Il est cinq heures. Paris s’éveille en ce dimanche
matin. Nous somme en mai. Telle la chanson de Dutronc, je me retrouve
dans les rues de la capitale. Le métro n’a pas encore démarré et je
rentre chez moi à pied : pas assez d’argent pour me payer un taxi. Je
sors d’une boîte de jazz, rue de Rivoli, le Slow Club où officie
Claude Luter. J’y ai passé la nuit, m’abreuvant de ma musique préférée
faute de pouvoir me payer plus d’une consommation… J’en suis sorti seul,
l’endroit n’étant pas fait pour draguer. Heureusement, je n’habite pas
loin : près de la Bastille, dans un appartement que m’a laissé ma mère,
partie finir sa vie sur la Côte d’Azur.
J’ai vingt-cinq ans et je travaille depuis peu dans une grande entreprise de chimie. J’ai été embauché facilement à la fin de mon service militaire – dix-huit mois c’est long – muni de mon diplôme d’ingénieur. Nous sommes en 1965, et il n’y a que 300.000 chômeurs en France ! Je n’ai pas encore touché ma première paye… Je sais, je diverge, mais il faut bien mettre en place la situation.
J’ai vingt-cinq ans et je travaille depuis peu dans une grande entreprise de chimie. J’ai été embauché facilement à la fin de mon service militaire – dix-huit mois c’est long – muni de mon diplôme d’ingénieur. Nous sommes en 1965, et il n’y a que 300.000 chômeurs en France ! Je n’ai pas encore touché ma première paye… Je sais, je diverge, mais il faut bien mettre en place la situation.
Je longe les quais de la Seine lorsque j’atteins le
pont de Sully, ayant l’intention de prendre le boulevard Henri IV pour
rejoindre la Bastille. C’est à ce moment précis que je distingue une
silhouette frêle se pencher sur la rambarde du pont. J’ai du mal à
déterminer si c’est un homme ou une femme ; mais ce que je ressens,
c’est que cette personne est animée de mauvaises intentions vis-à-vis
d’elle-même. Autrement dit, cela ressemble étonnamment à une tentative
de suicide.
Pendant mon service militaire, j’étais officier ; on
m’a appris à gérer des situations difficiles et à rester calme dans des
approches similaires pour ne pas effrayer les personnes en danger. Je
m’approche lentement et découvre une jeune femme – je lui donne vingt
ans au plus – en pleurs, prête à l’irréparable. Elle est vêtue d’une
courte robe de cotonnade sans manches, de couleur bleu-ciel. J’ai du mal
à distinguer ses formes dans l’aube naissante, tant elle est courbée
sur la barrière, prête à se jeter à l’eau. Je la sens néanmoins
hésitante, comme si elle attendait une aide extérieure avant de franchir
le pas.
— Mademoiselle ! Ne faites pas ça ! Attendez !
— Laissez-moi, je veux mourir !
—
Pourquoi voulez-vous faire ça ? Vous êtes jeune, vous avez peut-être de
la famille. Vous avez pensé au chagrin que vous allez leur faire ?
— Personne ne m’aime. Mon petit ami vient de me larguer. Il m’a dit que j’étais moche et qu’il ne pouvait pas me supporter.
— Et c’est pour ça que vous voulez quitter cette terre ?
— Oui ; je n’ai plus rien à faire ici. Allez-vous-en !
— Regardez-moi. Je suis sûr qu’il n’en est rien et que vous êtes jolie.
— Non ! Vous dites juste ça pour me faire plaisir…
— Pourquoi ? Vous n’aimez pas qu’on vous le dise ?
— Si, mais je sais que ce n’est pas vrai : les garçons disent ça uniquement pour coucher avec moi, et après ils me larguent.
—
Moi, je n’ai rien dit. Je ne vous connais pas. Je veux juste vous voir ;
mais pour ça, il faut accepter de vous relever. Vous vous appelez
comment ?
À ces mots, elle se relève, et dans un murmure elle lâche :
— Aurore. Je m’appelle Aurore.
— C’est un très joli prénom, et puis ça va bien avec le jour naissant ; vous ne croyez pas ? C’est même un signe.
— Un signe ? Pourquoi ?
—
Parce que c’est peut-être le début d’une nouvelle vie pour vous, et que
mon intervention est là juste pour vous empêcher de faire le pire. Moi,
c’est Robert, Bob pour les intimes.
Aurore est entièrement
redressée et je peux la regarder tout à loisir. Son visage baigné de
larmes, le rimmel coulant de ses yeux la rendent vulnérable. Je
distingue mieux sa silhouette, aux formes pleines et bien
proportionnées, mise en valeur par sa robe boutonnée toute simple, un
peu chiffonnée, serrée à la taille par une large ceinture. Les escarpins
qui chaussent ses pieds la font paraître petite. Ce n’est pas une
beauté mais elle est belle, au sens sublime du terme. Malgré sa
tristesse, c’est bizarre, je ne peux que me sentir attiré par elle.
— Quel est le crétin qui vous a dit que vous étiez moche ?
— Mon dernier copain.
— C’est un imbécile et un goujat ! dis-je d’un ton péremptoire. Il ne vous mérite pas.
— Mais je l’aime ! Je ne peux pas vivre sans lui…
—
Alors c’est que vous aimez souffrir. Regardez autour de vous : le ciel
est dégagé, il va faire un temps magnifique aujourd’hui, et je suis là,
juste à point pour vous empêcher de commettre l’irréparable. Vous avez
de la famille sur Paris ?
— Non. J’ai débarqué hier soir à la gare
Montparnasse car je voulais mettre fin à ma vie de merde en me jetant
d’un pont sur la Seine.
— C’est romantique…
— Vous vous moquez de moi ? dit-elle dans un pauvre sourire.
— Non : je veux vous redonner goût à la vie. Vous voulez prendre un café ? Il y a un bar pas loin.
— J’ai froid…
— Tenez, prenez ma veste et allons-y !
—
Je préférerais aller chez vous. Je ne vous connais pas mais, c’est
inexplicable, je sens que je peux vous faire confiance. Et puis je ne
sais pas où aller.
C’est à ce moment précis qu’elle se hausse sur
la pointe de ses pieds et me fait un simple bisou sur la joue. Ce geste
a le don de m’électriser, tant il est spontané et à l‘encontre de ce
que l’on peut attendre d’une jeune fille dans une telle détresse.
— Vous piquez !
— Oui. Je sors d’une boîte de jazz et je rentre chez moi pour me coucher.
— C’est loin ?
— Non, un bon quart d’heure de marche.
— Allons-y alors ! C’est où ?
Je
lui montre la colonne de Juillet au bout du boulevard Henri IV et,
prenant l’initiative, elle agrippe mon bras derechef et m’entraîne à
vive allure vers la Place de la Bastille.
Je suis surpris par son énergie revenue et lui en fais part. Elle a alors une curieuse réaction :
—
C’est peut-être parce que je crois aux contes de fée et que tu es le
bon génie qui apparaît au bon moment. Oh, désolée ! Je peux te tutoyer ?
— Bien sûr, et j’en ferai autant. Mais je ne suis pas ce que tu crois : je suis un homme ordinaire, dans un monde ordinaire.
—
Non. Il émane de toi une gentillesse et un besoin d’amour qui font que
je suis réconfortée par ta présence. Tu as une petite amie ?
— Non : je suis trop timide, et je n’ose pas faire le premier pas de peur de me faire jeter.
— Pourtant tu m’as bien abordée tout à l’heure ?
— Oui, mais c’était pour te sauver la vie et ne pas te laisser aller à l’irréparable.
—
Tu l’as fait remarquablement bien, simplement, et tu m’as redonné le
goût de vivre. Je peux te dire quelque chose qui va peut-être te choquer
?
— Oui, je suis libre d’esprit ; tu peux y aller.
— J’ai une forte envie de faire l’amour, là, tout de suite et avec toi.
— Surprenant, en effet ! Je ne sais quoi répondre…
— Je ne te plais pas ?
— Si, mais c’est tellement soudain qu’il faut que je réalise la chance que j’ai de t’avoir rencontrée.
— Prends-moi dans tes bras et serre-moi fort ! Fais-moi vibrer et oublier ce que j’ai vécu avant !
Elle
me pousse alors vers une porte cochère, appuie sur le bouton d’entrée,
et nous nous retrouvons dans une courette dans laquelle, vu l’heure, il
ne règne aucun bruit.
Elle s’adosse au mur près d’un escalier. Je
la prends dans mes bras et mes mains entament l’exploration de son
corps. Celui-ci n’est que vibrations, tant son envie de faire l’amour
est intense. Dans la pénombre, je discerne son visage sublimé par
l’émotion. J’approche mes lèvres des siennes et lui baise doucement sa
bouche qui n’attend que ça. Ma langue s’insinue lentement pour rejoindre
la sienne dans un tourbillon passionné. Je presse son bassin contre le
mien pour lui faire sentir le désir qui monte en moi, inexorable. Cette
fille me subjugue totalement alors qu’il y a moins d’une heure je ne la
connaissais pas. Je suis dans un autre monde et je crois rêver. Je
libère sa bouche de la mienne et je la regarde tendrement ; son regard
en dit long sur ses intentions : elle attend de moi des initiatives
osées.
Mes mains qui pressaient ses fesses remontent pour
caresser ses seins libres sous sa robe. Elle n’a pas besoin de
soutien-gorge tant ils sont fermes. Je délire à leur contact. Je veux
sentir sa peau nue. Il n’y a qu’un seul moyen : déboutonner sa robe et
rabattre le haut sur ses épaules. Elle m’aide dans mon entreprise en se
tortillant sur place. Elle en fait tant que c’est l’ensemble tout entier
qui tombe à ses pieds. Elle n’est plus qu’en petite culotte, à ma
merci. Nous risquons à tout moment de nous faire surprendre par un
habitant de l’immeuble qui partirait à son travail, bien qu’un dimanche
matin… mais nous n’en avons cure : l’insouciance de la jeunesse et le
désir qui nous anime sont trop forts. Ses mains débouclent ma ceinture
et dégrafent mon pantalon, fébrilement. Elle me veut, je la veux…
Mon
pantalon est à mes pieds, mon slip vient le rejoindre. Mon sexe se
dresse, arrogant. Elle le caresse lentement des deux mains pour le faire
durcir encore et encore. Je me baisse légèrement pour venir téter ses
seins nus alternativement, ma bouche passant de l’un à l’autre. Sous ces
actions, les pointes s’érigent comme pour me narguer. Elle gémit, ses
yeux se révulsent, sa peau frémit, elle est au bord de la jouissance.
Son corps se donne, sans concession, comme pour revivre après les
derniers instants dramatiques que nous avons vécus ensemble. Je la fais
tourner sur elle-même, la pousse vers l’escalier proche, puis pencher en
avant afin qu’elle s’agenouille sur les marches.
Je baisse sa
culotte sur ses genoux, j’écarte ses fesses. Son anus et son abricot se
révèlent à moi pour la première fois. Mon gland vient caresser sa raie
culière puis descend vers sa fente ruisselante. Je tiens mon vit bien
droit, me baisse légèrement pour faciliter l’intromission, et d’une
poussée rectiligne je fais pénétrer mon sexe lentement jusqu’à la garde.
Aurore pousse un cri suite à la soudaineté de mon attaque. En me
penchant sur le côté, je vois qu’elle se mord les lèvres pour ne pas
hurler le plaisir qu’elle ressent, et qui n’est manifestement pas
simulé.
Je me penche en avant pour saisir ses seins et triturer
les pointes en les étirant. Je commence alors un long travail de
pénétration, faisant ressortir entièrement ma bite pour réinvestir
immédiatement sa chatte dans d’inexorables poussées. Son vagin trempé
est bouillant. Je la sens contracter ses muscles internes pour mieux
m’enserrer. Je ne vais pas tenir très longtemps à ce rythme, et je dois
finir car elle risque de ne plus pouvoir tenir sans hurler sa joie et
ameuter tout l’immeuble !
J’accélère la cadence, et dans une
ultime pénétration j’éjacule au fond de sa matrice tout le sperme
accumulé depuis des jours. L’orgasme final est simultané, le sien se
manifestant par le cri étouffé qu’elle contient et les soubresauts
ultimes de son corps. Je m’écroule sur elle, anéanti.
C’est à ce
moment que je me rends compte que, dans le feu de l’action, je n’ai pas
enfilé de préservatif ; la pilule n’existait pas à cette époque, et
Aurore est peut-être dans une période fertile…
Au bout de
quelques minutes, je me relève et aide Aurore à en faire de même. Elle
est nue devant moi, sublime dans l’aube naissante. Une photo prise à cet
instant nous montrerait, elle avec sa culotte et sa robe à ses pieds,
moi avec mon pantalon et mon slip entravant mes jambes. Rien de
romantique dans cette image qui, de nos jours, pourrait être un selfie…
Je la serre dans mes bras ; elle abandonne sa tête contre mon épaule et me chuchote :
—
Merci… Merci de m’avoir fait jouir comme tu l’as fait et ainsi
m’apaiser. La tension que j’avais en moi est retombée. Tu m’as fait
redevenir femme ; je vois maintenant la vie différemment.
Je prends sa tête dans mes mains et je la regarde tendrement.
—
Tu es belle comme ça, nue devant moi. Quand je pense qu’à quelques
minutes près nous n’aurions pu vivre cet instant ! Toi au fond de l’eau
dans un monde que tu croyais meilleur, et moi poursuivant mon chemin.
C’est le destin qui nous réunit. Faisons en sorte d’en profiter. Tu veux
venir chez moi pour passer ce dimanche ?
— Oui, j’ai trop envie que ces instants magiques se poursuivent encore. Toi aussi tu es beau, drapé dans ta timidité…
—
Je crois que nous ferions bien de nous rhabiller avant que quelqu’un
n’arrive. Une question : nous n’avons pris aucune précaution en faisant
l’amour. Est-ce un problème ?
— Non, je vais avoir mes règles dans deux jours ; c’est la bonne période, tu n’as pas à t’inquiéter.
C’est
main dans la main que nous rejoignons mon appartement boulevard Richard
Lenoir. Malgré notre fatigue due à une nuit sans sommeil et aux
péripéties qui l’ont accompagnée, nous avons refait plusieurs fois
l’amour dans une communion totale. Nous avons beaucoup discuté aussi,
jusqu’au moment de notre séparation le soir même.
Aurore a acheté
un billet pour rejoindre sa Bretagne qu’elle croyait avoir quittée à
jamais. Sur le quai de la gare Montparnasse, nous nous sommes juré de
nous écrire tous les jours. C’est ce que nous avons fait pendant les six
mois qui furent ponctués par les allers-retours mensuels que
j’effectuais pour la rejoindre. Elle prit la décision de venir
s’installer avec moi définitivement sur Paris, car nous avions tellement
faim l’un de l’autre que ces séparations devenaient très difficiles à
supporter. Notre entente sexuelle était parfaite. Nous jouissions
parfaitement de nos corps, attentifs au plaisir de l’autre. Les
précautions rudimentaires que nous prenions firent qu’au bout de deux
mois de vie commune Aurore se retrouva enceinte. J’accueillis avec joie
cette nouvelle et en profitai pour la demander en mariage.
C’était
il y a cinquante ans. J’ai soixante-quinze ans, Aurore en a
soixante-dix. Nous avons trois enfants et huit petits-enfants. Nous
sommes toujours aussi amoureux l’un de l’autre et, même si j’ai de plus
en plus de mal à avoir des érections durables, c’est toujours un vrai
bonheur quand nous faisons l’amour. Aurore me dit souvent que c’est même
un plaisir qui croit de jour en jour…
Je me demande
parfois ce qu’aurait pu être ma vie si, un jour de mai, je n’étais pas
allé dans une boîte de jazz écouter Claude Luter et, faute d’argent,
avoir été obligé de rentrer à pied chez moi…
That is the question !
That is the question !
Auteur : Imaxparis
Avril 2015
Avril 2015
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