Un grand flash éblouissant. J’émerge du néant.
Quelque chose de lourd dans ma main… Pas besoin d’ouvrir les yeux : je
sais que c’est un révolver. Un regard me le confirme alors que je le
dépose dans le tiroir de mon bureau : Smith & Wesson 637 à canon
court. Calibre 38. Je referme le tiroir, submergé par une tristesse
infinie. « Pourquoi ? Mais pourquoi donc ? »
*****
« Merde… Que vais-je devenir ? Sans elle, ma vie est foutue ! »
Elle passe la porte telle une furie ; le bruit de ses talons qui claquent sur le trottoir décroît dans le lointain.
— C’est bien parce que tu n’as pas pu trouver mieux que ce poste d’étusseur. Ah, ce n’est pas moi qui aurais pu me mettre en ménage avec un mec bien, du genre cantonnier ou remplisseur de fosse septique, comme ma copine Juliette… Tu n’es qu’un minable, et tu le resteras jusqu’à ta naissance ! J’en ai marre de toi ; je me tire. Adieu, et ne cherche pas à me revoir !
— Écoute-moi, ma chérie, je suis tellement fatigué avec mon job, toutes ces connaissances que je dois assimiler chaque jour…
— Ce ne sont pas mes affaires : tu gagnes trop, c’est tout. Débrouille-toi ! Moi, j’ai déjà trop de choses à m’occuper. Tu pourrais quand même me donner un coup de main… Tiens, au moins aller chercher la poubelle que les cantonniers ont remplie et qui attend depuis deux jours devant la maison !
— Je sais, ma chérie ; mon compte est créditeur de vingt-deux mille unités et mon banquier s’impatiente : il veut absolument qu’il redevienne largement débiteur avant le mois prochain. Je ne sais pas comment faire… Je ne vais quand même pas agresser les gens dans la rue pour les obliger à prendre mon argent, ou carrément braquer ma banque pour vider mon compte !
— Tu me prends pour ton esclave ; je n’ai plus un moment à moi. Regarde tout ce que j’ai à faire dans cette maison : mettre les couverts propres au salit-vaisselle, les mettre à table pour que Monsieur puisse y régurgiter à son aise, tout remettre dans les plats puis dans les casseroles, faire refroidir la nourriture avant de l’emballer pour l’apporter dans les magasins où les caissières n’arrêtent pas de faire gonfler ton compte banc…
— Mais, Claire, ma chérie…
— Je ne supporte plus cette vie ; ah, je ne savais pas ce qui m’attendait lorsque j’ai accepté de venir vivre avec toi !
*****
— Je veux bien tenter le coup, mais je ne te garantis rien : je ne suis pas une fille facile à vivre.
— Dis-moi, Claire, que penserais-tu d’une tentative de vie commune ?
Je viens de lui faire cette proposition alors que je la tiens dans mes bras.
Ma verge est humide. D’où cela provient-il ? Nous sommes tous deux dans un état proche de la béatitude. Je commence à subodorer ce qui va se produire…
Je sens mon sexe ramolli se glisser à l’entrée de son vagin ; là, il prend de plus en plus de vigueur. Une onde de plaisir me submerge alors que j’entends Claire pousser un râle profond et qu’un flot de sperme pénètre ma verge ; à présent, la mignonne petite blonde effectue de langoureux va-et-vient sur mon membre raide, puis elle s’écarte de moi pour se pencher et le prendre en bouche.
Plus elle s’active avec sa langue et ses lèvres, plus il perd de sa rigidité. Lorsqu’il est tout à fait flasque, elle s’en écarte et le considère avec intérêt, puis remonte mon pantalon et en boucle la ceinture. Je sens ses doigts agiles mettre ma chemise en place et en fermer les boutons.
Un langoureux baiser nous unit, puis elle s’écarte de mes lèvres tandis que je la repousse tendrement. C’est d’une voix rauque qu’elle déclare avec un sourire enjôleur :
— Alors, qu’attends-tu ? Tu sais que ça m’excite, un puceau ?
Je suis surpris lorsque Claire me prend la main pour l’enlever de son épaule ; je ne réagis pas.
Nous sommes tous deux à mon domicile, où un éclairage tamisé crée une atmosphère intime propice aux confidences.
L’aveu de cette virginité éveille la curiosité de Claire. « Un homme vierge… Après tout, pourquoi ne pas en profiter ? Même si je dois faire les premiers pas… »
— Vierge, à ton âge ? Incroyable !
— Tu peux me faire confiance, Claire ; je suis un peu comme toi : je ne suis pas un homme facile. Encore moins facile que toi. D’ailleurs, je vais te faire une confidence : je suis encore vierge.
— Je veux bien ; mais attention : bas les pattes ! Je ne suis pas une fille facile.
— Que dirais-tu d’un dernier verre chez moi ?
*****
Arrivé à la pompe, je passe ma carte bancaire dans le lecteur et choisis le montant à me faire créditer ; je m’aperçois que mon compte dépasse largement les dix mille unités : aïe, je vais me faire rappeler à l’ordre par mon banquier ! J’introduis le pistolet dans l’ouverture du réservoir ; un ronronnement se fait entendre et le carburant est aspiré pour être stocké dans une cuve souterraine.
— Ne crains rien : je suis un homme sérieux.
— Tu ne vas quand même pas me faire le coup de la panne, quand même ?
— Désolé, Claire, je vais devoir m’arrêter à une station-service…
En rejoignant nos domiciles, je remarque un problème : la jauge de la voiture indique que le réservoir est plein.
*****
Le maître d’hôtel me glisse discrètement un bon pourboire, puis il me remet un chèque correspondant au montant de l’addition.
— Bon, on prend un apéritif et on y va ?
— Heureusement que ce pauvre profédiant s’est débarrassé de ce concept loufoque en te le transmettant.
— Chacun sait que la flèche du temps est unidirectionnelle : l’effet précède toujours la cause ; il ne peut en être autrement, sinon ce serait le monde à l’envers !
— En effet, totalement aberrant…
— Il a évoqué la constante gyromagnétique, mais son idée la plus loufoque concerne la flèche du temps, qui pourrait être inversée. C’est absurde !
Pendant que je réfléchis, je régurgite avec élégance une gorgée de vin dans mon verre ; comme il est plein, le sommelier se précipite pour le vider dans la bouteille.
— Alors, les constantes cosmologiques ne seraient pas les mêmes que dans notre bon vieil univers ? Lesquelles, par exemple ?
— Oui, Claire, c’est une application de la théorie des cordes à la cosmologie.
— C’est en rapport avec la théorie des branes, n’est-ce pas ?
— Aujourd’hui, pendant le cours de cosmologie, un de mes professants a avancé un concept complètement farfelu selon lequel, parmi une infinité d’univers parallèles, certains d’entre eux ne seraient pas soumis aux mêmes règles que celles qui ont cours dans le nôtre.
Tout en devisant de sujets d’ordre professionnel, nous retirons discrètement de notre bouche avec notre fourchette les aliments que nous régurgitons afin de les disposer dans notre assiette.
Le serveur apporte un plat vide qu’il dispose cérémonieusement sur une table située un peu à l’écart de manière à préserver une certaine intimité ; nous nous y installons.
À cause d’une extrême timidité, je me suis longtemps tenu à l’écart des filles, jusqu’au jour où j’ai fait la connaissance de Claire, une nouvelle collègue qui vient d’être mutée dans mon université. Cette petite blonde au regard faussement candide et aux lèvres pulpeuses m’émeut tellement que je prends sur moi et me fais violence pour l’inviter au restaurant ; à ma grande surprise, elle accepte.
*****
Je travaille comme étusseur ; à ce titre, je suis presque en bas de l’échelle sociale.
Tout à fait en bas, on n’y trouve que des chercheurs réputés, des philosophes ou des artistes renommés. J’ai honte de dire en quoi consiste mon job : seul en chaire devant les dizaines de profédiants assis sur les gradins de l’amphithéâtre, l’étusseur est un réceptacle dans lequel ils déversent les connaissances qu’ils ont acquises au cours de leur vie. Les profédiants désapprennent en instruisant leurs étusseurs pour que leur mémoire trouve le but ultime que nous recherchons tous : la vacuité.
C’est pour cette raison qu’il me tarde d’accéder au statut de profédiant : je pourrai enfin me débarrasser de toutes ces connaissances en les transmettant à mon tour aux étusseurs.
*****
Les années ont passé ; ce soir, maman a sorti de leur boîte les décorations et les place sur les branches du sapin aux aiguilles desséchées. Pendant plusieurs jours, je l’admire pendant qu’il prend de la vigueur et verdit. Et le matin tant attendu arrive : c’est Noël !
Avec frénésie, je rassemble les jouets avec lesquels je me suis amusé tout au long de l’année, les emballe soigneusement dans les papiers colorés déchirés qui prennent forme, et les place sous le sapin pendant que maman recueille la flamme des bougies sur des allumettes au fur et à mesure que les bougies fondues se transforment en bâtonnets de cire.
C’est enfin l’heure tant attendue : celle de me coucher. À peine allongé, je m’endors d’un sommeil profond.
Lorsque je me réveille, le miracle a eu lieu : encore une fois, le Père Noël est passé et a emporté tous les paquets que j’avais emballés la veille !
*****
Jour après jour, ma taille s’amenuise. À présent, je ne peux plus marcher ; je me traîne à quatre pattes : quel bonheur ! Je sais que bientôt je n’arriverai même plus à ramper sur le sol, et qu’enfin je pourrai passer mes journées dans mon berceau.
Mes dents ont disparu dans mes gencives, et je ne peux plus régurgiter des repas normaux. Alors maman me prend sur ses genoux et je fais gonfler ses seins en y soufflant le lait qui remonte dans ma bouche. Comme je ne peux plus aller aux toilettes normalement, on me met des couches sales que je m’empresse de rendre propres.
*****
On me porte de mains en mains. Les lumières sont vives, elles m’éblouissent ; je crie… On m’approche d’une femme dont les jambes écartées dévoilent un sexe sanguinolent ; mes pieds y sont introduits, puis mes jambes. J’entends la femme hurler tandis qu’on pousse sur mon corps et enfin sur ma tête. Sensations d’humidité et de chaleur tandis que je me sens glisser de plus en plus profondément.
Ma progression dans cet univers de douceur s’est arrêtée. Je flotte. Je suis bien…
Auteur : Lioubov
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