jeudi 17 juillet 2014

[Feuilleton] Double vie (8)

Relisez le chapitre 7


Carlos dîna rapidement dans un petit café de quartier, pas terrible, mais il avait besoin de réfléchir un minimum : ce qu’il avait fait, soustraire les clefs de cette femme dans le coma, était tout de même… délirant, même s’il avait suivi une impulsion soudaine, ça pouvait aller très loin.
Si elle se réveillait, ou si d’un autre côté il y avait quelqu’un chez elle ?

N’importe quoi.
Carlos savait que la vie n’est pas contrôlable, il savait le danger d’avoir trop confiance en soi.
Là, il ne risquait rien moins que de compromettre sa vie, de s’attirer des vrais ennuis.
Mais il pouvait difficilement reculer maintenant : le vol des clefs n’avançait à rien, s’il s’en tenait là ça n’avait pas de sens.

Après une mousse au chocolat desséchée qu’il ne termina pas, il reprit sa voiture et trouva la rue, vit la petite maison blanche et coquette, il dénicha une place à cent mètres de là et revint sur ses pas, aux aguets. Le quartier résidentiel était désert.
Aux fenêtres de la maison, pas de lumière.
Il monta les trois marches du petit perron et sonna.
Il attendit, avec en tête une histoire à peu près plausible si quelqu’un ouvrait, un mari, une coloc ou la maman d’Irène.
Rien, personne.
Il réfléchit, dans la poche de son manteau il tenait le trousseau de clefs au creux de sa main, il jeta un œil à la rue, il n’y avait personne non plus, tout est vide et Irène est dans le coma.

Cette phrase lui serra bizarrement le cœur. Il respira profondément.
Le prochain problème éventuel, c’était s’il y avait une alarme à code à déconnecter quand il serait entré.
Si c’était le cas, il faudrait courir vite !

Il déverrouilla la porte et pénétra dans l’entrée. Pas de boîtier, à part celui du compteur et un tableau électrique totalement banal.
Bon. Carlos referma la porte, alluma une lampe sur une jolie console.
Puis il passa dans les trois pièces du rez-de-chaussée donnant sur la rue et avant même d’examiner les lieux, il s’intéressa aux fenêtres et remarqua dans chacune des pièces des doubles rideaux tirés devant les ouvertures, c’était OK, il pouvait allumer : si quelqu’un connaissant Irène et la sachant à l’hôpital passait devant chez elle, il ne verrait pas de lumière.

Les pièces n’étaient pas immenses mais aménagées et décorées avec beaucoup de goût, Carlos se promena lentement au rez-de-chaussée, dans le salon, un petit bureau et la cuisine, fureta du regard, et au fur et à mesure en observant les lieux, il se construisit une idée plus précise de la personnalité d’Irène.
C’était là que vivait cette jeune femme qui l’intéressait de plus en plus, il ne savait pas franchement pourquoi.
Il constatait des évidences : elle avait de l’argent, aimait les beaux objets, elle était maniaque du rangement. Mais aussi ce qu’il déduisait, mais aussi les hypothèses : elle refusait d’accumuler, elle était d’une exigence folle et ne devait pas supporter l’approximation, l’imprévu, le désordre, elle devait avoir l’obsession de la maîtrise.
La rigueur de sa personnalité était visible à différents niveaux, en surface et en profondeur : tout était propre, bien entendu, impeccablement rangé, rien ne traînait, mais au-delà de cela, tout était à sa place, il avait l’impression étrange d’être non pas dans un décor (qui ne serait qu’une apparence aménagée), non pas dans un appartement-témoin (car Irène vivait ici tous les jours), mais dans une sorte de musée, un musée opérationnel où tout serait à sa place, le grille-pain grillerait le pain le matin, mais aucune miette ne traînerait jamais dessous.

— Cette nana a des problèmes… murmura-t-il en ouvrant les placards de la cuisine, où tout était ordonné au-delà du raisonnable, Irène semblait vouloir tout maîtriser, il ressentait une perplexité croissante à visiter ainsi cet endroit qui était celui où elle devait être la plus libre d’être elle-même, et c’était au contraire une carapace lisse autour d’elle.
Il sourit en se disant que dans l’absolu, il avait lui aussi des problèmes à entrer ainsi chez elle comme un cambrioleur ou un tueur à gages.

Sa curiosité était aiguisée, en éveil, il essayait de détecter quelque chose qui lui permettrait de trouver la faille dans l’armure.
Il avait vu Irène offerte, l’avait eue pour lui un bref moment qu’elle avait décidé et planifié, mais ce qu’il voulait, c’est trouver la passerelle entre la banquière rigide qui habitait cet appartement si ordonné et la femme qui donnait son cul la nuit à des camionneurs, il n’y avait rien à part que c’était la même femme, rien, pas de chemin, pas de clef…
Pourquoi Carlos voulait-il comprendre, il ne le savait pas lui-même, mais cela devenait très important : il ne s’imaginait pas repartir d’ici sans avoir des indices sur les raisons de cette schizophrénie.

Il fouilla très soigneusement le bureau.
Il avait appris à faire cela : des fouilles efficaces et discrètes, les forces spéciales enseignaient des choses spéciales à leurs hommes, à part le rappel, les explosifs sous-marins ou le camouflage.

Il trouva finalement ce qu’il cherchait par déduction : l’exceptionnel est recouvert par l’anodin.

Il y avait des dizaines de boîtes d’archives bien rangées, avec des titres écrits bien droit : « Banque Comptes courants 12-2005/07-2006 », « Banque comptes courants 08-2007/10-2008 » et ainsi de suite, des boîtes « Placements ext. de différentes années », « Bourse, marché actions fr., et des All. et Jap. », des boîtes « Assurances-vie », une montagne de papiers rigoureusement classés.
Carlos n’ouvrit pas tout : il se contenta d’examiner les boîtes alignées côte à côte à des endroits précis où les saisit la main, et repéra une boîte qui était sans doute plus visitée que les autres, très légèrement plus fatiguée, cela se voyait pour qui savait chercher cela (et il savait). La boîte s’appelait « Échéanciers après 2007 ».

Dedans, dans une grosse enveloppe kraft que Carlos examina longuement avant de s’en saisir et de l’ouvrir, il y avait neuf disques compact dans des boîtes fines, translucides et de couleur vive. Ces disques se révélèrent être des DVD, Carlos repéra le logo imprimé sur le dessus des disques. D’une écriture soignée on avait écrit au feutre noir inactinique « JIDMO » au-dessus du trou central, et puis des dates en dessous.
Ça commençait en avril 2008, comme indiqué sur le disque du dessous de la pile : « 17 avril 2008 -> 22 septembre 2008 », et le dernier disque concernait une période se terminant le 8 décembre 2011.
C’était des archives, il ne savait pas de quoi ni ce que voulait dire JIDMO, mais il savait que c’était secret, que c’était caché, et connaissant les exploits off de la belle, il devinait sans peine que ce devait être très… particulier.

Sur le bureau, il y avait un bel iMac dernier cri, rutilant d’aluminium et de verre noir. Dedans il devait y avoir la période en cours, depuis le 8 décembre dernier, mais il n’allait pas s’attaquer au piratage de l’ordinateur, ni même essayer de simplement l’allumer, il n’était pas compétent pour cela, et le moindre truc risquait de dénoncer sa visite, il le savait.
Vu somme Irène était maniaque et précautionneuse, elle devait avoir rangé ses affaires numériques avec un soin tout particulier…
Pour les caractères obsessionnels, l’informatique était une forme d’idéal de maîtrise, et Irène devait régner sur ses fichiers encore mieux que sur les miettes de son grille-pain.

Il alla dans le salon avec sa pile de DVD, et alluma la télé géante, tout s’alluma, les enceintes design, le lecteur DVD, la chaîne haut de gamme. Il glissa le dernier DVD de la pile dans le lecteur, referma le tiroir et pris place dans le canapé.
Sur la table basse, il s’empara de la télécommande unique et profilée.

Sur l’écran apparurent les lettres capitales « JIDMO » dans un caractère élégant, en ocre sur fond noir, puis un autre texte en dessous : « Journal intime de mes orifices », puis la date concernée : « du 13 mai 2011 au 8 décembre 2011 ».
Puis un écran noir.
— Oh putain… murmura Carlos, figé de surprise.
En grand, en noir sur fond blanc cette fois-ci, s’inscrivit la première date : Vendredi 13 mai 2011, puis un fondu, et Irène apparut, assise dans son bureau, et filmée par la webcam intégrée à son Mac.
Elle ne souriait pas, elle avait l’air neutre et fatigué, elle était vêtue d’un gilet noir et d’un vêtement noir légèrement décolleté (robe, chemisier, tee-shirt, impossible de le savoir).
Elle prit la parole en préambule :
— On était vendredi 13, hier soir, j’ai pas eu le courage d’enregistrer mon compte rendu en rentrant. J’ai fait de la route.
Elle prit un mug fumant hors-champ, et but une gorgée, le reposa, paraissant plus détendue.
— Je suis allée dans une soirée échangiste près de Namur, en Belgique. Ça valait les kilomètres. J’avais mis ma robe blanche en dentelle, tout en blanc, la mariée parisienne, comme m’a appelé un mec. Avec une culotte fendue. Elle tendit la main sur le côté de l’écran et en ramena une petite culotte de dentelle blanche qu’elle exhiba à l’écran en souriant :
— Elle est encore toute durcie de ma mouille…

Carlos, devant l’écran, retenait son souffle, le cœur battant.
Encore une autre vision de cette femme insaisissable, il ne voyait d’elle que des morceaux, des éclats, des pièces d’un puzzle.
Elle incarnait toujours un personnage, se maintenait toujours à distance, hors de portée, derrière un écran, derrière ses lunettes noires, derrière sa fonction, ou même dans le coma.
Il sentit monter l’excitation, parce que malgré tout, il touchait là ce qu’elle avait produit de plus intime sans doute, plus intime peut-être que ses séances sur les parkings, puisqu’elle racontait les choses : sa version des faits, son ressenti, ses souvenirs tout frais, tout chauds.
Elle reposa la culotte, reprit une gorgée de café ou de thé, et poursuivit :
— C’était discret, une grosse maison à la sortie d’un village, et des grosses bagnoles dans le parc. J’avais le mot de passe que m’avait donnée Karl, du Tourbillon des Ondines… Très chic, ça commence comme une soirée mondaine et bourgeoise, à part que les femmes sont très sexy, et puis le petit personnel, les bonniches sont trop girondes et trop décolletées pour être honnêtes… Ça parle allemand, hollandais, champagne et petits fours créatifs, on parle finance, chevaux, voile, sans chercher à se connaître. Il y avait un piano de concert avec une jeune femme aux longs cheveux noirs qui ressemblait… qui ressemblait à Anita. Je suis restée scotchée, la vache, j’ai failli faire demi-tour. Et puis une grande brune très belle, en robe de soirée, est venue chanter, chant lyrique, c’était magnifique. Un mec d’une cinquantaine d’années est venu près d’elle quand elle a eu fini de chanter, il lui a offert une coupe de champagne et il l’a remerciée pendant qu’on applaudissait, et puis il nous l’a présentée simplement : « Maria, ma femme, a commencé sa carrière à l’Opéra de Varsovie, et nous avons la chance de l’avoir ce soir parmi nous, car elle voyage beaucoup. »
Moi, je regardais surtout la pianiste, j’étais bouleversée, mais le mec a continué son petit discours, on a basculé de l’autre côté, il a dit que sa femme allait rejoindre sa chambre avec ses deux amants. « Si cela vous intéresse, il a dit en souriant, la maison est à vous, mes amis, vous trouverez ce qu’il faut dans ces grandes coupes (il nous a montré une coupe à fruits remplie de capotes), je vous souhaite une bonne soirée !… » C’était le signal de départ des festivités.

L’Irène de l’écran eut un sourire et reprit :
— Il y avait deux hommes qui me tournaient autour, mais je ne regardais que la pianiste, qui a fini par me voir, mais elle paraissait timide. C’était le début de soirée, mais je ne voulais pas… pas que… merde, comment dire… ? Qu’un mec la baise devant moi, comme ça. Alors je suis allée l’aborder, suivie par les deux hommes. On a discuté gentiment, les deux mecs étaient à distance, et puis ils ont laissé tomber, ils me prenaient peut-être pour une goudou pure et dure. Et comme ça commençait à baiser dans tous les coins, ils avaient d’autres chattes à fouetter…

Nouveau silence, plus long cette fois, Irène paraissait réfléchir.
— Je savais pas quoi faire, en fait, continua-t-elle. Elle ressemblait tellement… à Anita petite fille que je ne… enfin ça ne déclenchait pas, comment dire… le désir, mais quelque chose de plus curieux, une fascination. Et en même temps, en discutant avec elle, elle devenait elle-même, la pianiste, c’était plus facile pour moi. Et elle m’a embrassée, elle avait une bouche toute douce. Wa-ouw.

Elle but une gorgée, le film se coupa et reprit :
— On s’est pelotées, c’était délicieux, et puis j’ai fini entre ses cuisses, elle était assise sur son tabouret de piano laqué noir, très chic, cuisses ouvertes, elle avait des bas noirs, très chic aussi, et pas de culotte. Une petite chatte tout en longueur, épilée, elle mouillait, un mec nous regardait, la pianiste a sorti sa queue et a commencé à le branler, de l’autre main elle me caressait les cheveux. Moi j’étais à quatre pattes sur le parquet, j’ai senti des mains qui me troussaient, j’ai continué, pas réagi, et un premier mec m’a prise. J’ai pas vérifié pour la capote, mais dans ce genre de soirée, les membres du club suivent les règles à la lettre. Une bite assez longue, un peu hésitante, c’était vraiment très bon, j’avais de la mouille de cette fille partout sur le visage, et elle, elle suçait le mec en me jetant des coups d’œil de temps en temps…

Carlos bandait sur son canapé, il ne voulait pas sortir sa queue et se branler comme un con, tout seul devant le tout premier épisode de ce journal intime, il essaya de respirer lentement et profita d’une pause café pour s’emparer de la télécommande et faire avance rapide.
Il fit se tortiller Irène dans son fauteuil une minute et reprit la lecture :
— … vait un pli à la taille comme une danseuse du ventre, une femme pulpeuse, pas grosse, mais hyper sensuelle. Et le black ne l’épargnait pas, c’était… très excitant de l’entendre gémir comme une petite fille, j’ai tendu la main et j’ai caressé ses seins par en dessous…
Irène plaça une main ouverte sur son sein droit, et Carlos reprit l’avance rapide, vit Irène agitée se caresser les seins, ôter son gilet à toute vitesse, elle parlait toujours, il la vit rabattre les bretelles de sa robe noire, seins nus, il laissa l’avance rapide, elle se malaxait la poitrine, rejetait la tête en arrière, elle se pencha soudain en avant et bougea l’écran, le champ de la caméra montrait tout son corps, il remit la lecture normale :
— … nait par la taille, et le mec derrière m’avait attrapée les cheveux, mais sans me faire mal.

Elle se contorsionna un peu, releva sa robe, elle était nue en dessous, de la main gauche elle se caressait le sein gauche, et sa main droite descendit sur son sexe, face caméra elle écarta les jambes, prit appui de l’une d’elle sur le bureau, c’était délirant.
Carlos sortit fébrilement sa queue, se vautra confortablement sur le large canapé et observa Irène commencer à se caresser :
— Je synchronisais les mouvements, c’est moi qui décidais du tempo…
— Tu m’étonnes, ricana Carlos. Tout maîtriser, toujours !
— C’était très très bon, et la Libanaise est réapparue, elle m’a peloté les seins, y avait un mec qui se branlait lentement en nous regardant, celui qui me prenait le cul… avait l’air pressé…
Sur l’écran géant, Carlos fixait les reflets humides des lèvres d’Irène malmenées par ses longs doigts, elle respirait fort.
— J’ai eu ma première vraie jouissance complète de la soirée, pas… des frissons, non, un orgasme qui m’a surprise… la Libanaise me pinçait les tétons… elle m’embrassait dans le cou, et ses cheveux… me caressaient, oui, ses cheveux, et ces deux bites en moi, et puis le mec qui se masturbait, elle me pinçait, j’ai joui… fort… oooh…

Carlos savait qu’il allait éjaculer très bientôt, il cessa de se branler, se pencha brusquement en avant et stoppa le film, l’écran devint noir, il respira lentement, le cœur battant à tout rompre, sa queue vibrant dans le vide.
Folie !

Il reprit un peu se esprits, et remit l’avance rapide : Irène jouissait, puis il y eut une coupure, et elle était revêtue et parlait, sans doute pour raconter la fin de sa soirée et son retour.
Puis « Dimanche 15 mai 2011 » brièvement, même décor du bureau, Irène en tailleur qui s’agite devant la caméra.
Chapitre suivant, à peu près pareil, il sauta deux ou trois chapitres, avance rapide, Irène se branlait sur son fauteuil avec un godemiché translucide mauve, chapitre suivant, encore suivant, et puis il y eut un décor différent, une chambre d’hôtel, il resta en avance rapide, un homme jeune, tout mince, et un plus vieux et massif, rejoignirent Irène en se dandinant et la déshabillèrent comme des insectes fous, la caméra devait être sur un trépied, les mecs évitaient de la regarder, puis Carlos mit en vitesse normale, c’était glauque, putain, même si les mecs étaient plutôt bien foutus, même si ce n’était pas un hôtel minable, apparemment, et même si Irène, en caraco noir avec des bas était magnifique et terriblement sexy, c’était glauque, à quatre pattes elle suçait le jeune homme avec acharnement pendant que l’autre la prenait en levrette très lentement, il changea de chapitre, puis encore, il ressentait un véritable écœurement.

Mais pas de dégoût, nuance, il était profondément ému par cette femme qui ne tournait pas rond, il avait accédé à tout cela par hasard, par ruse mais par hasard, elle était inconsciente à l’hôpital et lui il la regardait se fait prendre inlassablement, par tous ses orifices dont elle livrait le journal intime mouvementé…
Carlos avait envie de jouir pour en finir une bonne fois, il voulait jouir d’elle pour supprimer un moment cette tension, passer à autre chose, quitter cette maison, retrouver l’air frais du dehors, la vie normale.

Avance rapide, chapitre suivant, oui : lecture normale, Irène à genoux sur son fauteuil se retournait pour regarder l’écran, soulevait sa jupette en Liberty.
— J’ai aimé ça, ses grosses mains qui me tenaient fort les jambes ouvertes vers le plafond de la voiture, il me bloquait…
Elle avait un boxer gris perle en dessous.
— Et son gland énorme, putain, je l’ai senti passé, il m’écartait !
Elle en repoussa sur le côté un des bords en dentelle.
— De la bonne baise virile dont j’aime me rappeler après dans mon bain, ou au bureau quand je mouille…
Il vit réapparaître le gode translucide comme un cierge de verre coloré.
— Il m’a mis toute la longueur, je pouvais plus respirer.
Elle le suça un peu, puis se cambra, vrillée sur son siège, puis elle le glissa en elle, entre les lèvres de son sexe.
— C’était énorme, le mec était gras, lourd, et sa queue m’envahissait, j’étais plus pute que jamais, vous comprenez ça ??
Carlos sursauta en entendant la question directe qui venait de l’atteindre. « Non, je comprends pas ! Je comprends pas ! » eut-il envie de crier, mais il ne pouvait détacher son regard du gode qui lentement disparaissait entre les courbes de son entrecuisse, il massait mécaniquement sa queue raide en examinant cette pénétration, et Irène reprit d’une voix trouble, voilée :
— J’aurais aimé, ouais… pour une fois, j’aurais aimé qu’il me jouisse dedans, tout son jus, j’aurais aimé être complètement pleine, remplie, remplie ! Oui : remplie par lui !
Carlos éjacula brutalement, relevant par réflexe les pans de sa chemise, ses jets blanchâtres jaillirent et s’écrasèrent en pluie saccadée sur son ventre dur.

Il reprit son souffle.
Sur l’écran panoramique géant, Irène n’en finissait pas de se fouiller avec le godemiché, le visage crispé de plaisir. Précautionneusement, il parvint à s’emparer d’un paquet de mouchoirs en papier dans sa poche de pantalon, en déplia un avec lequel il essuya le plus gros de la flaque qui nappait son ventre. Le reste du paquet y passa, et quand son ventre fut propre (quoique collant), il enfouit les mouchoirs imbibés dans l’emballage plastique. Il n’allait pas jeter ça dans la poubelle de la cuisine !
Il se rhabilla. À l’écran, on était passé au jour suivant…

Il se leva et éteignit, remit le DVD dans sa boîte. Il flottait dans le salon une odeur fauve de sperme.
Regagnant le bureau, il rangea soigneusement l’enveloppe, puis le dossier.
Il alla dans la cuisine, se lava les mains, veilla à essuyer rigoureusement toutes les traces avec un essuie-tout. Il fit un tour au toilettes, puis jeta l’essuie-tout et les mouchoirs en papier, tira la chasse, garda l’emballage des mouchoirs dans sa poche.

Il s’assit à nouveau sur le canapé.
Autour de lui, la maison silencieuse, toujours aussi impersonnelle mais où la vision de ces films autoproduits avait rendu la présence d’Irène si forte… Sans rien résoudre, elle était une sorte de fantôme débridé qui le hantait.
Il allait vers elle, mais plus il avançait, plus cela devenait compliqué, fort, démesuré, et moins elle était réelle, moins elle venait vers lui.
Carlos réfléchissait, il y avait une chose qu’elle avait dite qui était sans doute importante, mais il ne réussissait pas à la cerner, à remettre l’esprit dessus…

Il se leva et se dirigea vers l’escalier pour visiter l’étage, sa chambre à coucher sans doute, la salle de bain.
Elle avait sans doute d’autres secrets dans ces sanctuaires au milieu de sa tanière.
Il grimpa l’escalier dans l’obscurité, s’assura qu’il n’y avait pas de fenêtres par lesquelles on puisse détecter de la lumière du dehors et alluma en arrivant en haut des escaliers.

Sur le palier, deux portes de part et d’autre du couloir, et puis deux autres portes, également de part et d’autre du couloir.
Mais il y avait une chose bizarre entre ces deux paires de portes : une barrière coupait le couloir en deux, barrant le passage, une barrière basse à barreaux en tubes de métal blanc, du genre de celle qu’on met en haut des escaliers pour empêcher les enfants qui commencent à marcher d’accéder à l’escalier et de tomber.
Mais là, c’était en travers du couloir, pour ne pas accéder aux deux dernières portes.
Il s’avança et se pencha sur la barrière pour l’examiner, et fut surpris de voir qu’elle était solidement vissée de chaque côté sur les panneaux de bois couvrant la partie basse des murs, mais également finement soudée dans sa partie mobile, tout le long du montant, et repeinte après la soudure.
C’était idiot ! On ne pouvait pas l’ouvrir, cette barrière, il fallait l’enjamber.
Elle n’était pas haute, certes, mais pourquoi l’avoir ainsi sou…
Il fronça soudain les sourcils en regardant le sol au-delà de la barrière.
— Oh merde… Oh putain… murmura t-il, le cœur serré.
Le parquet de la fin du couloir, par-delà la barrière, était couvert de poussière, une couche de poussière grise que non seulement personne n’avait enlevée, mais que personne n’avait foulé depuis longtemps.
La barrière marquait l’entrée d’un territoire interdit, où on n’allait plus, où on n’irait plus. Les portes derrière n’étaient pas accessibles, n’étaient pas de ce monde.
Carlos, alors, comprit ce qui lui avait échappé.
— Anita, murmura t-il en regardant les deux portes, pris d’un froid soudain et d’une envie violente de partir en courant de cette maison de cinglée.


Auteur : Riga 
Lisez la suite

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire