Carlos eut le lendemain une matinée bien occupée :
il alla prendre son patron à 7 h 20, le conduisit à un rendez-vous à
Melun qui ne dura que 15 minutes, et revint avec lui pour une réunion au
Bourget.
Là, il fit une pause, et s’accorda un café dans un bistrot, il consulta ses courriels et ses messages téléphoniques sur son iPhone, et tandis qu’il écoutait un message de son frère, ses yeux rencontrèrent la une d’un journal gratuit dans son distributeur, à l’entrée du café.
Il coupa immédiatement son téléphone et stupéfait, se leva vivement pour voir cela de plus près.
En haut de page, il y avait une photo d’Irène allongée inconsciente dans son lit d’hôpital, avec ses tuyaux et en arrière-plan, les machines de contrôle, et un titre d’appel : « La miraculée d’Orléans au cœur d’une sombre affaire ? »
En dessous, quelques lignes pour provoquer l’intérêt : « Irène Frageau qui, un soir de Noël 2007, avait vécu un enfer, coincée pendant 17 heures dans la carcasse de sa voiture accidentée avec les cadavres affreusement mutilés de sa petite fille de 8 ans et de son compagnon, et sa sœur gravement blessée, se retrouve aujourd’hui dans un coma que les médecins n’expliquent pas. Elle avait pris il y a quelque temps un garde du corps. Se sentait-elle menacée ? Et par qui ? Lire notre dossier page 4. »
Voilà au moins qui expliquait le manège de ce faux interne, qui devait sans doute avoir comme complice et indic la fille de l’accueil à qui il avait demandé à Clara de donner ses coordonnées.
Il alla en page 4 et découvrit une pleine page faite d’articles et d’encarts, et il y avait des photos, qui attirèrent aussitôt son attention : celle d’Irène de la première de couv’, mais en plus grande dimension, il y avait aussi une photo d’archives d’une Saab 900 accidentée, suspendue au bout d’un câble de grue au-dessus d’un profond fossé, son toit découpé comme le couvercle d’une vieille boîte de conserve, et puis une photo volée le représentant aux côtés de Clara avec ses lunettes noires, à l’accueil de la clinique.
Il lut la légende : « Clara M., la sœur de la banquière, en discussion avec le garde du corps d’Irène Frageau. Est-ce la sœur aveugle qui a monté et organisé une protection rapprochée pour Irène et qui paye le garde du corps ? »
Carlos, agacé et tendu, se mit à lire soigneusement la page du journal, dont la qualité journalistique était plus que discutable : il s’agissait essentiellement d’hypothèses d’un journaliste qui avait flairé l’accroche spectaculaire autour d’un non-événement sur lequel il brodait allègrement. Il tentait de bâtir un truc sur du vent avec des éléments disparates, pour que ça puisse ressembler à un scénario : accident tragique + destins brisés + jolie femme + et en plus, banquière (fantasme pouvoir/argent) + questions médicales irrésolues + sœur mutilée et mystérieuse mais jolie + garde du corps mystérieux avec une belle gueule de dur = complot probable expliqué et exploité en exclusivité !
Carlos lâcha le journal, recommanda un café et réfléchit à tout cela.
D’être en photo dans le journal ne le dérangeait pas, ça l’amusait, son patron s’en foutrait s’il tombait sur la photo, et il ne lisait que la presse économique.
Non, ce qui était en revanche plus préoccupant, c’est ce qui manquait à cet article : la double vie d’Irène.
La trame de l’article restait approximative, mais si le journaliste tombait là-dessus en poursuivant ses hypothèses, ça donnerait à cette histoire un arrière-plan explosif !
L’autre point qui le contrariait était plus personnel et anecdotique : le mari de Clara, Bernard, apprécierait sans doute très moyennement que sa belle-sœur scandaleuse se retrouve en une des journaux, et surtout que sa femme elle-même soit mêlée à tout cela… Sans parler du fait qu’on laissait entendre qu’elle avait engagé ce fameux garde du corps qu’il ne supportait pas !
« Si j’avais été maraîcher ou vendeur de téléphones mobiles, le journaliste n’aurait pas écrit trois lignes… » se dit Carlos, brièvement amusé.
Il composa le numéro de Clara : il ne voulait pas qu’elle découvre cela par hasard, il tenait à elle et la savait fragile.
— Clara ? C’est Carlos…
— Oh ? Je ne pensais pas… que vous… que tu m’appellerais.
— Désolé, répondit-il. J’espère que cela ne te dérange pas ?
— Non non, pas du tout !
— Tu es à la clinique, là ?
— Non, chez moi, pourquoi ? J’y vais cet après-midi sans doute…
Il lui parla de l’article, qu’il résuma au mieux, et au bout du fil il n’y eut que le silence, puis Clara murmura :
— C’est terrible. C’est n’importe quoi.
— Oui, c’est sûr, reprit Carlos. Et il faut en tenir compte, de tout cela, ça risque de changer les choses…
— C’est-à-dire ?…
— Tout compliquer ! lâcha-t-il. Déjà Bernard risque de ne pas être ravi…
— Ah oui, c’est sûr, ça va le rendre furieux, déjà qu’il supporte Irène de moins en moins, si en plus je suis celle qui t’a embauché, ça risque d’être… saignant.
— Oui, justement. Il risque d’y avoir ce journaliste dans les parages, et à visage découvert maintenant, peut-être d’autres, et si Bernard déclenche un esclandre, ils vont adorer, ça accréditera l’idée qu’il y a quelque chose derrière tout ça. Et il y a quelque chose derrière… et plus que croustillant.
— Oh mon Dieu, oui… Je vois. Je… je fais quoi, je dis quoi si on m’interroge ?
— Tu ne dis rien, mais pas dans le genre superstar ou qui déteste les journalistes. La femme discrète et timide qui ne veut pas être embêtée.
— Ça va pas être difficile, ça, comme rôle, rigola Clara : c’est exactement moi !
— Et s’il y a besoin, je m’occuperai de la mise au point…
— Comment tu écris : « poing » ?
— Hein ? Ah oui… oh non, ne t’inquiète pas ! Je suis un non-violent par principe…
Elle rit et ils raccrochèrent après être convenus de se voir dans la journée à la clinique, sans qu’il ne sache trop quand.
« Oui, se dit-il, elle a du charme, beaucoup de charme, même. »
Il était l’heure, il reprit sa voiture et attendit son patron qui arriva enfin, direction Versailles cette fois, où son patron allait déjeuner avec des partenaires commerciaux.
Il lui accorda son après-midi, ne sachant pas trop quel serait son programme après ce déjeuner.
Carlos acheta un sandwich dans une boulangerie et fila sur la clinique.
Dans une rue adjacente, avant de s’engouffrer dans le parking souterrain, il vit stationné là en double-file un camion d’une chaîne de télé d’infos continues, Flux d’Infos, avec des antennes et une parabole encore repliée : d’autres avaient sans doute repéré le fait divers facile avec des vrais morceaux de drame dedans, nappé de mystère bien sucré, de quoi fournir des munitions pour des petits reportages qui changent un peu de la politique, des élections à venir et de la crise économique.
Une fois garé, il rappela Clara, lui apprit que des journalistes étaient sans doute en embuscade, et voulut la dissuader de venir, mais elle refusa. Il salua cette volonté de ne pas se laisser faire, et apprenant qu’elle devait venir en taxi, ils convinrent qu’il l’attendrait devant la clinique après avoir évalué la situation.
— Allons voir où en est la miraculée d’Orléans… grommela Carlos en s’engouffrant dans l’ascenseur.
Dans le hall, il y avait cinq personnes qui attendaient, désœuvrées, à côté des machines à café. Carlos vit la caméra et la perche-son, et puis un des mecs le repéra :
— Hé le voilà ! Le garde du corps !
Et ce fut le branle-bas, la ruée : donner enfin du biscuit à grignoter au public pour l’empêcher de zapper !
Il y avait une journaliste qui ressemblait vraiment à une journaliste télé, un type un peu enrobé à l’air cool qui avait empoigné sa lourde caméra et se la mettait à l’épaule, un Antillais à la peau très claire, en tee-shirt, avec des câbles et une valisette, et deux autres filles avec des micros et des sacs techniques en bandoulière. Carlos reconnut les logos de deux radios sur les gros micros, et tout ce monde-là courait vers lui, c’était grotesque.
Mais pas question d’éviter les problèmes qui doivent survenir, Carlos était de ceux qui se font des raisons pour ce qui leur déplaît, histoire de passer le cap au mieux et de ne pas être déstabilisé par des circonstances qui lui échappent.
Et là c’était le cas : autant regarder la réalité en face, s’en tirer le mieux possible et aller au-delà. Le projo intégré de la grosse caméra l’éblouissait déjà.
— Vous êtes le garde du corps d’Irène Frageau, pouvez-vous nous dire si vous…
— Vous ne dites jamais bonjour, d’abord ? sourit-il d’un air innocent.
Il vit la contrariété défaire le masque de la jeune journaliste, qui n’avait pas que cela à faire, et puis aussitôt (elle réagissait vite) un air de méfiance quand elle répliqua :
— Bonjour, Vanessa Kerly, de Flux d’Infos. Vous pourriez d’ailleurs vous présenter, on ne connaît pas votre nom ?
Habile répartie, qui lui permettait d’assurer le petit scoop du petit fait divers…
— Carlos Dacosta, enchanté.
— On reprend. Trois… deux… un… Carlos Dacosta, vous êtes le garde du corps d’Irène Frageau, pouvez-vous nous dire si vous…
— Disons plutôt un ami.
— Mais vous êtes bien garde du corps ?
— Effectivement, mais je suis ici en tant qu’ami, et personne ne me paye pour une quelconque protection.
Il vit avec intérêt le froncement de sourcils des journalistes en face de lui, qui essayaient tous de prévoir comment enchaîner, rebondir, développer, après ce premier démenti.
— Quel est l’état de santé précis de celle qu’on appelle la miraculée d’Orléans ? attaqua une des deux journalistes radio.
— La nature exacte de son coma ? questionna l’autre. Et pourquoi est-elle tombée dans le coma ?
— Des séquelles du drame ?
— Je n’en sais rien, répondit Carlos. Il y aura peut-être un communiqué d’un médecin, mais je n’en sais rien.
— Quelles sont vos rapports exacts avec la sœur de la victime ? enchaîna aussitôt la journaliste télé.
— Elles ont été toutes les deux victimes, c’est également une amie, et elle est très éprouvée par cette histoire.
— Pensez-vous que quelqu’un en veut à Irène Frageau ?
— Je ne vois pas qui, poursuivit Carlos en secouant la tête, je crois que ce n’est pas la peine de voir du mystère et du complot partout, en imaginant des développements obscurs d’un accident spectaculaire et dramatique il y a cinq ans. Malheureusement aujourd’hui, tout cela est très banal. Vraiment pénible pour la famille, mais très banal… Pas de quoi faire des reportages.
— Comment la miraculée a-t-elle surmonté la dépression après le drame ?
— Dans quel état psychologique était-elle ces dernières semaines ?
— … s’était-elle remise du choc ?
Carlos comprit qu’il n’aurait pas le dernier mot, que l’affaire était entendue et que les journalistes en face de lui ne lâcheraient pas avant d’avoir eu ce qu’ils avaient prévu d’avoir. Pas des informations, mais des éléments confirmant l’idée qu’ils se faisaient de l’affaire : ce qu’ils voulaient ramener devait cadrer avec le scénario idéal, le reste ne les intéressait pas et venait plutôt les contrarier.
À partir de là, ça ne servait à rien de développer, et de vouloir donner un autre son de cloche : il sonnerait dans le vide.
Le plus ennuyeux pour les journalistes était le silence, l’absence d’éléments, il déclara donc que Clara, la sœur d’Irène, allait arriver et ne ferait aucune déclaration, il leur demanda (juste pour la forme) de respecter son désir de discrétion, puis il échappa à son auditoire avide et fila devant la clinique, les journalistes lui emboîtèrent le pas, caméra en bataille : capter des images leur donnerait du grain à moudre et justifierait leur déplacement et leur salaire.
« Allons-y pour la comédie convenue, se dit Carlos en repérant finalement le taxi de Clara sur l’avenue : la scène du garde du corps qui protège la jolie vedette fragile de la meute des journalistes. »
Mais sans vedette, sans meute, sans intérêt. Il ouvrit donc la porte à la jeune femme qui comprit aussitôt en entendant surgir les questions, les mêmes qu’à Carlos, celui-ci lança un « S’il vous plaît ! » impératif en l’entraînant fermement dans la clinique, repoussa même un journaliste aux portes de l’ascenseur, il savait que c’était la limite de courtoisie et qu’après ils seraient tranquilles.
Dans le couloir menant à la nouvelle chambre, il aperçut le faux interne qui devait être vrai, en fait, et avoir des copains ou des copines dans le journal où toute cette histoire creuse était sortie.
Le jeune homme se raidit, s’évertua à sourire et à avoir l’air détaché en les saluant de la tête, de la gêne et de la culpabilité dans son regard fixe.
Carlos lui renvoya son signe de tête mais lui servit un regard de tueur (il savait faire cela), l’interne poursuivit son chemin en essayant de marcher tranquillement et en retenant certainement son souffle.
Il y avait du monde dans la chambre, des médecins enfin, sous la direction d’une petite femme énergique d’une cinquantaine d’années : le petit battage autour d’Irène avait au moins produit cet effet, ils allaient en savoir plus.
Sauf que non : les analyses pratiquées n’apportaient rien de probant, et sa perte de conscience prolongée n’était toujours pas expliquée pour l’instant.
Il allait falloir faire avec et attendre.
Tout ce petit monde repartit, laissant Carlos et Clara seuls avec Irène inanimée, présence passive que tous deux regardèrent avec tristesse, et Clara résuma leurs pensées :
— Elle s’en va…
Il ne répondit pas et la prit dans ses bras, elle s’y blottit avec bonheur, retrouvant contre lui la chaleur dont elle avait besoin, et sa stature rassurante d’homme qui assure, d’homme qui est là, qui la comprend. Ils restèrent ainsi, et chacun se rendit compte de son propre désir.
Clara avait envie de faire l’amour, de reprendre un peu de ce plaisir qu’elle avait découvert la veille, c’était si bon, et Carlos commença vite à bander en sentant le corps de Clara contre le sien, serré, imbriqué sans doute plus que n’aurait pu l’être celui d’une amie à consoler.
Impossible évidemment de se permettre quoi que ce soit dans la chambre, même si Carlos avait eu droit à ce privilège risqué, ce n’était pas envisageable de jouer à cela maintenant.
— Je dois y aller, murmura Carlos à l’oreille de la jeune femme. Je peux te raccompagner ?
— Oui… Oui, s’il te plaît.
Ils redescendirent dans le hall, maintenant déserté par les journalistes partis sans doute en trombe pour pondre leurs reportages avant de quelconques échéances éditoriales, et prirent l’ascenseur pour le parking.
Là, Carlos l’embrassa tendrement à peine les portes refermées, juste quelques secondes le temps de gagner le 2ème sous-sol, Clara s’abandonna, ils retrouvèrent leur convenance en sortant de l’ascenseur.
Elle voulut prendre le bras de Carlos pour se laisser guider, mais celui-ci enroula son bras autour de sa taille, elle accrocha timidement son bras à sa taille à lui, sous la veste de costume, comme deux amoureux… puis tout en marchant dans le parking désert, Carlos descendit sa main sur ses fesses, qu’il pelota lentement.
Clara défaillait de trouble, jamais depuis qu’elle était aveugle elle n’avait marché quelque part en étant ainsi accompagnée !
La main baladeuse remonta peu à peu sous la robe, elle voulut lui dire d’arrêter, lui dire qu’elle était morte de trouille (ce qui était tout à fait le cas !), mais c’était trop délicieusement risqué, inédit, scandaleux, et elle goûta son plaisir en titubant presque tandis que les doigts passaient sous le tissu fin de la culotte.
— Tu es fou ! murmura-t-elle tout de même finalement d’une voix étranglée.
— J’adore ton cul, j’en rêve, répondit-il à voix basse en penchant la tête vers ses cheveux blonds. Hier soir j’ai dîné avec mon frère, quand il est parti, je me suis branlé en pensant à toi.
Les mots atteignirent Clara de plein fouet, elle eut l’impression de s’évanouir de bonheur inespéré, inattendu, incongru mais total.
— Moi aussi j’ai joui, avoua-t-elle, je me suis fait jouir, c’était… très fort.
La voiture noire était garée derrière un pilier, au fond de la travée, la plus proche rampe de néon n’était pas tout près, l’endroit idéal, que Carlos évalua d’un coup d’œil pratique et professionnel de celui qui sait juger d’un environnement pour ce qu’il a à y faire : baiser.
Il poussa doucement sa maîtresse vers la voiture, en lui indiquant qu’ils étaient arrivés, ils firent le tour du véhicule, Clara devina qu’il avait une idée derrière la tête.
— On ne craint rien, ici.
Il la plaqua gentiment de face contre la portière arrière, à l’abri du pilier de béton brut, il s’accroupit à ses pieds et lui caressa et lui embrassa les cuisses en remontant sa robe, pas de perte de temps. Clara, la gorge serrée, parvint à bredouiller :
— Non… C’est dangereux, j’ai peur, je ne vois rien, je ne…
— Chuuuut… murmura t-il avant de poursuivre, lui embrassant l’intérieur des cuisses, remontant lentement mais sûrement, pas trop de temps à passer en préliminaires, il tenait son cul dans ses mains.
Il baissa sa culotte qui s’enroula sur ses cuisses, il la laissa ainsi au niveau des genoux, tendue par l’écart de ses jambes, et plongea sa bouche entre ses fesses, Clara eut un petit cri bizarre et répéta que c’était dangereux, une folie, arrête ! Mais la langue s’ouvrait un chemin secret entre les chairs déjà humides, affolées, entre les petits poils blonds mouillés, elle geignit et il se releva, elle se cambra d’instinct, il la troussa, maintint d’une main sa robe relevée sur ses reins, et de l’autre guida son sexe gonflé, tout dur, contre sa vulve, elle se cambra un peu plus, il poussa, la pénétra.
Coup de chaud.
Elle ne sut plus trop ce qui se passait, car les mains de son amant devinrent omniprésentes, sur ses seins à travers la robe, lui tenant les hanches, et même au creux de son bas-ventre, par devant, un doigt opportunément mouillé de salive excita, frotta, s’occupa divinement de son clitoris alors qu’arcboutée contre la voiture elle subissait les coups de queue qui l’envoyaient en l’air.
Et même un doigt mouillé lui aussi contre son anus, qui l’électrisa et la gêna horriblement, elle n’avait connu cela… qu’il y a… très longtemps, en Corse, elle voulut protester, à bout de souffle, mais trop tard, la phalange entière était enfilée dans son cul, qu’elle voulut crisper par principe, en essayant de trier dans ses sensations, mais ça venait trop fort de tous les côtés !
— Qu’est-ce que… tu fais ? grogna-t-elle.
— J’ai envie de ton cul, tu veux ?
Elle répondit oui alors qu’elle voulait dire je ne sais pas et qu’elle aurait dû répondre non, non, non, ça va pas la tête ?
Il l’assouplit de deux doigts joints, Clara retenait son souffle, évitant de penser à ce qui l’attendait mais le désirant de tout son corps, et puis il se retira de son sexe, qu’il continua de caresser, elle ouvrit grand la bouche en un cri muet en sentant l’arrondi lubrifié du gros gland de Carlos se positionner contre son anus, il poussa et bizarrement, contrairement à ce qu’elle craignait, ça passa facilement, elle sentit glisser en elle le bout massif de la queue de son amant cinglé, qui accentua sa pression et continua sa course, l’envahissant de la façon la plus intime et inattendue qui soit.
Clara était immobile, l’objet du désir livré à cet homme qui lui prouvait qu’elle y avait encore en elle une place pour le plaisir, alors qu’elle s’était crue dévastée aussi sur ce plan-là : c’était incroyable, et elle n’arrivait pas à en trouver la raison, et puis surtout… Elle ne voulait pas être raisonnable entre ses bras, ni même essayer d’y comprendre quelque chose !
Son anus la brûlait un peu, mais elle se sentait au cœur d’une impression nouvelle où la gêne et l’inconfort qu’elle ressentait dans son corps, où le message de ses nerfs n’étaient plus celui, terrible, qu’elle connaissait si bien depuis l’accident, ce message intime de douleur folle ou lancinante, de perte, de blessure et de mutilation, c’était au contraire l’élan désordonné de crispations du plaisir qui parcourait sa peau frissonnante, ses muscles tendus pour accompagner le rythme sauvage de cette prise clandestine de son cul qu’elle offrait debout contre une voiture !
La main de son amant pinçait doucement, au même rythme, son clitoris, elle se sentait dégouliner, elle avait formidablement honte de tout cela, affreusement peur d’être vue, elle qui ne pouvait rien voir, mais elle rugissait intérieurement de ces chaos de délices, et ne vit pas venir le tumulte final des soubresauts de la jouissance.
L’orgasme anarchique lui terrassa le ventre et fit se serrer son anus autour de la hampe du sexe de Carlos. Il adora ses crispations et dut faire un effort pour ne pas perdre le contrôle, Clara, agitée de spasmes, referma brusquement sa main droite sur sa main à lui qui branlait son clitoris, pour en stopper les caresses, il fit glisser cette main humide et put se saisir fermement des hanches de sa maîtresse pour la dernière ligne droite, et Clara, complètement dépassée, se rendit compte dans un brouillard tout chaud que Carlos accélérait en la pénétrant à toute vitesse, elle était enfilée comme la dernière des garces, et elle se murmura alors ces mots sales et excitants, s’étourdit toute seule de ce que par pudeur elle ne pouvait pas lui dire ouvertement : « Encule-moi ! Fort ! »
Elle retenait son souffle, emportée par la cavalcade virile, les doigts crispées sur les rebords du toit de la voiture, ses cris bloqués dans sa gorge, mais elle aurait voulu les libérer, clamer sa joie honteuse d’être ainsi aimée et d’en jouir si pleinement !
Carlos eut un frisson dans le dos qui lui descendit dans le bassin, les fesses, un sursaut qui l’immobilisa au plus profond de Clara, il se figea et sentit la morsure de la jouissance gonfler son corps et balayer ses pensées, son sexe se tendit d’instinct pour lâcher en elle qui l’accueillait le premier jet de son plaisir, qui libéra les autres, par à-coups, Clara ressentit l’étrange et profonde saccade de son orgasme se déverser en elle, on ne pouvait être plus sauvagement pleine d’un homme, elle en jouissait même si c’était trop, même si un coin de son esprit se rebellait et clamait que c’était dégueulasse de se faire ainsi gicler dedans, et pour cette raison même, elle en jouissait.
Il n’y eut plus que leurs souffles agités, que le parfum de sueur des amants déchaînés, mais il ne fallait pas s’éterniser, Carlos prit dans sa poche un mouchoir en papier et se retira, s’essuya, prit un autre mouchoir et essuya Clara entre les fesses des résidus prévisibles, qu’il préféra ne pas détailler, de cette séance explosive, elle se sentait sale, souillée, mais c’était le jeu, le jeu… et à ce moment-là elle comprit qu’ils étaient dans un parking.
Irène aussi s’offrait dans les parkings… Elle ressentit un malaise profond et paradoxalement une sorte de fierté, des sentiments forts et contradictoires qui étaient trop à fleur de peau pour qu’elle puisse les garder pour elle.
— Irène… Elle baisait aussi dans les parkings, murmura-t-elle en remontant sa petite culotte.
Carlos se figea, se rendant compte à son tour de la similitude des expériences, il eut un peu honte et ne sut quoi répondre, et puis il mit de l’ordre à toute allure dans ses pensées et son ressenti, et répondit finalement :
— Oui, mais elle suscitait le désir, le désir programmé, planifié… comme un jeu qui ne la concernait qu’elle toute seule, tu vois ? J’ai… C’est le désir qui m’a guidé en toi, l’envie de toi, une envie… partagée, je crois ?
— Oh oui, partagée ! répondit Clara, désolée d’avoir provoqué un malaise alors que ça avait été si bon et si sincère, et puis…
— Je ne voulais pas comparer, ajouta-t-elle en grimaçant, nous comparer elle et moi, je suis navrée, d’un seul coup ça m’a…
— Chuuut, ne te justifie pas… C’était terriblement fort et très émouvant, conclut-il en la prenant entre ses bras.
Elle s’y laissa serrer en n’écoutant que son bonheur. Elle était tout à fait d’accord, il avait su trouver les mots.
Puis il l’accompagna de l’autre côté de la voiture, lui ouvrit la portière, et ils montèrent à bord.
Il s’apprêtait à démarrer lorsqu’il vit quelque chose qui le fit sourire et stopper son geste, à l’affût soudain : l’interne et sa copine de l’accueil venaient de sortir de l’ascenseur, bras dessus, bras dessous, à l’autre bout de la travée centrale. Ils riaient et discutaient.
Ils rejoignirent une Golf et montèrent dedans sans s’intéresser à la Mercedes noire derrière le pilier du fond.
Carlos attendit qu’ils s’engagent dans la rampe de sortie avant de démarrer vivement, d’allumer ses phares et de faire une marche arrière nette et précise.
— Notre ami l’interne vient de quitter la clinique avec la fille de l’accueil… Je pense qu’on va faire un détour avant que je te raccompagne, murmura-t-il en souriant toujours. Un sourire mauvais.
Là, il fit une pause, et s’accorda un café dans un bistrot, il consulta ses courriels et ses messages téléphoniques sur son iPhone, et tandis qu’il écoutait un message de son frère, ses yeux rencontrèrent la une d’un journal gratuit dans son distributeur, à l’entrée du café.
Il coupa immédiatement son téléphone et stupéfait, se leva vivement pour voir cela de plus près.
En haut de page, il y avait une photo d’Irène allongée inconsciente dans son lit d’hôpital, avec ses tuyaux et en arrière-plan, les machines de contrôle, et un titre d’appel : « La miraculée d’Orléans au cœur d’une sombre affaire ? »
En dessous, quelques lignes pour provoquer l’intérêt : « Irène Frageau qui, un soir de Noël 2007, avait vécu un enfer, coincée pendant 17 heures dans la carcasse de sa voiture accidentée avec les cadavres affreusement mutilés de sa petite fille de 8 ans et de son compagnon, et sa sœur gravement blessée, se retrouve aujourd’hui dans un coma que les médecins n’expliquent pas. Elle avait pris il y a quelque temps un garde du corps. Se sentait-elle menacée ? Et par qui ? Lire notre dossier page 4. »
Voilà au moins qui expliquait le manège de ce faux interne, qui devait sans doute avoir comme complice et indic la fille de l’accueil à qui il avait demandé à Clara de donner ses coordonnées.
Il alla en page 4 et découvrit une pleine page faite d’articles et d’encarts, et il y avait des photos, qui attirèrent aussitôt son attention : celle d’Irène de la première de couv’, mais en plus grande dimension, il y avait aussi une photo d’archives d’une Saab 900 accidentée, suspendue au bout d’un câble de grue au-dessus d’un profond fossé, son toit découpé comme le couvercle d’une vieille boîte de conserve, et puis une photo volée le représentant aux côtés de Clara avec ses lunettes noires, à l’accueil de la clinique.
Il lut la légende : « Clara M., la sœur de la banquière, en discussion avec le garde du corps d’Irène Frageau. Est-ce la sœur aveugle qui a monté et organisé une protection rapprochée pour Irène et qui paye le garde du corps ? »
Carlos, agacé et tendu, se mit à lire soigneusement la page du journal, dont la qualité journalistique était plus que discutable : il s’agissait essentiellement d’hypothèses d’un journaliste qui avait flairé l’accroche spectaculaire autour d’un non-événement sur lequel il brodait allègrement. Il tentait de bâtir un truc sur du vent avec des éléments disparates, pour que ça puisse ressembler à un scénario : accident tragique + destins brisés + jolie femme + et en plus, banquière (fantasme pouvoir/argent) + questions médicales irrésolues + sœur mutilée et mystérieuse mais jolie + garde du corps mystérieux avec une belle gueule de dur = complot probable expliqué et exploité en exclusivité !
Carlos lâcha le journal, recommanda un café et réfléchit à tout cela.
D’être en photo dans le journal ne le dérangeait pas, ça l’amusait, son patron s’en foutrait s’il tombait sur la photo, et il ne lisait que la presse économique.
Non, ce qui était en revanche plus préoccupant, c’est ce qui manquait à cet article : la double vie d’Irène.
La trame de l’article restait approximative, mais si le journaliste tombait là-dessus en poursuivant ses hypothèses, ça donnerait à cette histoire un arrière-plan explosif !
L’autre point qui le contrariait était plus personnel et anecdotique : le mari de Clara, Bernard, apprécierait sans doute très moyennement que sa belle-sœur scandaleuse se retrouve en une des journaux, et surtout que sa femme elle-même soit mêlée à tout cela… Sans parler du fait qu’on laissait entendre qu’elle avait engagé ce fameux garde du corps qu’il ne supportait pas !
« Si j’avais été maraîcher ou vendeur de téléphones mobiles, le journaliste n’aurait pas écrit trois lignes… » se dit Carlos, brièvement amusé.
Il composa le numéro de Clara : il ne voulait pas qu’elle découvre cela par hasard, il tenait à elle et la savait fragile.
— Clara ? C’est Carlos…
— Oh ? Je ne pensais pas… que vous… que tu m’appellerais.
— Désolé, répondit-il. J’espère que cela ne te dérange pas ?
— Non non, pas du tout !
— Tu es à la clinique, là ?
— Non, chez moi, pourquoi ? J’y vais cet après-midi sans doute…
Il lui parla de l’article, qu’il résuma au mieux, et au bout du fil il n’y eut que le silence, puis Clara murmura :
— C’est terrible. C’est n’importe quoi.
— Oui, c’est sûr, reprit Carlos. Et il faut en tenir compte, de tout cela, ça risque de changer les choses…
— C’est-à-dire ?…
— Tout compliquer ! lâcha-t-il. Déjà Bernard risque de ne pas être ravi…
— Ah oui, c’est sûr, ça va le rendre furieux, déjà qu’il supporte Irène de moins en moins, si en plus je suis celle qui t’a embauché, ça risque d’être… saignant.
— Oui, justement. Il risque d’y avoir ce journaliste dans les parages, et à visage découvert maintenant, peut-être d’autres, et si Bernard déclenche un esclandre, ils vont adorer, ça accréditera l’idée qu’il y a quelque chose derrière tout ça. Et il y a quelque chose derrière… et plus que croustillant.
— Oh mon Dieu, oui… Je vois. Je… je fais quoi, je dis quoi si on m’interroge ?
— Tu ne dis rien, mais pas dans le genre superstar ou qui déteste les journalistes. La femme discrète et timide qui ne veut pas être embêtée.
— Ça va pas être difficile, ça, comme rôle, rigola Clara : c’est exactement moi !
— Et s’il y a besoin, je m’occuperai de la mise au point…
— Comment tu écris : « poing » ?
— Hein ? Ah oui… oh non, ne t’inquiète pas ! Je suis un non-violent par principe…
Elle rit et ils raccrochèrent après être convenus de se voir dans la journée à la clinique, sans qu’il ne sache trop quand.
« Oui, se dit-il, elle a du charme, beaucoup de charme, même. »
Il était l’heure, il reprit sa voiture et attendit son patron qui arriva enfin, direction Versailles cette fois, où son patron allait déjeuner avec des partenaires commerciaux.
Il lui accorda son après-midi, ne sachant pas trop quel serait son programme après ce déjeuner.
Carlos acheta un sandwich dans une boulangerie et fila sur la clinique.
Dans une rue adjacente, avant de s’engouffrer dans le parking souterrain, il vit stationné là en double-file un camion d’une chaîne de télé d’infos continues, Flux d’Infos, avec des antennes et une parabole encore repliée : d’autres avaient sans doute repéré le fait divers facile avec des vrais morceaux de drame dedans, nappé de mystère bien sucré, de quoi fournir des munitions pour des petits reportages qui changent un peu de la politique, des élections à venir et de la crise économique.
Une fois garé, il rappela Clara, lui apprit que des journalistes étaient sans doute en embuscade, et voulut la dissuader de venir, mais elle refusa. Il salua cette volonté de ne pas se laisser faire, et apprenant qu’elle devait venir en taxi, ils convinrent qu’il l’attendrait devant la clinique après avoir évalué la situation.
— Allons voir où en est la miraculée d’Orléans… grommela Carlos en s’engouffrant dans l’ascenseur.
Dans le hall, il y avait cinq personnes qui attendaient, désœuvrées, à côté des machines à café. Carlos vit la caméra et la perche-son, et puis un des mecs le repéra :
— Hé le voilà ! Le garde du corps !
Et ce fut le branle-bas, la ruée : donner enfin du biscuit à grignoter au public pour l’empêcher de zapper !
Il y avait une journaliste qui ressemblait vraiment à une journaliste télé, un type un peu enrobé à l’air cool qui avait empoigné sa lourde caméra et se la mettait à l’épaule, un Antillais à la peau très claire, en tee-shirt, avec des câbles et une valisette, et deux autres filles avec des micros et des sacs techniques en bandoulière. Carlos reconnut les logos de deux radios sur les gros micros, et tout ce monde-là courait vers lui, c’était grotesque.
Mais pas question d’éviter les problèmes qui doivent survenir, Carlos était de ceux qui se font des raisons pour ce qui leur déplaît, histoire de passer le cap au mieux et de ne pas être déstabilisé par des circonstances qui lui échappent.
Et là c’était le cas : autant regarder la réalité en face, s’en tirer le mieux possible et aller au-delà. Le projo intégré de la grosse caméra l’éblouissait déjà.
— Vous êtes le garde du corps d’Irène Frageau, pouvez-vous nous dire si vous…
— Vous ne dites jamais bonjour, d’abord ? sourit-il d’un air innocent.
Il vit la contrariété défaire le masque de la jeune journaliste, qui n’avait pas que cela à faire, et puis aussitôt (elle réagissait vite) un air de méfiance quand elle répliqua :
— Bonjour, Vanessa Kerly, de Flux d’Infos. Vous pourriez d’ailleurs vous présenter, on ne connaît pas votre nom ?
Habile répartie, qui lui permettait d’assurer le petit scoop du petit fait divers…
— Carlos Dacosta, enchanté.
— On reprend. Trois… deux… un… Carlos Dacosta, vous êtes le garde du corps d’Irène Frageau, pouvez-vous nous dire si vous…
— Disons plutôt un ami.
— Mais vous êtes bien garde du corps ?
— Effectivement, mais je suis ici en tant qu’ami, et personne ne me paye pour une quelconque protection.
Il vit avec intérêt le froncement de sourcils des journalistes en face de lui, qui essayaient tous de prévoir comment enchaîner, rebondir, développer, après ce premier démenti.
— Quel est l’état de santé précis de celle qu’on appelle la miraculée d’Orléans ? attaqua une des deux journalistes radio.
— La nature exacte de son coma ? questionna l’autre. Et pourquoi est-elle tombée dans le coma ?
— Des séquelles du drame ?
— Je n’en sais rien, répondit Carlos. Il y aura peut-être un communiqué d’un médecin, mais je n’en sais rien.
— Quelles sont vos rapports exacts avec la sœur de la victime ? enchaîna aussitôt la journaliste télé.
— Elles ont été toutes les deux victimes, c’est également une amie, et elle est très éprouvée par cette histoire.
— Pensez-vous que quelqu’un en veut à Irène Frageau ?
— Je ne vois pas qui, poursuivit Carlos en secouant la tête, je crois que ce n’est pas la peine de voir du mystère et du complot partout, en imaginant des développements obscurs d’un accident spectaculaire et dramatique il y a cinq ans. Malheureusement aujourd’hui, tout cela est très banal. Vraiment pénible pour la famille, mais très banal… Pas de quoi faire des reportages.
— Comment la miraculée a-t-elle surmonté la dépression après le drame ?
— Dans quel état psychologique était-elle ces dernières semaines ?
— … s’était-elle remise du choc ?
Carlos comprit qu’il n’aurait pas le dernier mot, que l’affaire était entendue et que les journalistes en face de lui ne lâcheraient pas avant d’avoir eu ce qu’ils avaient prévu d’avoir. Pas des informations, mais des éléments confirmant l’idée qu’ils se faisaient de l’affaire : ce qu’ils voulaient ramener devait cadrer avec le scénario idéal, le reste ne les intéressait pas et venait plutôt les contrarier.
À partir de là, ça ne servait à rien de développer, et de vouloir donner un autre son de cloche : il sonnerait dans le vide.
Le plus ennuyeux pour les journalistes était le silence, l’absence d’éléments, il déclara donc que Clara, la sœur d’Irène, allait arriver et ne ferait aucune déclaration, il leur demanda (juste pour la forme) de respecter son désir de discrétion, puis il échappa à son auditoire avide et fila devant la clinique, les journalistes lui emboîtèrent le pas, caméra en bataille : capter des images leur donnerait du grain à moudre et justifierait leur déplacement et leur salaire.
« Allons-y pour la comédie convenue, se dit Carlos en repérant finalement le taxi de Clara sur l’avenue : la scène du garde du corps qui protège la jolie vedette fragile de la meute des journalistes. »
Mais sans vedette, sans meute, sans intérêt. Il ouvrit donc la porte à la jeune femme qui comprit aussitôt en entendant surgir les questions, les mêmes qu’à Carlos, celui-ci lança un « S’il vous plaît ! » impératif en l’entraînant fermement dans la clinique, repoussa même un journaliste aux portes de l’ascenseur, il savait que c’était la limite de courtoisie et qu’après ils seraient tranquilles.
Dans le couloir menant à la nouvelle chambre, il aperçut le faux interne qui devait être vrai, en fait, et avoir des copains ou des copines dans le journal où toute cette histoire creuse était sortie.
Le jeune homme se raidit, s’évertua à sourire et à avoir l’air détaché en les saluant de la tête, de la gêne et de la culpabilité dans son regard fixe.
Carlos lui renvoya son signe de tête mais lui servit un regard de tueur (il savait faire cela), l’interne poursuivit son chemin en essayant de marcher tranquillement et en retenant certainement son souffle.
Il y avait du monde dans la chambre, des médecins enfin, sous la direction d’une petite femme énergique d’une cinquantaine d’années : le petit battage autour d’Irène avait au moins produit cet effet, ils allaient en savoir plus.
Sauf que non : les analyses pratiquées n’apportaient rien de probant, et sa perte de conscience prolongée n’était toujours pas expliquée pour l’instant.
Il allait falloir faire avec et attendre.
Tout ce petit monde repartit, laissant Carlos et Clara seuls avec Irène inanimée, présence passive que tous deux regardèrent avec tristesse, et Clara résuma leurs pensées :
— Elle s’en va…
Il ne répondit pas et la prit dans ses bras, elle s’y blottit avec bonheur, retrouvant contre lui la chaleur dont elle avait besoin, et sa stature rassurante d’homme qui assure, d’homme qui est là, qui la comprend. Ils restèrent ainsi, et chacun se rendit compte de son propre désir.
Clara avait envie de faire l’amour, de reprendre un peu de ce plaisir qu’elle avait découvert la veille, c’était si bon, et Carlos commença vite à bander en sentant le corps de Clara contre le sien, serré, imbriqué sans doute plus que n’aurait pu l’être celui d’une amie à consoler.
Impossible évidemment de se permettre quoi que ce soit dans la chambre, même si Carlos avait eu droit à ce privilège risqué, ce n’était pas envisageable de jouer à cela maintenant.
— Je dois y aller, murmura Carlos à l’oreille de la jeune femme. Je peux te raccompagner ?
— Oui… Oui, s’il te plaît.
Ils redescendirent dans le hall, maintenant déserté par les journalistes partis sans doute en trombe pour pondre leurs reportages avant de quelconques échéances éditoriales, et prirent l’ascenseur pour le parking.
Là, Carlos l’embrassa tendrement à peine les portes refermées, juste quelques secondes le temps de gagner le 2ème sous-sol, Clara s’abandonna, ils retrouvèrent leur convenance en sortant de l’ascenseur.
Elle voulut prendre le bras de Carlos pour se laisser guider, mais celui-ci enroula son bras autour de sa taille, elle accrocha timidement son bras à sa taille à lui, sous la veste de costume, comme deux amoureux… puis tout en marchant dans le parking désert, Carlos descendit sa main sur ses fesses, qu’il pelota lentement.
Clara défaillait de trouble, jamais depuis qu’elle était aveugle elle n’avait marché quelque part en étant ainsi accompagnée !
La main baladeuse remonta peu à peu sous la robe, elle voulut lui dire d’arrêter, lui dire qu’elle était morte de trouille (ce qui était tout à fait le cas !), mais c’était trop délicieusement risqué, inédit, scandaleux, et elle goûta son plaisir en titubant presque tandis que les doigts passaient sous le tissu fin de la culotte.
— Tu es fou ! murmura-t-elle tout de même finalement d’une voix étranglée.
— J’adore ton cul, j’en rêve, répondit-il à voix basse en penchant la tête vers ses cheveux blonds. Hier soir j’ai dîné avec mon frère, quand il est parti, je me suis branlé en pensant à toi.
Les mots atteignirent Clara de plein fouet, elle eut l’impression de s’évanouir de bonheur inespéré, inattendu, incongru mais total.
— Moi aussi j’ai joui, avoua-t-elle, je me suis fait jouir, c’était… très fort.
La voiture noire était garée derrière un pilier, au fond de la travée, la plus proche rampe de néon n’était pas tout près, l’endroit idéal, que Carlos évalua d’un coup d’œil pratique et professionnel de celui qui sait juger d’un environnement pour ce qu’il a à y faire : baiser.
Il poussa doucement sa maîtresse vers la voiture, en lui indiquant qu’ils étaient arrivés, ils firent le tour du véhicule, Clara devina qu’il avait une idée derrière la tête.
— On ne craint rien, ici.
Il la plaqua gentiment de face contre la portière arrière, à l’abri du pilier de béton brut, il s’accroupit à ses pieds et lui caressa et lui embrassa les cuisses en remontant sa robe, pas de perte de temps. Clara, la gorge serrée, parvint à bredouiller :
— Non… C’est dangereux, j’ai peur, je ne vois rien, je ne…
— Chuuuut… murmura t-il avant de poursuivre, lui embrassant l’intérieur des cuisses, remontant lentement mais sûrement, pas trop de temps à passer en préliminaires, il tenait son cul dans ses mains.
Il baissa sa culotte qui s’enroula sur ses cuisses, il la laissa ainsi au niveau des genoux, tendue par l’écart de ses jambes, et plongea sa bouche entre ses fesses, Clara eut un petit cri bizarre et répéta que c’était dangereux, une folie, arrête ! Mais la langue s’ouvrait un chemin secret entre les chairs déjà humides, affolées, entre les petits poils blonds mouillés, elle geignit et il se releva, elle se cambra d’instinct, il la troussa, maintint d’une main sa robe relevée sur ses reins, et de l’autre guida son sexe gonflé, tout dur, contre sa vulve, elle se cambra un peu plus, il poussa, la pénétra.
Coup de chaud.
Elle ne sut plus trop ce qui se passait, car les mains de son amant devinrent omniprésentes, sur ses seins à travers la robe, lui tenant les hanches, et même au creux de son bas-ventre, par devant, un doigt opportunément mouillé de salive excita, frotta, s’occupa divinement de son clitoris alors qu’arcboutée contre la voiture elle subissait les coups de queue qui l’envoyaient en l’air.
Et même un doigt mouillé lui aussi contre son anus, qui l’électrisa et la gêna horriblement, elle n’avait connu cela… qu’il y a… très longtemps, en Corse, elle voulut protester, à bout de souffle, mais trop tard, la phalange entière était enfilée dans son cul, qu’elle voulut crisper par principe, en essayant de trier dans ses sensations, mais ça venait trop fort de tous les côtés !
— Qu’est-ce que… tu fais ? grogna-t-elle.
— J’ai envie de ton cul, tu veux ?
Elle répondit oui alors qu’elle voulait dire je ne sais pas et qu’elle aurait dû répondre non, non, non, ça va pas la tête ?
Il l’assouplit de deux doigts joints, Clara retenait son souffle, évitant de penser à ce qui l’attendait mais le désirant de tout son corps, et puis il se retira de son sexe, qu’il continua de caresser, elle ouvrit grand la bouche en un cri muet en sentant l’arrondi lubrifié du gros gland de Carlos se positionner contre son anus, il poussa et bizarrement, contrairement à ce qu’elle craignait, ça passa facilement, elle sentit glisser en elle le bout massif de la queue de son amant cinglé, qui accentua sa pression et continua sa course, l’envahissant de la façon la plus intime et inattendue qui soit.
Clara était immobile, l’objet du désir livré à cet homme qui lui prouvait qu’elle y avait encore en elle une place pour le plaisir, alors qu’elle s’était crue dévastée aussi sur ce plan-là : c’était incroyable, et elle n’arrivait pas à en trouver la raison, et puis surtout… Elle ne voulait pas être raisonnable entre ses bras, ni même essayer d’y comprendre quelque chose !
Son anus la brûlait un peu, mais elle se sentait au cœur d’une impression nouvelle où la gêne et l’inconfort qu’elle ressentait dans son corps, où le message de ses nerfs n’étaient plus celui, terrible, qu’elle connaissait si bien depuis l’accident, ce message intime de douleur folle ou lancinante, de perte, de blessure et de mutilation, c’était au contraire l’élan désordonné de crispations du plaisir qui parcourait sa peau frissonnante, ses muscles tendus pour accompagner le rythme sauvage de cette prise clandestine de son cul qu’elle offrait debout contre une voiture !
La main de son amant pinçait doucement, au même rythme, son clitoris, elle se sentait dégouliner, elle avait formidablement honte de tout cela, affreusement peur d’être vue, elle qui ne pouvait rien voir, mais elle rugissait intérieurement de ces chaos de délices, et ne vit pas venir le tumulte final des soubresauts de la jouissance.
L’orgasme anarchique lui terrassa le ventre et fit se serrer son anus autour de la hampe du sexe de Carlos. Il adora ses crispations et dut faire un effort pour ne pas perdre le contrôle, Clara, agitée de spasmes, referma brusquement sa main droite sur sa main à lui qui branlait son clitoris, pour en stopper les caresses, il fit glisser cette main humide et put se saisir fermement des hanches de sa maîtresse pour la dernière ligne droite, et Clara, complètement dépassée, se rendit compte dans un brouillard tout chaud que Carlos accélérait en la pénétrant à toute vitesse, elle était enfilée comme la dernière des garces, et elle se murmura alors ces mots sales et excitants, s’étourdit toute seule de ce que par pudeur elle ne pouvait pas lui dire ouvertement : « Encule-moi ! Fort ! »
Elle retenait son souffle, emportée par la cavalcade virile, les doigts crispées sur les rebords du toit de la voiture, ses cris bloqués dans sa gorge, mais elle aurait voulu les libérer, clamer sa joie honteuse d’être ainsi aimée et d’en jouir si pleinement !
Carlos eut un frisson dans le dos qui lui descendit dans le bassin, les fesses, un sursaut qui l’immobilisa au plus profond de Clara, il se figea et sentit la morsure de la jouissance gonfler son corps et balayer ses pensées, son sexe se tendit d’instinct pour lâcher en elle qui l’accueillait le premier jet de son plaisir, qui libéra les autres, par à-coups, Clara ressentit l’étrange et profonde saccade de son orgasme se déverser en elle, on ne pouvait être plus sauvagement pleine d’un homme, elle en jouissait même si c’était trop, même si un coin de son esprit se rebellait et clamait que c’était dégueulasse de se faire ainsi gicler dedans, et pour cette raison même, elle en jouissait.
Il n’y eut plus que leurs souffles agités, que le parfum de sueur des amants déchaînés, mais il ne fallait pas s’éterniser, Carlos prit dans sa poche un mouchoir en papier et se retira, s’essuya, prit un autre mouchoir et essuya Clara entre les fesses des résidus prévisibles, qu’il préféra ne pas détailler, de cette séance explosive, elle se sentait sale, souillée, mais c’était le jeu, le jeu… et à ce moment-là elle comprit qu’ils étaient dans un parking.
Irène aussi s’offrait dans les parkings… Elle ressentit un malaise profond et paradoxalement une sorte de fierté, des sentiments forts et contradictoires qui étaient trop à fleur de peau pour qu’elle puisse les garder pour elle.
— Irène… Elle baisait aussi dans les parkings, murmura-t-elle en remontant sa petite culotte.
Carlos se figea, se rendant compte à son tour de la similitude des expériences, il eut un peu honte et ne sut quoi répondre, et puis il mit de l’ordre à toute allure dans ses pensées et son ressenti, et répondit finalement :
— Oui, mais elle suscitait le désir, le désir programmé, planifié… comme un jeu qui ne la concernait qu’elle toute seule, tu vois ? J’ai… C’est le désir qui m’a guidé en toi, l’envie de toi, une envie… partagée, je crois ?
— Oh oui, partagée ! répondit Clara, désolée d’avoir provoqué un malaise alors que ça avait été si bon et si sincère, et puis…
— Je ne voulais pas comparer, ajouta-t-elle en grimaçant, nous comparer elle et moi, je suis navrée, d’un seul coup ça m’a…
— Chuuut, ne te justifie pas… C’était terriblement fort et très émouvant, conclut-il en la prenant entre ses bras.
Elle s’y laissa serrer en n’écoutant que son bonheur. Elle était tout à fait d’accord, il avait su trouver les mots.
Puis il l’accompagna de l’autre côté de la voiture, lui ouvrit la portière, et ils montèrent à bord.
Il s’apprêtait à démarrer lorsqu’il vit quelque chose qui le fit sourire et stopper son geste, à l’affût soudain : l’interne et sa copine de l’accueil venaient de sortir de l’ascenseur, bras dessus, bras dessous, à l’autre bout de la travée centrale. Ils riaient et discutaient.
Ils rejoignirent une Golf et montèrent dedans sans s’intéresser à la Mercedes noire derrière le pilier du fond.
Carlos attendit qu’ils s’engagent dans la rampe de sortie avant de démarrer vivement, d’allumer ses phares et de faire une marche arrière nette et précise.
— Notre ami l’interne vient de quitter la clinique avec la fille de l’accueil… Je pense qu’on va faire un détour avant que je te raccompagne, murmura-t-il en souriant toujours. Un sourire mauvais.
Auteur : Riga
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