jeudi 28 août 2014

[Feuilleton] Double vie (26)

Relisez le chapitre 25

La Peugeot roulait prudemment sur le périphérique, je croisais parfois le regard du chauffeur, un regard vide que je connaissais quand il était compris dans la tête d’un tueur, d’un mercenaire, d’un SDF, d’un type dont la vie est en marge et qui s’en fout.

Ce mec avait l’air absent, mais je savais aussi que c’était un nuisible, qui n’hésiterait pas à me tuer, à lui-même risquer de mourir si quelque chose déconnait.
J’étais en partance pour l’inconnu avec cet inconnu, et je regardais le paysage urbain inesthétique, sans intérêt, en pensant à mon téléphone spécial qui captait les sons inintéressants également de cette balade en bagnole, et en sachant que tout autour de nous il y avait des voitures, des motos, des fourgons, avec dedans des gens armés et sur les nerfs qui devaient ne pas me perdre de vue et intervenir si possible, on ne savait où ni quand ni comment : c’était plus une force d’improvisation qu’une force d’interposition !


J’étais seul, en partance, mais ça ne me faisait pas spécialement peur : mon goût pour l’action allait de pair avec à la fois une préparation minutieuse, physique, matérielle, mentale, ma survie pouvait en dépendre, c’est ce que j’avais appris, et puis une dose de fatalisme une fois que c’était en route : je savais que je ne pouvais tout prévoir, qu’il fallait s’en sortir au mieux, être lucide sur le chaos qui semblait vouloir toujours reprendre la main dès qu’on essaye de tout maîtriser.
C’est ce que j’avais fait pour survivre, dans les Forces spéciales portugaises.

J’étais seul, en partance, avec comme seules armes un téléphone qui faisait le lien, pour l’instant, avec les flics, mes connaissances du close-combat qui n’étaient pas hélas appuyées par une pratique régulière (ces dernières années, l’éventualité de tuer un homme à mains nues n’avait pas été assez d’actualité pour que je maintienne à ce sujet un entraînement à la hauteur), et puis une courte lame triangulaire, coupante comme un bistouri, avec une petite poignée plate pour la serrer entre deux doigts comme un coup de poing américain. Je gardais ça dans mon étui de Carte Bleue, derrière une carte de fidélité de supermarché, dans ma poche.

Mais que ça puisse me servir, j’en doutais : je n’allais pas à un combat de rue, j’allais dans un guêpier de merde où plein de gens autour de moi seraient armés de toutes sortes d’armes à feu.
C’était le petit truc secret qui servait à ce que je ne me sente pas complètement à poil dans la rivière aux alligators. Une autre question que je me posais en regardant les lumières oranges au plafond des tunnels : où était ma bonne étoile ? J’espère qu’elle ne m’avait pas oublié depuis les zones de combat que j’avais connues et dont j’étais à chaque fois rentré.

Et si tout cela foirait, si même je ne m’en sortais pas, les confessions secrètes de la banquière allaient peut-être livrer leurs secrets, et au bout du compte l’identité de celui qui était allé chercher un mec capable d’embaucher d’autres mecs, comme celui qui était au volant, et qui étaient capables de ça.
Putain.

On fit le tour du nord de Paris, et le mec sortit porte d’Auteuil, dans le XVIe, c’est-à-dire, si je ne me trompais pas, l’exact opposé de chez moi, le mec serait passé par le sud, ce devait être la même distance exactement que par le nord…
On remonta le long de l’ancienne petite ceinture, il traversa un pont par-dessus, j’espérais que dans mon ventre, le GPS n’était pas en train d’être bouffé par les sucs gastriques et que Ruth et son équipe me traçaient toujours…

Il descendit une rue, tourna à gauche – rue du Docteur-Blanche, m’indiqua une plaque – et il fit entrer presque aussitôt la voiture dans le petit jardin d’une petite maison. Quelqu’un ferma le portail.
Il coupa le moteur, laissa les phares allumés et descendit, ma tension artérielle grimpa rapidement.
— Tu sors, je te fouille, grogna le chauffeur avec un accent de l’Est, il avait les joues creuses, les yeux bleus et vides, ça se confirmait, et il paraissait vif, il n’allait pas falloir essayer de le surprendre…

Un autre mec se tenait derrière, trapu, avec un demi-sourire et des yeux instables, il devait être chargé de quelque chose, je le sentais d’instinct.
Deux dangereux.
Le premier alluma une torche, fouilla le sac à dos, me fouilla, il jeta un coup d’œil sur mon mobile, l’alluma, je le vis vérifier qu’il n’y avait pas de communication en cours, et il le jeta sur la banquette de la voiture.
— Non, je le garde. Je veux prendre des photos de ma fiancée, votre chef a dit OK.
J’avais lancé cela sur une inspiration soudaine, le premier mec regarda son copain, qui lui lança un truc dans une langue qui me paraissait être du polonais, et qui me dit :
— C’est pas possible !
— Votre chef, le Belge, il a dit OK, appelez-le. Il veut bien. C’était ma fiancée, je dois lui dire au revoir, et je veux une photo d’elle, après je négocie avec votre chef. Appelez-le. Il était en colère contre vous, mais appelez-le.

Coup de poker, nouvel échange en quelque chose de l’Est, ils étaient emmerdés par cet imprévu, et aussi nerveux, et puis le chauffeur lâcha « OK » en me désignant du menton mon mobile que je récupérai.
Entretemps il m’avait fouillé, mais m’avait laissé mon étui de Carte Bleue.
C’était des pros, ces mecs, mais ils commettaient des erreurs. Dans l’équipe de Ruth, ils devaient me prendre pour un fou, et retenir leur souffle.
J’essayai de retrouver le mien pour être opérationnel, les deux mecs me poussèrent vers la porte de la cave de la petite maison, les volets étaient fermés, aucune lumière.

Le second me précéda dans l’escalier en sortant un automatique de son blouson, je suivis, le chauffeur fermait la marche et verrouilla la porte ; je ne le regardais pas, mais il devait avoir une arme à la main.
Autre erreur, sans doute, de sortir chacun leur artillerie alors que j’étais sans arme : j’avais la possibilité de m’emparer d’un des deux flingues… mais aucune envie pour l’instant.
Un troisième, mince et grand, habillé en noir, avec le regard fiévreux, attendait en bas dans la cave au plafond bas, éclairée de deux lampes à larges coupelles métalliques, et lui il avait carrément une Kalachnikov en travers du ventre, suspendue à sa sangle, et la position de ses mains prouvait que ce n’était pas du décor : il savait s’en servir, s’en servait, c’était son jouet à lui.

Dans un angle de la cave, au fond, il y avait le corps de Clara, allongé sur le sol en béton, enroulé dans une couverture militaire.

Mon cœur battait à tout rompre, je m’approchai doucement, les mecs gardaient le silence.
Elle avait les cheveux mouillés, elle était morte, toute pâle, la bouche entrouverte et livide, et je voyais ses orbites vides, et les cicatrices anciennes autour de ses yeux.
J’avais des picotements sous la peau, comme si je me vidais de ma chaleur.
Il fallait jouer mon rôle, et c’était ce que je voulais : lui dire adieu.
Je me mis à genoux tout près de son corps, et embrassai sa bouche dure et froide.

Une partie de mon cerveau flottait, une autre entraîna rapidement l’ensemble de mon esprit sur la suite, et je me tournai vers les hommes :
— Je vais prendre une photo, comme on a dit, OK ?
Je tirai mon mobile de ma poche tandis que, comme je le prévoyais, le troisième mec, pas au courant, protestait, il avait un accent du sud de la France, plus niçois il me sembla que marseillais :
— Hé, c’est quoi ces conneries ?
— Je fais une photo ou deux, répétai-je d’un air lugubre en cadrant le visage mortuaire de Clara.
— Il a le OK, lui expliqua l’un des deux comparses. C’est bon, pas de souci…
— Mes couilles ouais, c’est quoi cette embrouille ?

Je me tournai vers lui, d’un air détaché et sinistre, j’avais enclenché la vidéo, et au bout de mon bras à demi-plié, mon mobile les filmait, s’ils s’en rendaient compte ils me tuaient à l’instant même, mais je repris la parole d’une voix terne et ferme :
— Votre chef, le Belge, il a dit OK, ça fait partie du deal : je lui dis au revoir et je prends une photo d’elle. Et c’est tout, après, vous m’emmenez le voir, on négocie et c’est tout.
— J’aime pas ces conneries ! Pas du tout ! cria celui que j’appelais le Niçois.
— Écoute, m’emmerde pas, tu me fais pas peur, je répondis d’une voix calme. Vous avez tué la femme que j’aime, et vous avez fait une énorme connerie. Le Belge, il était fou. Mais je vais négocier quand même avec lui… Alors tu vas pas me faire CHIER POUR UNE OU DEUX PHOTOS DE MA FEMME, ESPÈCE DE PORC ??!!

J’avais hurlé de tous mes poumons, sans bouger, sans ciller, et le silence retomba dans cette cave mortuaire, les trois hommes étaient figés, stupéfaits, soudain gênés par l’expression de ma douleur, de ma folie, et je me retournai pour, d’après eux, prendre des photos, puis j’éteignis mon mobile et le remis en poche, et je restai là, immobile, en prière, au moins cinq minutes, personne n’osa dire un mot.

Puis je jugeai que c’était le maximum que je pouvais accorder à Ruth et son équipe, et murmurai en portugais :
— Adieu mon amour… et l’embrassai une dernière fois.
Je me relevai sans un regard pour eux, je la regardais, elle. Je les avais longuement filmés tous les trois, avec le cadavre.
— Traitez son corps avec respect, ordonnai-je à mi-voix, et quand je me tournai vers eux, le Niçois me dévisageait, perplexe, et les deux autres avaient un regard fuyant, ils avaient l’air fébrile.
— Bon, allez, on y va ! lança le chauffeur.

Le Niçois resta en bas, et avec les autres je ressortis dans la nuit, il faisait bon, et l’air me fit du bien.
On grimpa dans la Peugeot, le second ouvrit le portail, une marche arrière et on repartit, j’ouvris la fenêtre arrière gauche, on croisa un motard sur un trail et, avec les reflets de sa visière, je ne vis pas ses yeux…

Boulevard Montmorency, périph’ à nouveau, direction porte d’Orléans, puis on emprunta l’ancienne Nationale 20. Je ne disais rien, je pris mon mobile comme si je voulais revoir les photos de ma fiancée, et envoyai la vidéo, sans jeter le moindre coup d’œil au chauffeur, puis j’effaçai la vidéo et la transmission, et j’essayai de me détendre et de récupérer des forces.

On entra dans Verrières-le Buisson.
La destination finale allait bien être l’endroit prévu, et c’était préférable pour moi et mon intégrité physique : l’endroit était sous surveillance, avec des hommes du GIPN pas loin.
Enfin la Peugeot prit à petite vitesse une rue qui montait, j’aperçus la forêt en haut de la rue dans la lumière des phares, et on entra dans l’enceinte d’une propriété, tout en haut de la rue.
Voilà.
Le chauffeur descendit, un homme venait de refermer le portail et s’adressa à lui en polonais (du moins je me dis cela).

L’homme était petit et sec, une trentaine d’années, avec un bouc bien taillé et un costume noir. Il ne m’adressa pas la parole et me fouilla, et quand il explora soigneusement mon mobile je me dis que j’avais bien fait de me débarrasser en lieu sûr de la vidéo.
Lui non plus ne découvrit pas ma lame dans mon porte-carte. Il me tendit, toujours en silence, mon sac à dos avec le disque dur et me précéda dans la villa des années soixante.

La porte d’entrée ouvrait directement sur un large séjour en mezzanine qui donnait sur le jardin, où brillaient des lampes éparses dans l’obscurité. Dans un canapé était assis un homme corpulent, avec une petite tête chauve et des lunettes noires, que je trouvai immédiatement repoussant, ce qu’il recherchait sans doute.

— Ah ! Monsieeeeur Dacosta ! Entrez, entrez !
Il ne se leva pas mais me fit signe pour que je m’asseye dans un fauteuil de cuir noir face à lui, devant une étonnante cheminée en tôle qui couvrait toute la hauteur de la pièce.
Je pris place, il fit un signe et le sbire qui m’avait accompagné dégaina une arme quelconque dont il appuya le canon en métal bien dur contre mon crâne.
Je m’efforçai au calme absolu… C’était mal parti.
— J’ai une mauvaise nouvelle pour vous, reprit l’homme d’un ton neutre, avec un accent belge que je percevais mieux qu’au téléphone. Mon client ne veut pas payer, c’est trop cher, finalement il s’en fout de cette vidéo, surtout qu’il ne sait pas vraiment si elle le menace, il laisse tomber. Je vais donc devoir me débarrasser aussi de vous. Il ne vous paye pas, mais va me payer un peu pour ça.

J’accusai le coup, mais quelque chose clochait et je réagis instinctivement, et répondis en essayant d’assurer ma voix :
— Vous bluffez. C’est des conneries. Si vous saviez qu’il ne payait pas, vous ne m’auriez pas rappelé. Ou bien vous m’auriez fait tuer là où est morte Clara : un ou deux cadavres à faire disparaître, vos mecs ne sont pas à ça près… Vous oubliez que je suis du business : on ne change pas d’avis comme ça au cours d’un contrat. Si je suis en face de vous, si vous avez pris ce risque-là, c’est que vous avez quelque chose à me proposer…

Il me dévisagea en silence, puis apparemment impressionné il applaudit silencieusement en souriant :
— Waouh. Bravo, Carlos, belle perspicacité, tu as le don pour voir le jeu de tes adversaires. Tu joues au poker ?
— Ça m’est arrivé.
— Tu devais faire des merveilles ! Je comptais te foutre les foies, t’humilier, que tu pisses dans ton froc, mais tu as un sang-froid admirable, ad-mi-ra-ble. Tu bois quelque chose ?

Sur un signe, le sbire s’éloigna mais ne rengaina pas son arme, un automatique couleur cuivre tout à fait élégant.
Il me proposa différentes choses en se levant, alla au bar et me servit le porto (forcément) demandé, lui prit un whisky sans doute, vu la couleur et le verre utilisé, et il posa devant nous une coupelle d’olives.
Un apéro à plus de deux heures du matin, il n’y avait que dans le monde du grand banditisme qu’on faisait ça.

— Alors on met cartes sur table ? demanda l’homme en souriant.
— Ça m’arrange, j’en ai marre de ces conneries.
— Je me suis renseigné sur toi, reprit-il, tu fais peu parler de toi, mais tu n’as pas quitté le métier. Garde du corps, ça m’amuse. Mais tu es très discret sur le reste de tes activités…
— Vous connaissez un mec vivant et qui la ramène, vous ? plaisantai-je. J’ai fait quelques affaires avec Groders, depuis que j’ai quitté l’armée au Portugal, il m’a présenté les bonnes personnes.

C’était faux, intéressant à placer et invérifiable : Groders était une société de « consulting » belge, dirigée par Stefan Groders, qui était depuis la fin des années 90 la plaque tournante des mercenaires, soldiers of fortune, dans le nord de l’Europe. Ils s’intéressaient particulièrement à tous les soldats d’élite démissionnaires ou réformés, commandos, super-policiers, techniciens de l’armement, anciens pilotes militaires de tous pays et aimant l’argent, et j’avais été approché à ma sortie des Forces spéciales.
Mais dire que j’avais travaillé avec eux n’offrait aucun risque dans ce domaine où le secret était le cœur des activités.

— Tu m’intéresses, lança l’homme. On va sans doute pouvoir faire quelque chose ensemble. Mon client est un connard, il a lancé la grosse affaire avant de se dégonfler. Désolé pour ta femme.
— Je peux vous tutoyer ?
— Oui bien sûr, répondit-il en riant.
— Si on fait affaire ensemble, il me faudra la tête de celui qui l’a tuée. Même par erreur.
— J’y réfléchirai, répliqua l’homme en souriant avant de boire une gorgée de son whisky ou je ne sais quoi. C’est une demande légitime, mais je dois réfléchir si j’ai encore besoin de lui. En revanche, je peux t’échanger cela contre ce fameux disque dur et le code, ajouta t-il en désignant mon sac à dos du menton.
— Si j’avais l’esprit méfiant ou mal tourné, je me dirais que vous allez détourner les trois millions d’euros de la transaction, que votre client aurait en fait accepté, à votre profit tout en m’embauchant. Ce serait malin.
— Non. C’est comme une garantie au cas où. Si la fille a couché avec du beau monde comme on me l’a dit, ça peut être intéressant d’avoir des leviers possibles. Et je comptais te laisser t’occuper de ça.
— Non, le chantage je refuse, je vous le dis tout net.
— C’est bien, ça me plaît que tu ais les couilles de me dire ça tranquillement. Bon, Carlos, j’ai besoin d’un coordinateur.
— Je n’ai pas envie d’être chef d’équipe, dis-je en secouant la tête.
— Non, Carlos : responsable de réseau ! Un mec intelligent et fiable qui ne soit pas tatoué de partout, à fumer le cigare comme dans un film de guerre américain, je veux plus de mecs qui roulent en 4x4 et qui jouent les guignols.
— Il y a à peu près que ça, dans le secteur, ajoutai-je en souriant.
— Ça t’intéresse ?
— Après cette histoire et la disparition de Clara, tout le monde comprendra très bien que je plaque tout…
— Où en sont les flics sur l’affaire ?
— Ils pataugent, et ils n’ont pas fini…
— Ça t’intéresse ?
— Oui.

Il tendit son verre, on trinqua. Il se leva pour se dégourdir les jambes, ou pour marquer sa domination sur moi.
Je repris alors la parole pour m’avancer en terrain inconnu…
— J’ai un truc à vous proposer aussi… C’est de trop grande ampleur pour moi, et je cherchais justement un associé qui ait la structure et le fric…
— Dis toujours ?
— En fin d’année dernière, il y a une boîte israélienne qui a fait faillite : secteur en pleine expansion, mais magouilles financières. Ils concevaient et fabriquaient des drones. Vous suivez ?
— Ça me branche bien, comme préambule, renchérit l’homme en souriant. Continue…
— Un ami à moi s’est intéressé à cela avant que les services secrets ne réagissent. Il a récupéré les prototypes en cours d’étude, et a sorti cela du pays en pièces détachées, avec le contenu des disques durs de la boîte : projets, données techniques, contacts, contrats…
— Ça m’intéresse beaucoup, tout ça, s’exclama l’homme en riant. Mais ton ami doit être gourmand, non ?
— Mon ami est un vrai ami, il est recherché, il veut plutôt se débarrasser de ça, et il ne traitera qu’avec des gens de confiance. Moi. Sauf que je dois savoir quoi faire de ce pactole…
— Je dois y réfléchir… Tu as des éléments tangibles à me montrer pour que je sache que c’est valable et que ton ami, même si c’est un vrai ami, essaie pas de te baiser ?
— Oui.

Je me levai et me tournai vers l’homme de main armé en souriant :
— Je vais sortir un truc de ma poche, OK ?
Le Belge se mit à rire et l’homme, imperturbable, me fit signe de la tête.
Je sortis mon porte-carte.
— Vous avez peut-être ici un lecteur de cartes bancaires que vous donne votre banque, vous savez, pour générer des codes pour des paiements sécurisés ? J’ai une carte magnétique qui fonctionne avec ces lecteurs, et avec un des codes fournis, on accède au site de mon ami, il donne des extraits du contenu des ordinateurs, et des photos de prototypes…
— Super. Ouais, j’ai ça là-haut. Philip, va me chercher ça, s’il te plaît, tiroir de gauche au milieu, dans mon bureau, on dirait une calculette…
Le sbire fronça les sourcils sans bouger, et le Belge s’emporta aussitôt :
— Vas-y, quoi, on est en affaires avec lui, il est pas armé, arrête de te prendre la tête, va me chercher ça, bordel !

L’homme me dévisagea, puis se mit en mouvement et grimpa les escaliers comme un chat, mais je ne le regardais déjà plus pour dire au Belge d’un ton détaché :
— C’est sur une carte de fidélité de grand magasin, la bande magnétique a été reprogrammée par un autre ami…
— C’est génial, ça, fais voir ?
Je pris la lame et me jetai sur lui d’un trait, le Puma, en l’attrapant par l’épaule avant qu’il ne puisse réagir, et lui pris le cou par derrière dans l’étau de mon bras, il eut un grognement étranglé et je lui mis la lame triangulaire sous les yeux en lui murmurant à l’oreille d’une voix ferme :
— Pas un geste, pas un cri ou je te saigne comme un goret et personne pourra te sauver !
Je lui fis une légère entaille sous l’oreille et le sentis frémir de tout son corps, puis je le traînai en marche arrière vers le fond de la pièce.

Quand l’homme de main descendit, je retins ma respiration, et murmurai à voix presque inaudible :
— Ccchhhhht…
L’homme ne nous vit pas tout de suite. Quand il nous aperçut, il dégaina aussitôt et fit volte-face.
Il y eut alors un fracas immense et la baie vitrée explosa, l’homme tituba, la poitrine et le côté opposé de la cage thoracique rougis de sang. Stupéfait, il s’effondra.

Le Belge comprit alors qu’il avait affaire à bien pire pour lui que la vengeance d’un mec malin dont on a tué la femme.
Les hommes en noir du GIPN se déployèrent dans le séjour, dans les débris de verre, et fondirent sur moi sans bruit pour m’arracher le Belge des mains et le menotter avec une relative douceur, et il y eut alors dans cette rue calme de Verrières-le-Buisson un festival de gyrophares.
Mais il me fallut attendre un petit moment avant que mes tensions nerveuse, artérielle, mentale veuillent bien s’apaiser un peu.


Auteur : Riga
Lisez la fin

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire