dimanche 25 décembre 2016

La véritable histoire de Noël

— Hey, Mary, on va faire un tour ?
— Ben, j’suis pas contre. Mais avec quoi ?
— En Merk’ ; j’en ai « empruntée » une.
— Quoi ? Une Merkabah ? Ces tas de ferraille ?
— Ouais, j’sais bien, mais avec les nouveaux antivols quantiques, on ne peut plus pirater les codes des clés numériques. Alors tu devras te contenter de la Merk’. Bon, tu viens avec moi ou tu restes ici ?
— Hey, Joe, tu crois que j’vais t’laisser partir tout seul pour draguer les minettes ? Ben, tu t’fourres le doigt dans l’œil jusqu’au coude, espèce de queutard ! C’est pas pasque j’suis en cloque que j’refuse de tirer un coup d’temps en temps, bordel !

Vous l’avez compris : Joe et Mary ne font pas partie de la haute société ; ce sont des marginaux qui vivent d’allocations et de petits délits. Ils ont déjà six gamins (placés dans des familles d’accueil) ; quant au septième, elle l’a dans le buffet, prêt à débarquer d’un jour à l’autre.

— Bon. Alors prépare tes affaires, et vite, parce que les flics vont finir par repérer la Merk’.
— Kèsque j’prends ? On va où cette fois ?
— Oh, pas très loin ; on va rester dans notre galaxie. Pas plus de 50 000 années-lumière : faut pas trop s’éloigner ; avec ton gros ventre, on sait jamais…

Quelques minutes plus tard, Mary et Joe s’engouffrent dans un étrange engin octaédrique ressemblant à deux pyramides imbriquées l’une dans l’autre. Sur l’un des panneaux extérieurs, un insigne représentant une étoile à six branches surplombe la marque du véhicule : Merkabah.

Joe s’installe sur un fauteuil au cuir craquelé, face à la planche de bord défraîchie ; il remarque alors que les manettes en cuivre sont ternes et oxydées. « Va falloir faire briller un peu ça ; j’veux pas m’dégueulasser les mains, merde ! » se dit-il in petto.

— Mary, va chercher du Miror !

La femme s’approche de la portière restée ouverte, mais au lieu de sortir de la Merk’ elle la referme précipitamment en criant :

— Joe, les flics ! Ils arrivent ! Décolle ! Vite, vite !

Elle s’installe aux côtés de Joseph qui enclenche aussitôt la propulsion magnétique ; l’appareil décolle et s’élève dans le ciel. Arrivé aux confins de l’atmosphère, après avoir vérifié que les flics ont perdu leur trace, le pilote de l’antiquité volante entre des coordonnées dans le système de navigation.

— Alors, Joe, c’est où qu’tu nous emmènes ?
— Tu vas voir : un coin sympa. Des potes à moi m’ont parlé d’une petite planète où les indigènes cultivent une super beuh ! Ils m’ont indiqué un trou de ver qui débouche pas loin de leur étoile ; un putain de raccourci ! Attention : je vais passer en translation dimensionnelle ; dès que nous serons sortis de l’hyperespace, tu pourras te détacher.

Lorsqu’il actionne un interrupteur, les étoiles qui resplendissaient sur le fond noir de l’espace disparaissent ; le plexiglas du pare-brise ne laisse filtrer qu’une faible lueur d’un gris opaque semblable à un épais brouillard. Cela ne dure que quelques secondes, puis les étoiles réapparaissent, dont une qui semble toute proche. Rassuré de se retrouver dans l’espace einsteinien, il se met à chantonner un air de musique rythmée :



Laisse-moi zoom zoom jerk
Dans ta Merk’ Merk’ Merk’…


— Il ne reste plus que 140 millions de kilomètres, mais avec la propulsion magnétique ça va nous prendre au moins une demi-heure. Tu sais à quoi je pense ?
— Toi, j’te connais, espèce d’obsédé : tu veux me sauter !
— Les voyages, ça m’excite ; regarde ! dit-il en sortant une verge impressionnante en pleine érection.
— Mmmm… qu’elle est belle ! Fais attention à l’enfant, avec ta grosse bite ; prends-moi plutôt par derrière.

Elle relève jusqu’à la taille sa longue robe de grossesse bleue, s’appuie contre le tableau de bord et cambre son mignon postérieur qui n’est protégé par aucun sous-vêtement. À cette vue, l’excitation de Joseph redouble ; il va quérir une importante quantité du liquide qui suinte de la vulve de cette femme qui s’offre avec une totale impudeur, en enduit l’entrée de service, appuie son gros gland mafflu contre le petit cratère sombre et s’enfonce progressivement dans le rectum de Mary le plus loin possible.

Le visage de la belle se crispe sous cet assaut terriblement viril, puis ses traits se détendent lorsque Joe, après quelques secondes d’immobilité, entreprend de doux va-et-vient dans son fondement. Il ne veut pas aller trop vite car il est proche de l’explosion. Alors, pour faire tomber la pression, il se met à discuter avec Mary :

— Au fait, t’as déjà choisi un prénom pour notre enfant ?
— Oui. Si c’est une fille, ce sera Leone ; et pour un garçon, Leon.
— Pas très original…

Soudain, un cri sort de la bouche féminine.

— T’as joui, ou j’t’ai fait mal ?
— Espèce de connard ! Regarde c’que j’ai sous les yeux !
— Quoi ? J’comprends pas…
— La jauge.
— Quoi, la jauge ?
— Elle est presque à zéro ! T’as pas fait le plein avant de partir ?
— Ben, c’est qu’on est parti un peu vite, avec les flics au cul…
— Et alors ? Qu’est-ce qu’on va devenir, sans essence si loin de chez nous ? On va faire du stop pour rentrer ?
— T’inquiète, ma poule ; il en reste assez pour rejoindre la planète. J’vais passer un message de détresse.
— T’as intérêt à faire vite : j’tiens pas à passer le reste de ma vie dans ce trou paumé !

Ils sont maintenant assez proches de cette planète pour en distinguer les détails : quelques continents ocre et verts émergent de vastes étendues d’eau bleue.

— Pour économiser l’carburant, j’vais m’placer en orbite basse ; les couches supérieures de l’atmosphère vont nous freiner progressivement pendant plusieurs jours, puis je me poserai.
— N’oublie pas le message de détresse !

Joseph s’approche du transmetteur hyperluminique :

— Mayday. Mayday. Mayday. Ici Merkabah en panne de carburant sur la planète Sol 3, dans le bras d’Orion,
à 30 000 années-lumière du centre de la galaxie. Faites-nous rapidement parvenir de l’essence.
Ah oui, du Miror aussi.

Pendant plusieurs journées terrestres, la Merk’ orbite autour de la planète, perdant peu à peu de l’altitude, invisible durant le jour mais visible de nuit telle une brillante étoile en mouvement, puis elle se pose à proximité d’une colline qui offre la particularité d’être dotée d’une grotte qui pourra leur servir de refuge provisoire. Afin de se protéger d’éventuels virus ou microbes, Mary et Joe s’équipent chacun d’un générateur de champ gravitationnel qui, une fois activé, forme un léger halo autour de leur tête ; cet appareil sert également de traducteur instantané.

Après avoir déchargé tous les équipements de survie, ils les installent dans la grotte, puis Joseph met leur véhicule en lévitation automatique à quelques mètres au-dessus de la caverne afin de le protéger d’éventuelles dégradations. La vieille Merkabah émet une légère lumière bleutée.

Il faut peu de temps à Mary pour ressentir les premières contractions de l’enfantement, à peine quelques heures après leur installation. Comme ce n’est pas son premier enfant, elle accouche facilement, aidée par Joseph.
Leon – puisque c’est un garçon – est placé dans une petite couchette provenant de la Merk’.

Au cours de la première nuit passée sur cette planète inconnue, le couple est réveillé par des mouvements à proximité de la grotte ; finalement, ce ne sont que deux animaux – des quadrupèdes dont l’un d’eux possède de longues oreilles – qui ont dû échapper à la vigilance des bédouins qui font halte à quelque distance de là. Comme les animaux ne semblent pas être agressifs, le couple se rendort, rassuré.

Le lendemain matin, les animaux sont toujours là ; c’est l’occasion de tester le traducteur instantané.

Le plus petit d’entre eux leur apprend qu’il a été domestiqué par des êtres semblables aux visiteurs venus de l’espace ; ils le nomment « âne » et l’utilisent pour transporter des charges pendant leurs déplacements. L’âne leur avoue qu’il a un appétit sexuel très développé.

Le plus volumineux des deux les informe que son sort n’est vraiment pas enviable : les bédouins l’appellent « bœuf » et l’élèvent dans le but de le dévorer ; c’est la raison pour laquelle il s’est enfui. Quant à sa vie sexuelle, elle est nulle : tout jeune, on lui a coupé les testicules pour qu’il grossisse plus vite ; il regrette de ne pas pouvoir saillir les femelles de son espèce.

Horrifié par la sauvagerie des bédouins, Joe se saisit du régénérateur cellulaire qui fait partie des équipements de survie obligatoires dans chaque vaisseau spatial et en dirige le rayon mauve sur le sexe mutilé de ce pauvre bœuf. En quelques instants, les cellules souches activées par le rayonnement de l’appareil font repousser deux impressionnantes bourses qui se remplissent de deux énormes testicules.

À présent, le bœuf redevenu taureau affiche une extraordinaire érection. L’âne, ne voulant pas être en reste, fait saillir hors de son fourreau un membre qui lui pend entre les jambes presque jusqu’au sol et le fait claquer contre son ventre à plusieurs reprises. Mary – qui est une affamée de sexe – ne reste pas insensible devant ces membres hors normes.

Pendant quelques jours, Mary, suite à son récent accouchement, refuse les avances de Joseph ; elle ne le laisse toutefois pas sur sa faim, le soulageant par des fellations magistrales dont elle seule a le secret. C’est ainsi qu’un soir, pendant que – le dos tourné à l’entrée de la grotte – elle suce son compagnon, celui-ci tressaille à la vue de trois visiteurs richement vêtus qui portent chacun un coffret magnifiquement ouvragé.

— Mais qui est ce petit être ? demande le premier, désignant le petit Leon.
— Comment s’appelle-t-il ? s’enquiert le second.

Mary n’interrompt pas pour autant sa fellation ; la bouche à moitié pleine, elle répond, irritée :

— Je suce !

Je troisième reste muet, mais grave scrupuleusement « Jesus » sur une tablette d’argile. Mary continue à œuvrer jusqu’à ce que son compagnon lui envoie quelques giclées de sperme tiède au fond de la gorge. Enfin soulagé, il fulmine contre trois importuns :

— Mais vous êtes qui, nom de Dieu ?
— Nous sommes des mages, répond le premier. Mon nom est Melchior.
— « Mages » signifie que nous pratiquons la Haute Magie, précise le second. Gaspard, pour vous servir.
— Mais qu’est-ce que vous foutez là ? s’emporte Joseph.

C’est le troisième qui répond :

— Je m’appelle Balthazar. Nous avons répondu à votre appel, et nous vous apportons ce que vous avez demandé.
— Comment ça, « mon appel » ?
— En tant que pratiquants de la plus Haute Magie, notre niveau vibratoire est très élevé ; c’est ce qui nous a permis de capter votre appel.
— Alors c’est vous, les dépanneurs ? Ben, c’est pas trop tôt ! J’ai cru que nous allions devoir passer une éternité dans ce bled paumé. Bon, vous apportez quoi ?
— De l’encens, répond Gaspard.
— De la myrrhe, ajoute Balthazar.
— De l’or, termine Melchior.

Là, Joe s’énerve vraiment et hurle :

— Quoi ? Mais vous vous foutez de moi, bande de connards ! C’est pas de l’encens que j’ai demandé, mais de l’essence ! Et du Miror, pas de la myrrhe et de l’or. Putain, quels empaffés ces trois bouffons ! Hé, les guignols, vous arrivez de quel coin de la galaxie ?
— Nous ne connaissons pas le pays dont vous parlez ; nous venons de l’Orient. Nous avons suivi l’étoile qui nous a guidés jusqu’ici, cette étoile bleue qui est là, juste au-dessus de nous.
— Putain… Ils ont pris la Merk’ pour une étoile filante ! dit-il en aparté à Mary.
— Et nous venons nous prosterner devant notre Seigneur, car il est dit dans nos traditions que le fils de Dieu, enfanté par une vierge, viendra sauver l’humanité et qu’il nous sera annoncé par une étoile qui ira devant nous pour nous indiquer la direction à prendre. Et puis il y a des signes qui ne trompent pas ; vous avez une auréole autour de la tête : vous êtes des Saints, et ce petit être, là, n’est autre que le fils de Dieu. Honorons-le comme il se doit ! À genoux !

Dans la tête de Joe, les idées fusent à toute vitesse : « Putain… ils prennent le halo du générateur de champ gravitationnel pour un de leurs trucs à la con. Et Mary, vierge ? Ça, c’est bien la meilleure ! Bah, après tout, être les parents du fils de Dieu, c’est pas une si mauvaise situation que ça… Ça pourrait même nous procurer des tas d’avantages. Vaut mieux pas que les vrais dépanneurs nous retrouvent, dans ce cas-là. Demain, je vais détruire cette saloperie de transmetteur hyperluminique. Quant à notre fils, bah, on lui trouvera bien une occupation… rentable. »

Ses pensées sont interrompues par Melchior qui lui demande respectueusement :

— Seigneur, quand cet enfant est-il né ?

Tiré de ses rêveries de magnificence, un peu hébété, Joseph répond à côté de la plaque, croyant qu’il lui demande le nom de l’enfant :

— Leon.
— Ça s’écrit comment ?

Joseph épelle le prénom de son fils, et le mage, ayant sorti son morceau d’argile et son calame, grave avec une grande précision – mais à l’envers car l’araméen s’écrit de droite à gauche – « Noel ».

La suite, nous la connaissons tous…


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PS : Bien entendu, certains gadgets techniques provenant de la Merkabah ont permis à Jésus de réaliser des choses incroyables pour ces peuplades arriérées, comme attirer des poissons dans les filets des pêcheurs, transformer de l’eau en vin, multiplier des pains, marcher sur l’eau, restituer la vue à un aveugle, et même ramener un mort à la vie. Et puis il faut dire que Joseph n’a pas caché à son fils leurs origines ; il lui a appris qu’il était possible de voyager dans l’espace entre les systèmes solaires, et même entre les galaxies. C’est pourquoi il est rapporté, dans le livre sacré de ce peuple, cette phrase énigmatique : « Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon Père. »
(Jean. 14 : 2)
 
Auteur : Lioubov

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