orci, et le Riparo. Tu es sûr, Youri, que ce sont ces noms-là ?
— Eh bien… euh… il me semble, répondit prudemment Youri, hésitant mais heureux de voir la jeune fille sourire à nouveau.

Durant l'étude en fin d'après-midi, Cordery étudia quantité de livres dans la grande bibliothèque et rejoignit Youri et Run avec un sourire qu'ils connaissaient bien : ses recherches avaient été fructueuses… Rien ne faisait plus plaisir à Cordery.

— Il semble, annonça-t-elle, que le sortilège de Canis Orci soit celui qui protège les dortoirs, mais je n'en ai pas trouvé la confirmation explicite : c'est sans doute un secret bien gardé. Riparo est un terme générique : c'est un sortilège de protection, un rempart pour protéger un endroit. Et nulle trace de l'AntiCanis Orci, mais il est fait mention dans un des livres que j'ai consultés d'un sort appelé Flama Virtus dont il est dit qu'il "protège les jeunes filles", et il y a dans la magie noire un sortilège qui porte le nom d'AntiFlama Virtus, dont il est dit dans une note qu'il est souvent utilisé avec l'AntiC. O.
— Cela ne nous avance guère, grommela Run.

Youri, devant la mine dédaigneuse et déçue de Cordery, s'empressa de remercier la jeune fille :
— C'est intéressant, je trouve. Merci de toutes ces informations… Même si on ne sait pas encore à quoi cela correspond, c'est toujours bon d'en savoir le maximum sur le sujet !

Run leva les yeux au ciel et murmura à Youri quand Cordery tourna le dos :
— 'spèce de fayot !

Après le dîner ils se souhaitèrent bonne nuit. Cordery eut un pâle sourire et leur glissa avant de monter « Tout a sans doute été fait pour que nous passions une nuit tranquille… » et elle monta l'escalier.
Une fois dans leur dortoir, Run et Youri travaillèrent pendant une heure en silence pour les contrôles prévus le lendemain, ou tout du moins essayèrent, tant ils étaient soucieux. Melville, lui, se coucha et s'endormit.
À un moment donné, Youri, nerveux, alla à la fenêtre. Le bonhomme de neige luisait faiblement dans la nuit derrière l'écran de neige tourbillonnante, son sourire tourné vers lui.

Run rejoignit son ami :
— Il est là ?
— Oui. J'aimerais savoir ce qu'il sait.
— Et moi j'aimerais le voir et y croire ! rétorqua brusquement Run avant de regagner sa place.

Youri n'insista pas. Il laissa tomber, bien conscient que son ami, amoureux de Cordery, était fou d'inquiétude pour elle.
Ils se couchèrent finalement, et eurent du mal à trouver le sommeil.

Le lendemain ils ne traînèrent pas pour se préparer, et la sortie du dortoir leur fut permise, ce qui les rassura quelque peu.
Mais hélas Cordery et ses deux camarades de dortoir n'apparurent pas durant le petit déjeuner, et les deux amis eurent les plus sombres pressentiments quant à cette fameuse "deuxième nuit".
Finalement la jeune fille, l'air très perturbé, le teint livide mais les yeux rouges, comme si elle avait pleuré, arriva juste avant le cours de potions, mais ni Youri ni Run, déjà assis à leur bureau, ne purent la rejoindre pour l'interroger, et la jeune fille, le regard absent, ne tourna pas la tête dans leur direction.
Les deux amis bouillaient d'impatience, et à peine le cours terminé ils prirent sur eux pour ne pas courir vers Cordery.
L'intercours durait plus d'un quart d'heure, ils avaient sans doute le temps de discuter avec la jeune fille. Elle resta silencieuse le temps qu'ils trouvent un couloir peu fréquenté, et alors elle éclata brusquement en sanglots.
— Oh, c'est terrible ! s'exclama-t-elle d'une voix étranglée.
— Que s'est-il passé ?! demandèrent Youri et Run d'une même voix vibrante d'angoisse.
— La même chose que la nuit dernière, sanglota Cordery, mais en plus… Il y a eu…
— Quoi ??
— Une chose écœurante…
— Dis-nous ! intima Run. Est-ce que vous avez été… touchées ?
— Non… Non, d'après l'infirmière et Mc Gottadeal… Non. Mais le même… engourdissement profond, plus fort peut-être, et comme hier nous nous sommes retrouvées nues dans le même lit après, mais sur le sol et sur les draps, et sur le mur… une chose… écœurante.
— Quoi ? Je t'en prie, Cordery, je sais que c'est difficile, murmura Youri, mais tu dois nous dire…
— Une flaque énorme, épaisse d'une sorte… de liquide blanchâtre, translucide, gluant. Il y avait partout sauf sur nous, et une odeur… oh… épouvantable, comme des fruits de mer avariés. Rien que d'y penser, j'ai envie de vomir !
— Du sperme ! s'écria Run, et la jeune fille et Youri se tournèrent vers lui, surpris.
— Oui, j'ai entendu Sorbett Poar parler de cela avec Athéna, s'exclama la jeune fille. De quoi s'agit-il, Run ?
— Eeeuh… C'est… hum. C'est le liquide… sexuel des garçons. Pour euh… pour faire les bébés. Et… euh…
— Oui ? demanda Cordery à Run qui rougissait du front au menton.
— Eh bien… reprit Run d'une petite voix, il semble que… comment dire ?
— Dis-nous, l'aida Youri, s'il te plaît ?
— Ahem… Bien… Euh… On peut faire… une… euh, théorie.

Run se gratta la tête, mal à l'aise, avant de poursuivre :
— Le dortoir a sans doute été le théâtre d'un sortilège pour vous… obliger à vous mettre nues… et sans doute y avait-il quelqu'un qui… hum… qui vous observait et… comment dire ?… Qui s'excitait de vous regarder… qui s'excitait et se… masturbait devant le spectacle.
— C'est quoi, se masturber ? demanda Cordery.

Youri, lui, en avait une petite idée : depuis sa chambre, un soir, il avait entendu Mr Bubbley qui accusait son fils Grabley de s'être masturbé avec un magazine "cochon". Et Youri avait vu le magazine en question dans la poubelle de la cuisine le lendemain. Il était seul, et il l'avait feuilleté : des femmes nues, dans des positions d'abandon, avec des tenues très déshabillées. Cela l'avait troublé, bizarrement, mais il n'avait pas cherché plus loin.
Oui, Youri comprenait la théorie que Run, très gêné, tentait d'expliquer :
— Se masturber, c'est… Houlà… eeeuh… pour les garçons… se toucher le sexe pour… pour jouir. Et… jouir, eh bien, quand ça se passe… hem… dans le sexe des femmes, cela peut permettre de faire… des bébés, enfin, un bébé. Je veux dire une grossesse, quand la femme tombe enceinte, tu vois ? C'est le résultat de la jouissance… de l'homme dans le sexe de la femme. Mais se masturber… c'est… c'est pour jouir par excitation.
— Pour rien, pas pour la grossesse ? Tout seul ? Mais… Quel intérêt ? demanda Cordery, les yeux ronds.
— Eh bien, euh… euh… c'est par plaisir : ça fait plaisir. Les garçons… les hommes font cela pour ça.
— Et toi, tu as fait cela ? demanda encore Cordery, les sourcils froncés.

Run rougit encore plus fort, au point que ses cheveux roux parurent tout pâles. Il avala difficilement sa salive et reprit d'une voix faible et pitoyable :
— Eh bien… mes frères m'ont… expliqué tout cela… ahem… tu sais… quand on vit dans… euh… une famille nombreuse, on… apprend tout un tas… tout un tas de choses.
— Mais dis-moi, lança Youri pour venir en aide à son ami et faire diversion au regard perplexe de Cordery, puisque tu sais des choses : quand on jouit, ce n'est jamais… aussi… abondant que ce que les filles ont constaté dans leur dortoir ? Il y en avait partout, d'après ce que tu dis, Cordery.
— Oui, c'est sûr, s'exclama la jeune fille avec une grimace de dégoût. Sauf sur nous.
— À mon avis, déclara Run avec un sourire en se redressant, vous deviez avoir un sortilège de protection autour de vous pour ne pas… ne pas être éclaboussées ni touchées par l'individu. Ou les individus. Tu as raison, Youri, les quantités de… de sperme que tu as vues sont… tout à fait anormales pour un être humain, et même… plusieurs. Je ne sais pas de quelle créature il s'agit, mais… c'est étonnant.
— Je sais, déclara Cordery en retrouvant ses couleurs et son air combatif : il nous faut trouver quelle est la créature qui a des… comment dire ? Des manifestations de jouissance aussi abondantes. Je vais chercher à la bibliothèque cet après-midi. Je pense que je peux demander à être dispensée de cours après ce qui s'est passé : Athéna me l'a proposé.
— Oui, mais ça m'étonnerait que la bibliothèque de Bootbakon – la bibliothèque officielle en tout cas – recèle des ouvrages traitant de ces sujets, remarqua Youri, l'air sceptique.
— Ah oui, consentit Cordery en fronçant les sourcils, tu as sans doute raison. Mais je vais tout de même chercher des pistes… Je vous dirai. En tout cas, ajouta-t-elle en se tournant vers Run en souriant, merci de tes précisions. Heureusement que tu as des frères aussi… délurés.
— Euh oui, sourit Run, l'air confus.
— Mais dis-moi ?
— Oui ?
— Les filles aussi peuvent se masturber, et jouir ?

Run, comme frappé de stupeur, ouvrit des yeux comme des soucoupes et resta bouche bée, tout pâle cette fois, puis péniblement il répondit :
— Eeeeeeuh… Oui, sans doute… Je ne sais pas… Sans doute… Mais… la jouissance… euh… n'est pas… aussi… Enfin comment dire ? Ça ne s'éjecte pas… pas comme ça… sans doute pas… J'en sais rien… euh, voilà. Chais pas.

Avec un grand sourire, la jeune fille salua les garçons et disparut au coin du couloir, laissant Run défait. Youri, lui, avait une irrépressible envie de rire.

— Bon sang, grommela Run, si j'avais su que je lui expliquerais ça… à elle !
— Oui, c'était bien trouvé, le coup des frères, s'amusa Youri.
— Ah mais c'est vrai, c'est comme ça que ça a commencé ! se défendit Run en rougissant de nouveau. Mais bon sang, si elle savait… ajouta-t-il à mi-voix.

Youri éclata de rire et lui tapa gentiment dans le dos :
— Tant que tu n'es pas le visiteur nocturne du dortoir, moi je ne veux pas savoir ! déclara t-il.

Après les cours de la matinée, Youri alla braver le froid le vent et la neige, seul, pour rendre visite au bonhomme de neige. Celui-ci avait l'air pensif, mais il reprit son étrange sourire en voyant Youri s'approcher.

— Youri Batar !
— Lui-même en personne, ironisa le jeune homme. La deuxième nuit a eu lieu.
— Oui.
— Il est temps d'agir, alors…
— Il est temps de comprendre, rectifia le bonhomme de neige.
— Je ne demande que cela, rétorqua Youri. Qui est venu dans le dortoir ? Est-ce qu'il y avait un sortilège de protection pour épargner les jeunes filles ? Qu'est-ce qui se prépare, dites-moi ? Est-ce que tout cela a un rapport avec la visite du ministre ? Est-ce qu'il faut…
— Holà, holà mon jeune ami, s'écria le bonhomme, assez de questions ! Je n'ai pas les réponses.
— Alors quoi ? lança Youri. Vous servez à quoi ?
— Je suis un guide, répondit-il d'une voix suave, un guide sur le chemin de ce qui arrive. Mais réfléchis : qui sait ce qu'il adviendra, qui connaît le bout du chemin, et même les bas-côtés du chemin ? Je suis un guide, répéta t-il.
— Bien, d'accord, admit Youri, agacé. Alors guide-moi, je suis dans le brouillard. Pas de réponses, OK, mais peut-être un indice ? Tu parlais de "quelque chose de toi", hier.
— J'allais y venir. Prends ma carotte.
— Hein ? Quoi ?
— Ma carotte. Mon nez. Prends-la.

Intrigué et perplexe, Youri avança la main et prit la carotte. Il tira dessus et elle glissa, laissant le visage du bonhomme avec un gros trou rond au milieu. C'était une grosse carotte assez longue dont Youri s'étonna qu'elle ne fût pas froide malgré les températures affreuses qui régnaient dehors.

— Et euh… je fais quoi avec ?

Le bonhomme répondit avec une voix nasillarde qui fit sourire Youri, qui s'interrogea brièvement sur la sphère ORL des bonhommes de neige :
— Dode-la à celle gui sait lire les libres : elle d'en derbira, elle droubera la glef. Les libres guondiennent les indizes gu'il faut sur le chebin.
— Elle ? Cordery ? interrogea vivement Youri.

Mais c'était trop tard : le bonhomme de neige, avec un dernier sourire de sa face défigurée, s'effondra brusquement. La neige retourna à la neige, et le tas s'écroula pour disparaître purement et simplement dans un tourbillon de vent qui piqua le visage du jeune homme qui regarda la surface plane et blanche du sol.
Comme si rien n'avait été.
Dans la main de Youri, seule la grosse carotte témoignait de cette rencontre étrange avec le bonhomme. Il enfouit le légume dans sa poche et courut se mettre à l'abri du vent, et surtout trouver Cordery.

Il l'aperçut qui venait de la bibliothèque et allait vers la salle commune des Morhonpionsse pour le repas de midi. Il alla à sa rencontre.
— Tu avais raison, Youri, commença la jeune fille à mi-voix : rien dans les livres concernant la vie sexuelle de quelque créature que ce soit. Le sujet n'est pas été abordé du tout, nulle part !
— M'étonne pas, sourit Youri. Mais il doit y avoir quelque part des livres interdits aux étudiants, même aux étudiants majeurs comme nous…
— Oui, j'en suis certaine, rétorqua Cordery, le regard brillant à l'évocation de livres hors de portée de sa curiosité. Mais où ?
— Justement… commença Youri, l'air mystérieux, en entraînant son amie vers un coin moins fréquenté des couloirs et en priant pour que Run n'apparaisse pas.

Il sortit discrètement la carotte et la montra à Cordery.
— C'est pour toi.
— Hein ? Mais je ne suis pas un lapin !
— Quoi ? Ah oui… Mais… c'est le bonhomme de neige qui m'a donné cela : c'est son nez. Il y a un message. Il m'a dit, j'ai bien retenu « Donne-la à celle qui sait lire les livres, elle s'en servira, elle trouvera la clef… et euh… les livres. Oui c'est ça : les livres contiennent les indices qu'il faut sur le chemin. »
— Quoi ? Ça veut dire quoi ? Quel chemin ?
— Le chemin de la vérité, pardi ! Il m'a dit juste avant qu'il n'avait pas de réponses, mais qu'il était un guide sur le chemin. Et cette carotte, c'est, euh… une indication.
— Une carotte pour trouver la clef ? Tu te fiches de moi ? gronda Cordery.
— Mais je ne fais que…
— Alors tu vas lui dire qu'il peut…
— Rien du tout : il a donné le message et il a fondu. Disparu. Pfuitt !

L'air mécontent, la jeune fille dévisagea son ami qui avait l'air sincère et confus, désolé. Cette histoire, à tout prendre, était tellement loufoque qu'elle pouvait très bien être vraie.

— Bon, d'accord, je te crois. Et je fais quoi avec ? Je la mange ?
— Je n'en sais rien, Cordery, rien du tout… Mais elle est à toi, en tout cas ! s'exclama Youri. Pris d'une soudaine inspiration, il lança avec un grand sourire : celle qui sait lire les livres, c'est certain, c'est toi !

Touché. La jeune fille rougit de plaisir : c'était à ses yeux le plus beau des compliments.

— Bien, je vais… réfléchir à cette énigme. Je ne vais pas déjeuner avec tout le monde. Il faut que je trouve. À mon avis…
— Oui ?
— Les livres dont parlait ce bonhomme de neige, ce sont ceux auxquels nous n'avons pas accès !

Elle sourit et fit demi-tour, laissant Youri intensément soulagé. Il prit la direction de la salle commune, se demandant s'il lui fallait parler de la carotte à Run…

Cordery, soucieuse et concentrée sur ce mystère, décida de rejoindre son dortoir. Il avait été nettoyé dans la matinée de l'immonde flaque laissée par le ou les mystérieux visiteurs, et même l'odeur avait été évacuée, remplacée par un parfum léger de forêt, fort agréable.
Elle serait tranquille pour réfléchir : ses deux compagnes de dortoir, sous le choc, avaient fait le vœu presque hystérique de ne plus remettre les pieds dans cette pièce, et leurs affaires n'étaient plus là.
En montant ici elle avait senti dans l'escalier les vibrations de la puissance du sortilège qui protégeait les lieux depuis les événements étranges de cette nuit.

Elle était tranquille, au calme. Dehors il neigeait, il était midi mais il faisait presque nuit tellement il faisait mauvais… Mais elle se sentait bien, excitée par ce nouveau mystère qui, apparemment, trouverait sa solution dans les livres, et qui lui avait été confié sous la forme absurde de cette carotte posée sur son petit bureau.
Elle ôta sa pèlerine, continuant de réfléchir, et décida soudain de se mettre au lit pour réfléchir à tout cela. Ce serait plus confortable, et comme elle était dispensée de cours, autant en profiter !
Elle se déshabilla, enfila sa chemise de nuit en coton blanc, et posant la carotte sur sa table de chevet elle se fourra sous les draps avec un frisson de plaisir.
Bien, voilà… Réfléchissons.

Elle tenta de structurer sa réflexion, d'organiser ses pensées, mais elle se souvint malgré elle des révélations qu'avait faites Run sur les événements de cette nuit… La jouissance, la masturbation… C'était bizarre. Par plaisir, avait dit Run. Se toucher. Elle s'interrogea sur ce que cela pouvait être pour les femmes, même si d'après ce qu'il avait expliqué, ce n'était sûrement pas une femme qui avait… joui partout dans la pièce.

Elle s'obligea à reprendre le fil correct de ses pensées : le message du bonhomme de neige.
Sur la table de chevet, elle prit la carotte. Elle devait s'en servir. Mais comment ? La manger ? Elle essaya de croquer dedans mais la carotte, curieusement, ne se laissa pas couper par ses dents : elle résista. Elle était dense, d'une densité que les incisives et les canines de Cordery ne purent rompre.
Intriguée, elle regarda le légume étrange, qui lui parut tiède. Bizarre…
Elle essaya de nouveau, en vain, mais eut une sensation étrange à avoir la carotte dans sa bouche. Puisqu'elle ne pouvait la manger, elle la suça : peut-être fondrait-elle comme le bonhomme de neige ? Elle ressentit alors un trouble curieux à sucer doucement cette carotte. Des frissons lui parcoururent le corps, le ventre, les jambes.

Elle s'interrompit, inquiète. Elle se rendit compte qu'elle avait chaud. Et que ses seins étaient tendus, comme parfois sous la douche quand elle se savonnait : la sensation était plutôt agréable, elle aimait bien… Elle toucha ses seins, qui réagirent en accentuant ses frissons.
Houlà ! Cordery s'aperçut quelle avait le souffle court, désordonné. Elle recommença à caresser sa poitrine, ferma les yeux, et eut l'idée étrange de s'en caresser les pointes avec la carotte, à travers le tissu. C'était délicieux, vraiment !

Elle avait trop chaud, désormais. Puisqu'elle était assurée d'être tranquille, elle se leva et ôta sa chemise de nuit, ne gardant que sa culotte, et s'allongea sans rabattre la couette sur elle.
À nouveau, elle promena le bout de la carotte mouillée de salive sur le téton dressé de son sein gauche et s'aperçut, étourdie, que son autre main caressait son sein droit, et aussi qu'elle serrait les cuisses l'une contre l'autre…
Run avait parlé… du sexe de l'homme dans le sexe de la femme pour qu'elle tombe enceinte… Elle ne savait pourquoi, mais cette idée l'échauffait, l'excitait. Son sexe ?
Elle écarta un peu les jambes et il lui sembla alors que la carotte devenait plus chaude encore. Elle sentit alors confusément qu'elle était sur la bonne voie pour "l'utiliser". Elle enleva sa culotte.

Cordery, prise de légers vertiges, commença à caresser les poils légers au-dessus de son sexe. C’était doux. Elle y promena la carotte d'une main en se caressant les seins de l'autre. Elle se sentait comme en ébullition et s'aperçut qu'elle gémissait sourdement.
La pointe de la carotte… elle la fit descendre, et sentit soudain comme un pincement, une petite décharge qui lui arracha un cri bref, et serra instinctivement les cuisses. Elle se figea, puis elle fit coulisser un peu la carotte entre ses cuisses serrées… C'était bon. C’était ça sans doute, le plaisir de se masturber pour une femme. Elle eut envie de rire ! Que cette carotte venue de nulle part était un beau cadeau !

Cordery à nouveau écarta les jambes, chercha un peu et retrouva très vite le point précis, en haut de la fente de son sexe qu'elle avait déjà observé dans une glace, qui lui procurait cette petite décharge chaude.
De l'autre main, elle chercha aussi, et trouva un petit renflement de chair qui était le centre, semble t-il, de ses sensations fortes et inconnues. Elle le frotta et se mit à gémir tandis qu'elle faisait descendre la carotte le long de sa fente qui s'humidifiait.
Elle poussa un peu la pointe de la carotte en continuant de frotter : ces deux choses lui procuraient du plaisir… Elle poussa encore. La carotte semblait brûlante… Elle poussa. Ça résistait un peu, mais la carotte était chaude et bonne, et son sexe tout mouillé : elle continua, cria un peu, et la carotte entra plus facilement. Elle accentua sa poussée, cherchant son souffle, puis elle la ressortit et la fit à nouveau glisser en elle. Elle recommença, déclenchant dans son ventre et dans sa tête des décharges mouvantes, supérieurement agréables.
Elle continua donc, accéléra, les cuisses maintenant grandes ouvertes, la tête rejetée en arrière, ses cheveux étalés sur l'oreiller. Comment avait-elle pu ignorer ce bonheur fou ?
Sa main gauche s'agitait à toute allure, faisant de la carotte un vigoureux piston qu'elle enfonçait de plus en plus, et dont elle se régalait de la course frénétique. Sa main droite, crispée, faisait frotter ses doigts sur le petit renflement excité en haut de sa fente, et sa tête commençait à partir, parcourue d'étincelles.

Soudain, elle poussa un cri dont elle craignit par la suite s'il n'ait été entendu de toute l'école. Elle se cabra, sursauta sur son lit défait,  la carotte plantée au fond de son ventre agité de spasmes irrépressibles. Elle retint son souffle, et ce fut dans son cerveau et tout son corps raidi par la force de cette décharge ultime, terriblement forte, un véritable feu d'artifice. Elle resta figée, puis retomba sur son lit tandis que les frissons continuaient de se répandre en elle en vagues régulières.

Elle reprit son souffle, fit glisser la carotte trempée hors de son sexe encore palpitant. La vaaaache ! Que c'était bon !
Elle en était toute étourdie, épuisée.
Qu'elle avait attendu longtemps avant de connaître ce plaisir fulgurant !
Elle eut honte d'avoir été si longtemps naïve et de ne pas s'être intéressée plus tôt à son corps, pendant toute son adolescence : le savoir, la connaissance, Cordery l'intello, avec ses seins excités, gonflés depuis longtemps, et son corps de femme qu'elle laissait de côté. Quelle conne j'ai été !

Elle sentit qu'elle avait froid, elle se sentit vide, fatiguée au-delà de tout. Elle se pencha, rabattit la couette toute douce sur son corps nu, et n'eut plus qu'une envie : dormir dans le souvenir des délices inédites qu'elle venait de connaître !
Cordery eut tout de même le réflexe de cacher la carotte avant de se laisser aller, de plonger dans le sommeil. Elle ouvrit le tiroir de sa table de chevet… et poussa un cri de surprise : il y avait dedans… une clef !

Cette clef n'y avait jamais été, elle en était certaine ! Elle éclata de rire : c'était donc bien ainsi que la carotte devait être utilisée par celle qui savait lire les livres ! Mais les livres attendront, les mystères aussi, et la clef, même la clef.

Cordery, en soupirant de bonheur, ferma les yeux et s'endormit aussitôt.

Auteur : Riga

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