Ruth, toute nue, frissonna en entrant tout
doucement dans l’eau par l’échelle d’aluminium : la surface de l’eau,
totalement inerte sous la lune, frémit à peine, et elle s’évertua à
faire le moins possible de vagues.
Elle marcha tout doucement le long du bord, en se penchant pour que ce soit son cou et non ses épaules qui fendent la surface de l’eau, jusqu’à arriver face à la poignée qui indiquait la ligne de nage.
Alors, en bougeant le moins possible, elle ajusta ses lunettes de natation, elle n’avait que cela sur elle – elle voulait protéger ses yeux du chlore – puis elle prit profondément sa respiration, se laissa couler, recroquevillée, et poussa de ses pieds contre la paroi en s’élançant avec ampleur sous l’eau, tendue, étirée, en pointe.
Trente-sept jours étaient passés depuis la fameuse nuit sinistre et violente, et l’arrestation du Belge.
L’instruction était finie depuis trois jours, ses services et le juge avaient bouclé l’affaire, et cette période avait été pour elle d’une intensité incroyable, épuisante et réjouissante à la fois, pour aller jusqu’au bout, jusqu’au fond de cette histoire qu’elle n’oublierait jamais, et dont elle sortait transformée.
Elle vida ses poumons longuement en un chapelet de bulles qui partit dans son sillage, puis entama des mouvements de brasse, lentement, sortit la tête en appuyant sur l’eau pour prendre de l’air, et se rallongea sous la surface. Elle se sentait incroyablement bien.
La première entrevue avec le juge d’instruction, qui eut lieu dès le surlendemain de l’arrestation, avait commencé pour elle de façon plutôt éprouvante : elle était épuisée, n’avait quasiment pas dormi et le juge, un magistrat d’une quarantaine austère et pointilleux, connu pour sa rigueur, commença par la critiquer sur sa conduite de l’affaire.
Elle avait selon lui pris des risques inconsidérés en mettant un civil, pleinement lié à l’affaire, au cœur du dispositif.
— C’était tout à fait hasardeux, empirique, c’était un pari injustifiable que vous tentiez, sur une impression personnelle que vous aviez que Carlos Dacosta était capable de ça… et s’il y avait eu le moindre problème, ç’aurait viré à la catastrophe, et pour vous et vos services, l’échec aurait été retentissant !
Elle avait gardé le silence, elle savait qu’avec le juge c’était la meilleure chose à faire, et puis, à sa grande surprise, il avait ensuite souri et l’avait félicitée, en lui disant que le pari avait été gagnant, et que son intuition avait permis de conclure l’affaire au mieux, en plus des capacités incroyables de Carlos Dacosta à gérer le stress opérationnel et à prendre des initiatives.
Et de surcroît, avait-il conclu, « l’avalanche de preuves de toutes sortes » finissait de faire de cette opération risquée un succès mémorable dont elle pouvait se féliciter avec son équipe.
Ruth avait compris que c’était gagné, et que la conclusion administrative et judiciaire de l’affaire allait bien se dérouler.
Les jours qui avaient suivi l’arrestation avaient donc été très denses : les investigations s’étaient enchaînées à un rythme soutenu.
Les ordinateurs, téléphones, agendas du Belge avaient été une source inespérée de preuves, d’éléments à charge, des portes d’entrée multiples, à peine sécurisées, vers ses activités, ses réseaux, son existence criminelle.
Il n’y avait eu qu’à se pencher, mais le travail de recoupement et d’enquête avait été du coup énorme et très urgent : il fallait travailler sur ce matériel ultra-sensible avant que tous les acteurs de cet univers souterrain ne s’affolent et disparaissent avec les preuves matérielles.
Interpol avait été mise dans le coup, et l’équipe de Ruth s’était renforcée en « cellule d’enquête ».
Elle arriva à l’autre bout de la piscine et négocia un virage sous-marin parfait : une pirouette souple qui la propulsa vers son point de départ, tranquillement.
Il devait être près de deux heures et demie du matin, elle s’étira et sentit ses muscles frémir de bonheur.
Après le départ des voitures de Carlos et de ses suiveurs de la maison de la rue du Docteur-Blanche, elle avait fait positionner sur les lieux le dispositif prévu : détournement discret de la circulation possible autour du quartier (à cette heure de la nuit dans le XVIe, c’était désert mais il ne fallait rien négliger), surveillance maximale de la maison, et un détachement du GIPN était arrivé sur les lieux au bout de dix minutes, et tout le monde avait pris connaissance de la vidéo prise par Carlos : on voyait les lieux, les adversaires, leur arsenal.
À la seconde même où elle avait appris que la maison de Verrières était investie et que le Belge était arrêté, elle avait donné le feu vert pour l’assaut : le commando avait pénétré dans le jardin, et pendant que l’électricité était coupée, il avait ouvert la porte de la cave et balancé des gaz aveuglants et paralysants.
Les deux tueurs étaient en train de poursuivre ce qu’ils avaient apparemment entamé, c’était le cas de le dire, avant l’arrivée de Carlos : ils découpaient le cadavre de Clara en morceaux.
Ces circonstances atroces avaient marqué tout le monde, et quand le public l’avait appris quelques jours plus tard, l’affaire avait pris une dimension tragique et une ampleur plus grande encore, alors même que dès le lendemain de l’arrestation du Belge, les médias s’étaient emparés avec gourmandise de cette histoire dont les personnages avaient déjà défrayé l’actualité.
Carlos le garde du corps était devenu « Le tombeur du Belge », dont les faits d’armes et la biographie avaient alimenté les chroniques, Ruth était « La commissaire » comme si elle était la seule en poste dans toute la France, Clara était devenue « La martyre aveugle de la maison de l’horreur », et le rôle de la banquière, la sœur, avait été volontairement laissé dans le flou, le temps de remonter les pistes de ses confessions.
Mais de ce point de vue, l’affaire avait connu un développement rapide et impensable, il n’y avait pas eu besoin des aveux du Belge.
L’équipe scientifique n’avait eu aucun mal à faire parler l’un de ses portables, la nuit même de l’arrestation.
Le numéro de celui qui devait très certainement être le client, l’homme qui avait lancé le contrat sur les confessions d’Irène, fut très vite repéré, notamment entre dix heures et minuit, quand Carlos avait donné son prix au Belge, trois millions d’Euros.
La ligne de mobile utilisée avait été enregistrée sous un faux nom, mais on avait pu remonter très vite à la source par les coordonnées bancaires et différentes erreurs grossières commises par le bénéficiaire à la souscription du contrat.
Il s’agissait d’un homme politique en vue, jeune et très actif dans le paysage médiatique, dont le nom et les frasques, ainsi que des détails physiques inédits, étaient cités par Irène dans son journal intime vidéo.
Le juge n’avait pas hésité et avait demandé très rapidement une perquisition générale et simultanée de ses bureaux et domiciles.
La presse avait été informée, on ne sait trop par qui.
À la date donnée par les confessions d’Irène, on trouva dans un agenda le prénom de la propriétaire de la villa où avait eu lieu la partouze où ils s’étaient rencontrés, on trouva également des preuves que l’homme politique en question avait récemment cherché à contacter le Belge, et s’était même d’ailleurs déplacé à Bruxelles pour le rencontrer, en annulant des rendez-vous.
L’affaire avait pris alors une dimension de séisme plus grande encore que celle du Sofitel de New-York : plus que les frasques sexuelles d’un homme politique prometteur, celui-ci avait franchi une étape supplémentaire en cherchant à récupérer les preuves compromettantes par le biais d’une équipe de tueurs qui avaient torturé, enlevé et assassiné deux femmes pour honorer le contrat.
Depuis seize jours, on ne parlait que de cela, en France et en Europe, et Carlos avait même refusé des interviews de journalistes américains, japonais et australiens.
Dès l’arrestation du Belge, alors que commençait l’instruction, Ruth avait dit à Carlos qu’il ne fallait pas qu’ils s’appellent : chacun allait être sur la sellette, et on ne manquerait pas de juger que leur relation, si elle venait à apparaître, était déplacée, parasite, et que cela avait influé sur son travail à elle, la gestion de l’enquête, et sur sa perception des risques de cette opération, toute réussie qu’elle fût.
Il comprit bien cela, ne voulut pas, mais ils s’écrivirent beaucoup de courriels durant cette période.
Des messages émus, très personnels, notamment quand eurent lieu les enterrements de Clara et d’Irène, à Orléans, quatre jours après l’arrestation.
Ruth sut être là avec ses mots à elle, et par la suite, la tendresse s’accrut entre eux.
Et puis, au fur et à mesure de l’enquête qu’elle devait mener tambour-battant avec son équipe, avec même des allées et venues entre Paris et Bruxelles, l’épuisement, la détermination et la tension nerveuse mirent Ruth à cran, à vif, et elle envoya à Carlos des messages totalement sexuels où elle clamait son envie qu’il la baise, et il répondit avec une chaleur qui rendit la jeune femme à moitié folle.
Ils engagèrent alors une correspondance torride, et la commissaire rentrait chez elle le soir pour de longues séances de masturbation où toutes ses pensées, à défaut de son ventre, de sa bouche et de son cul, étaient dédiées à Carlos.
Ruth se sentait dans une enivrante symbiose avec son corps : ses muscles chauds, sa respiration calme parfaitement synchronisée avec le rythme lent de sa nage, la température si douce de l’eau qu’elle paraissait être celle de son corps…
C’était un délice, il lui sembla qu’elle pouvait ainsi nager autant qu’elle voulait, dans une harmonie paisible en dehors du temps.
Il y avait trois jours, le juge d’instruction l’avait donc appelée : le dossier était bouclé, la phase purement judiciaire commençait. Il la remercia à nouveau.
Ruth avait mis du champagne dans un petit frigo dans son bureau et fait acheter des coupes, des vraies coupes, peut-être pas en cristal mais au moins en verre, elle ne supportait pas les gobelets pour boire du champagne.
Elle convoqua son équipe à une mystérieuse « réunion d’urgence » et les remercia tous pour le travail fourni depuis le début de cette affaire, c’est-à-dire depuis le coma de la banquière.
Son équipe salua elle aussi son travail à elle, et la réunion au champagne fut aussi émue que chaleureuse et drôle : tout le monde soufflait après une affaire qui s’était révélée être énorme, insoupçonnable, pour ne pas dire historique.
D’ailleurs elle informa son équipe qu’elle avait demandé et obtenu quinze jours de congé, et aussitôt tout le monde voulut savoir ce qu’elle allait faire, où elle allait, avec qui.
Mais elle se contenta de rire et de reprendre du champagne.
Après six longueurs au clair de lune, Ruth reprit pied près du mur, elle n’était même pas essoufflée, c’était merveilleux.
Elle sortit de la piscine, l’air tiède de la nuit portugaise la fit frissonner, et elle s’enroula dans un drap de bain qu’elle avait déposé sur une chaise longue près du bord.
Elle entra dans la chambre plongée dans la pénombre, elle entra dans les parfums, celui de Carlos, celui de l’amour, le sien, odeurs de peau, de sexe, elle ferma les yeux de bien-être et jeta la serviette sur une chaise avant de tout doucement venir se blottir contre le dos de son homme, endormi sur le côté. Il se réveilla et grogna :
— Tu es toute fraîche, tu es allée nager ?
— Oui… Dors… répondit-elle en caressant son ventre chaud.
Ses doigts descendirent, elle caressa du bout des doigts le membre assoupi de Carlos, qui ne fut pas long à réagir, en se gonflant peu à peu. Elle entendit son petit rire dans l’obscurité :
— Tu es une vraie obsédée… murmura t-il.
— Je t’ai prévenu, Chéri : si je te rejoins dans cette maison que tu as louée, c’est pour deux choses : dormir et faire l’amour !
— Ben justement : je dormais ! plaisanta Carlos qu’elle branlait maintenant d’une main légère.
— Ah mais c’est les débuts du couple, ça : il faut se coordonner ! répondit-elle avec un sérieux professoral.
— Je veux bien être sur ton tempo : quand tu veux.
— Ça me plaît, ça ! rigola Ruth.
— Suce-moi, j’ai envie de ta bouche…
Il se tourna sur le dos, et Ruth en souriant se contorsionna pour venir prendre entre ses lèvres le sexe de son amant qui était maintenant en pleine forme, malgré les nombreuses activités sexuelles très variées et inventives auxquelles ils se livraient sans retenue nuit et jour, depuis qu’il était venu la chercher à l’aéroport de Lisbonne, deux jours avant.
Sans se concerter, ils n’avaient utilisé aucun préservatif, et Ruth avait été émue de cela, et de savoir son sperme jaillir en elle, de le laver en se lavant, l’avait bouleversée.
Elle fit à son homme une fellation très lente qui finit par le faire gémir et se tortiller sur le lit, et il murmura :
— Viens sur moi… s’il te plaît.
Elle l’enjamba, et en frissonnant de désir elle prit son temps, joua un peu avec son gland à l’entrée de sa chatte toute mouillée, avant enfin de lentement s’enfiler sur son désir à lui, tendu, raide, qu’elle avait tellement attendu.
Débordée, elle lâcha un petit cri en s’asseyant complètement sur lui : il était planté en elle au plus profond, c’était si beau de le voir allongé dans la pénombre et de le sentir lui traverser le ventre, comme un pieu tout chaud !
Dans cette maison de location dans la campagne, ils pouvaient crier comme ils voulaient et ne s’en privaient pas, et en plaisantant, Carlos avait expliqué que c’était pour cela qu’il ne l’avait pas invitée dans sa famille.
Elle roula lentement du bassin, et adora comme il lui empoigna les hanches. Elle voulait le rendre fou, mais elle n’était pas sûre de pouvoir tenir, pas certaine qu’il serait le premier à jouir, tant elle était brûlante, amoureuse, les nerfs à vif et la peau frissonnante.
Quand il s’empara de sa poitrine avec ses mains surnaturelles de douceur et de force, elle sut que c’était foutu, et du coup se laissa aller en se cambrant, avec une série de gémissements langoureux et affolés.
L’orgasme la cueillit et elle cria franchement, mais Carlos, dans cette ambiance surchauffée avec au-dessus de lui cette jolie lionne survoltée qui gigotait sur sa queue en criant, ne tarda pas à la rejoindre, il éjacula en criant lui aussi.
Ils restèrent imbriqués, en sueur, somnolents, amoureux, et puis Carlos murmura, hésitant :
— J’aimerais bien…
— Oui ?
— Qu’on jouisse comme ça tous les deux et que tu sois enceinte…
Elle avala sa salive en silence, le cœur battant à tout rompre, la gorge serrée d’un seul coup, et il crut qu’il avait été trop loin, qu’il était déplacé, qu’il avait dit une connerie, et que sa réflexion lui déplaisait. Alors il chuchota d’une voix retenue :
— Excuse-moi, je rêvassais…
— Tu voudrais ?
— Oui. C’est possible ?
— Je ne sais pas. Oui parce que j’ai encore l’âge pour ça, que je suis en pleine forme… Je pense que oui, mais on ne peut jamais savoir… Je ne prends pas la pilule, tu sais ? Et là, depuis que je suis ici, on n’a pas mis de capotes…
— Alors si on jouit souvent et beaucoup, ce serait… possible ? demanda-t-il en riant.
— Ooooh oui, je crois, mais il faut faire l’amour beaucoup-beaucoup, OK ? On ne dort même plus, on mange un peu, on baise, on se baigne un peu, on fait l’amour et on recommence… C’est simple à retenir : tu bandes, et moi j’ai les fesses à l’air.
— C’est un très bon programme ! s’exclama Carlos en riant.
Elle l’embrassa, en ressentant un émoi inédit, fou, un vertige de femme inconnu ; elle venait de se lâcher dans le vide.
— Je ne croyais pas ça possible, reprit-elle en souriant.
— Quoi ?
— Une grosse brute adorable de Portugais viril veut m’engrosser, et ça me fait mouiller comme une folle !
Elle marcha tout doucement le long du bord, en se penchant pour que ce soit son cou et non ses épaules qui fendent la surface de l’eau, jusqu’à arriver face à la poignée qui indiquait la ligne de nage.
Alors, en bougeant le moins possible, elle ajusta ses lunettes de natation, elle n’avait que cela sur elle – elle voulait protéger ses yeux du chlore – puis elle prit profondément sa respiration, se laissa couler, recroquevillée, et poussa de ses pieds contre la paroi en s’élançant avec ampleur sous l’eau, tendue, étirée, en pointe.
Trente-sept jours étaient passés depuis la fameuse nuit sinistre et violente, et l’arrestation du Belge.
L’instruction était finie depuis trois jours, ses services et le juge avaient bouclé l’affaire, et cette période avait été pour elle d’une intensité incroyable, épuisante et réjouissante à la fois, pour aller jusqu’au bout, jusqu’au fond de cette histoire qu’elle n’oublierait jamais, et dont elle sortait transformée.
Elle vida ses poumons longuement en un chapelet de bulles qui partit dans son sillage, puis entama des mouvements de brasse, lentement, sortit la tête en appuyant sur l’eau pour prendre de l’air, et se rallongea sous la surface. Elle se sentait incroyablement bien.
La première entrevue avec le juge d’instruction, qui eut lieu dès le surlendemain de l’arrestation, avait commencé pour elle de façon plutôt éprouvante : elle était épuisée, n’avait quasiment pas dormi et le juge, un magistrat d’une quarantaine austère et pointilleux, connu pour sa rigueur, commença par la critiquer sur sa conduite de l’affaire.
Elle avait selon lui pris des risques inconsidérés en mettant un civil, pleinement lié à l’affaire, au cœur du dispositif.
— C’était tout à fait hasardeux, empirique, c’était un pari injustifiable que vous tentiez, sur une impression personnelle que vous aviez que Carlos Dacosta était capable de ça… et s’il y avait eu le moindre problème, ç’aurait viré à la catastrophe, et pour vous et vos services, l’échec aurait été retentissant !
Elle avait gardé le silence, elle savait qu’avec le juge c’était la meilleure chose à faire, et puis, à sa grande surprise, il avait ensuite souri et l’avait félicitée, en lui disant que le pari avait été gagnant, et que son intuition avait permis de conclure l’affaire au mieux, en plus des capacités incroyables de Carlos Dacosta à gérer le stress opérationnel et à prendre des initiatives.
Et de surcroît, avait-il conclu, « l’avalanche de preuves de toutes sortes » finissait de faire de cette opération risquée un succès mémorable dont elle pouvait se féliciter avec son équipe.
Ruth avait compris que c’était gagné, et que la conclusion administrative et judiciaire de l’affaire allait bien se dérouler.
Les jours qui avaient suivi l’arrestation avaient donc été très denses : les investigations s’étaient enchaînées à un rythme soutenu.
Les ordinateurs, téléphones, agendas du Belge avaient été une source inespérée de preuves, d’éléments à charge, des portes d’entrée multiples, à peine sécurisées, vers ses activités, ses réseaux, son existence criminelle.
Il n’y avait eu qu’à se pencher, mais le travail de recoupement et d’enquête avait été du coup énorme et très urgent : il fallait travailler sur ce matériel ultra-sensible avant que tous les acteurs de cet univers souterrain ne s’affolent et disparaissent avec les preuves matérielles.
Interpol avait été mise dans le coup, et l’équipe de Ruth s’était renforcée en « cellule d’enquête ».
Elle arriva à l’autre bout de la piscine et négocia un virage sous-marin parfait : une pirouette souple qui la propulsa vers son point de départ, tranquillement.
Il devait être près de deux heures et demie du matin, elle s’étira et sentit ses muscles frémir de bonheur.
Après le départ des voitures de Carlos et de ses suiveurs de la maison de la rue du Docteur-Blanche, elle avait fait positionner sur les lieux le dispositif prévu : détournement discret de la circulation possible autour du quartier (à cette heure de la nuit dans le XVIe, c’était désert mais il ne fallait rien négliger), surveillance maximale de la maison, et un détachement du GIPN était arrivé sur les lieux au bout de dix minutes, et tout le monde avait pris connaissance de la vidéo prise par Carlos : on voyait les lieux, les adversaires, leur arsenal.
À la seconde même où elle avait appris que la maison de Verrières était investie et que le Belge était arrêté, elle avait donné le feu vert pour l’assaut : le commando avait pénétré dans le jardin, et pendant que l’électricité était coupée, il avait ouvert la porte de la cave et balancé des gaz aveuglants et paralysants.
Les deux tueurs étaient en train de poursuivre ce qu’ils avaient apparemment entamé, c’était le cas de le dire, avant l’arrivée de Carlos : ils découpaient le cadavre de Clara en morceaux.
Ces circonstances atroces avaient marqué tout le monde, et quand le public l’avait appris quelques jours plus tard, l’affaire avait pris une dimension tragique et une ampleur plus grande encore, alors même que dès le lendemain de l’arrestation du Belge, les médias s’étaient emparés avec gourmandise de cette histoire dont les personnages avaient déjà défrayé l’actualité.
Carlos le garde du corps était devenu « Le tombeur du Belge », dont les faits d’armes et la biographie avaient alimenté les chroniques, Ruth était « La commissaire » comme si elle était la seule en poste dans toute la France, Clara était devenue « La martyre aveugle de la maison de l’horreur », et le rôle de la banquière, la sœur, avait été volontairement laissé dans le flou, le temps de remonter les pistes de ses confessions.
Mais de ce point de vue, l’affaire avait connu un développement rapide et impensable, il n’y avait pas eu besoin des aveux du Belge.
L’équipe scientifique n’avait eu aucun mal à faire parler l’un de ses portables, la nuit même de l’arrestation.
Le numéro de celui qui devait très certainement être le client, l’homme qui avait lancé le contrat sur les confessions d’Irène, fut très vite repéré, notamment entre dix heures et minuit, quand Carlos avait donné son prix au Belge, trois millions d’Euros.
La ligne de mobile utilisée avait été enregistrée sous un faux nom, mais on avait pu remonter très vite à la source par les coordonnées bancaires et différentes erreurs grossières commises par le bénéficiaire à la souscription du contrat.
Il s’agissait d’un homme politique en vue, jeune et très actif dans le paysage médiatique, dont le nom et les frasques, ainsi que des détails physiques inédits, étaient cités par Irène dans son journal intime vidéo.
Le juge n’avait pas hésité et avait demandé très rapidement une perquisition générale et simultanée de ses bureaux et domiciles.
La presse avait été informée, on ne sait trop par qui.
À la date donnée par les confessions d’Irène, on trouva dans un agenda le prénom de la propriétaire de la villa où avait eu lieu la partouze où ils s’étaient rencontrés, on trouva également des preuves que l’homme politique en question avait récemment cherché à contacter le Belge, et s’était même d’ailleurs déplacé à Bruxelles pour le rencontrer, en annulant des rendez-vous.
L’affaire avait pris alors une dimension de séisme plus grande encore que celle du Sofitel de New-York : plus que les frasques sexuelles d’un homme politique prometteur, celui-ci avait franchi une étape supplémentaire en cherchant à récupérer les preuves compromettantes par le biais d’une équipe de tueurs qui avaient torturé, enlevé et assassiné deux femmes pour honorer le contrat.
Depuis seize jours, on ne parlait que de cela, en France et en Europe, et Carlos avait même refusé des interviews de journalistes américains, japonais et australiens.
Dès l’arrestation du Belge, alors que commençait l’instruction, Ruth avait dit à Carlos qu’il ne fallait pas qu’ils s’appellent : chacun allait être sur la sellette, et on ne manquerait pas de juger que leur relation, si elle venait à apparaître, était déplacée, parasite, et que cela avait influé sur son travail à elle, la gestion de l’enquête, et sur sa perception des risques de cette opération, toute réussie qu’elle fût.
Il comprit bien cela, ne voulut pas, mais ils s’écrivirent beaucoup de courriels durant cette période.
Des messages émus, très personnels, notamment quand eurent lieu les enterrements de Clara et d’Irène, à Orléans, quatre jours après l’arrestation.
Ruth sut être là avec ses mots à elle, et par la suite, la tendresse s’accrut entre eux.
Et puis, au fur et à mesure de l’enquête qu’elle devait mener tambour-battant avec son équipe, avec même des allées et venues entre Paris et Bruxelles, l’épuisement, la détermination et la tension nerveuse mirent Ruth à cran, à vif, et elle envoya à Carlos des messages totalement sexuels où elle clamait son envie qu’il la baise, et il répondit avec une chaleur qui rendit la jeune femme à moitié folle.
Ils engagèrent alors une correspondance torride, et la commissaire rentrait chez elle le soir pour de longues séances de masturbation où toutes ses pensées, à défaut de son ventre, de sa bouche et de son cul, étaient dédiées à Carlos.
Ruth se sentait dans une enivrante symbiose avec son corps : ses muscles chauds, sa respiration calme parfaitement synchronisée avec le rythme lent de sa nage, la température si douce de l’eau qu’elle paraissait être celle de son corps…
C’était un délice, il lui sembla qu’elle pouvait ainsi nager autant qu’elle voulait, dans une harmonie paisible en dehors du temps.
Il y avait trois jours, le juge d’instruction l’avait donc appelée : le dossier était bouclé, la phase purement judiciaire commençait. Il la remercia à nouveau.
Ruth avait mis du champagne dans un petit frigo dans son bureau et fait acheter des coupes, des vraies coupes, peut-être pas en cristal mais au moins en verre, elle ne supportait pas les gobelets pour boire du champagne.
Elle convoqua son équipe à une mystérieuse « réunion d’urgence » et les remercia tous pour le travail fourni depuis le début de cette affaire, c’est-à-dire depuis le coma de la banquière.
Son équipe salua elle aussi son travail à elle, et la réunion au champagne fut aussi émue que chaleureuse et drôle : tout le monde soufflait après une affaire qui s’était révélée être énorme, insoupçonnable, pour ne pas dire historique.
D’ailleurs elle informa son équipe qu’elle avait demandé et obtenu quinze jours de congé, et aussitôt tout le monde voulut savoir ce qu’elle allait faire, où elle allait, avec qui.
Mais elle se contenta de rire et de reprendre du champagne.
Après six longueurs au clair de lune, Ruth reprit pied près du mur, elle n’était même pas essoufflée, c’était merveilleux.
Elle sortit de la piscine, l’air tiède de la nuit portugaise la fit frissonner, et elle s’enroula dans un drap de bain qu’elle avait déposé sur une chaise longue près du bord.
Elle entra dans la chambre plongée dans la pénombre, elle entra dans les parfums, celui de Carlos, celui de l’amour, le sien, odeurs de peau, de sexe, elle ferma les yeux de bien-être et jeta la serviette sur une chaise avant de tout doucement venir se blottir contre le dos de son homme, endormi sur le côté. Il se réveilla et grogna :
— Tu es toute fraîche, tu es allée nager ?
— Oui… Dors… répondit-elle en caressant son ventre chaud.
Ses doigts descendirent, elle caressa du bout des doigts le membre assoupi de Carlos, qui ne fut pas long à réagir, en se gonflant peu à peu. Elle entendit son petit rire dans l’obscurité :
— Tu es une vraie obsédée… murmura t-il.
— Je t’ai prévenu, Chéri : si je te rejoins dans cette maison que tu as louée, c’est pour deux choses : dormir et faire l’amour !
— Ben justement : je dormais ! plaisanta Carlos qu’elle branlait maintenant d’une main légère.
— Ah mais c’est les débuts du couple, ça : il faut se coordonner ! répondit-elle avec un sérieux professoral.
— Je veux bien être sur ton tempo : quand tu veux.
— Ça me plaît, ça ! rigola Ruth.
— Suce-moi, j’ai envie de ta bouche…
Il se tourna sur le dos, et Ruth en souriant se contorsionna pour venir prendre entre ses lèvres le sexe de son amant qui était maintenant en pleine forme, malgré les nombreuses activités sexuelles très variées et inventives auxquelles ils se livraient sans retenue nuit et jour, depuis qu’il était venu la chercher à l’aéroport de Lisbonne, deux jours avant.
Sans se concerter, ils n’avaient utilisé aucun préservatif, et Ruth avait été émue de cela, et de savoir son sperme jaillir en elle, de le laver en se lavant, l’avait bouleversée.
Elle fit à son homme une fellation très lente qui finit par le faire gémir et se tortiller sur le lit, et il murmura :
— Viens sur moi… s’il te plaît.
Elle l’enjamba, et en frissonnant de désir elle prit son temps, joua un peu avec son gland à l’entrée de sa chatte toute mouillée, avant enfin de lentement s’enfiler sur son désir à lui, tendu, raide, qu’elle avait tellement attendu.
Débordée, elle lâcha un petit cri en s’asseyant complètement sur lui : il était planté en elle au plus profond, c’était si beau de le voir allongé dans la pénombre et de le sentir lui traverser le ventre, comme un pieu tout chaud !
Dans cette maison de location dans la campagne, ils pouvaient crier comme ils voulaient et ne s’en privaient pas, et en plaisantant, Carlos avait expliqué que c’était pour cela qu’il ne l’avait pas invitée dans sa famille.
Elle roula lentement du bassin, et adora comme il lui empoigna les hanches. Elle voulait le rendre fou, mais elle n’était pas sûre de pouvoir tenir, pas certaine qu’il serait le premier à jouir, tant elle était brûlante, amoureuse, les nerfs à vif et la peau frissonnante.
Quand il s’empara de sa poitrine avec ses mains surnaturelles de douceur et de force, elle sut que c’était foutu, et du coup se laissa aller en se cambrant, avec une série de gémissements langoureux et affolés.
L’orgasme la cueillit et elle cria franchement, mais Carlos, dans cette ambiance surchauffée avec au-dessus de lui cette jolie lionne survoltée qui gigotait sur sa queue en criant, ne tarda pas à la rejoindre, il éjacula en criant lui aussi.
Ils restèrent imbriqués, en sueur, somnolents, amoureux, et puis Carlos murmura, hésitant :
— J’aimerais bien…
— Oui ?
— Qu’on jouisse comme ça tous les deux et que tu sois enceinte…
Elle avala sa salive en silence, le cœur battant à tout rompre, la gorge serrée d’un seul coup, et il crut qu’il avait été trop loin, qu’il était déplacé, qu’il avait dit une connerie, et que sa réflexion lui déplaisait. Alors il chuchota d’une voix retenue :
— Excuse-moi, je rêvassais…
— Tu voudrais ?
— Oui. C’est possible ?
— Je ne sais pas. Oui parce que j’ai encore l’âge pour ça, que je suis en pleine forme… Je pense que oui, mais on ne peut jamais savoir… Je ne prends pas la pilule, tu sais ? Et là, depuis que je suis ici, on n’a pas mis de capotes…
— Alors si on jouit souvent et beaucoup, ce serait… possible ? demanda-t-il en riant.
— Ooooh oui, je crois, mais il faut faire l’amour beaucoup-beaucoup, OK ? On ne dort même plus, on mange un peu, on baise, on se baigne un peu, on fait l’amour et on recommence… C’est simple à retenir : tu bandes, et moi j’ai les fesses à l’air.
— C’est un très bon programme ! s’exclama Carlos en riant.
Elle l’embrassa, en ressentant un émoi inédit, fou, un vertige de femme inconnu ; elle venait de se lâcher dans le vide.
— Je ne croyais pas ça possible, reprit-elle en souriant.
— Quoi ?
— Une grosse brute adorable de Portugais viril veut m’engrosser, et ça me fait mouiller comme une folle !
FIN
Auteur : Riga
J'avais prévenu : je suis d'un romantisme déplorable !
RépondreSupprimer:D
J'espère que ce petit roman vous a plu, et suis ravi qu'il ait occupé l'été… Merci pour la mise en ligne bien orchestrée, CA2345689 !)
;)
Merci pour ces beaux moments de lecture où se mêlent et s'entremêlent tant de moments de Vie. En espérant vous suivre à nouveau au détour de quelques lignes qui ne tarderont pas à devenir d'agréables rêveries...
SupprimerOn peut difficilement faire plus clair ! :)
RépondreSupprimerRiga, au boulot, pauvre forçat !
Oui Chef !
RépondreSupprimerUn forçat volontaire qui a bien de la chance.
Je suis en train de travailler sur une autre série, il y a tout à faire, ce ne devrait pas être policier… mais je manque de temps !
Merci de ces commentaires, en tout cas, ça fait plaisir !
;)