jeudi 30 juillet 2015

[Poésie] Une vie

La cour d’école et ses murets de pierre ;
Huit ans à peine, si petits mais déjà grands,
Toujours fourrés ensemble, les deux compères
Découvrent, impatients, la vie et ses tourments.

Nos deux petits bambins sont chargés d’hormones.
Défis, Cap’ ou pas cap’, Action ou vérité.
L’un dit à l’autre : « Si tu veux être un homme,
Ce mur, cette falaise, tu vas la grimper. »

Ni une, ni deux ; sous des regards complices,
L’autre répond oui et grimpe l’Annapurna
Jusqu’à l’arrivée d’une prise trop lisse ;
Issue certaine : que croyez-vous qu’il arriva ?

Pleurant, adossé au tronc d’un tilleul,
La jambe en vrac, moral en berne,
Au lieu de dire des balivernes
J’aurais mieux fait de fermer ma gueule !

Dix-huit ans sonnent, on devient responsable ;
Finis les petits jeux, les ballons, les bacs à sable…
Dix ans plus tard, malgré des efforts fugaces,
Leur bêtise est d’une constance tenace.

Au cœur de la soirée, l’ambiance bat son plein.
L’un chuchote à l’autre avec un air taquin :
« Tu vois la morue, avec son décolleté ?
Si tu es un homme, va falloir la lever ! »

Ignorant ma timidité maladive,
Je m’approche subrepticement de ma proie.
« Petite, ça te dit de sortir avec moi ? »
Loin de dire oui, elle prend l’alternative.

Sans dire un mot, je prends la gifle
Suivie de près par une mornifle.
« Je ne supporte pas les fiers-à-bras :
La prochaine fois, tu te tairas ! »

J’avance dans ma vie, trente ans sont révolus ;
Fier de ma force, je mate les petits culs.
Oubliés, les peurs et échecs du passé ;
Crois-moi, petite, avec moi tu vas morfler !

Accoudé au comptoir, un cocktail à la main,
J’affiche mes signes extérieurs de richesse.
Vénale et conquise, je fais le malin :
Trois orgasmes à l’heure, telle est ma promesse.

L’aiguille tourne, et il est temps ma belle
De mettre en pratique chaque position ;
Cesse de tergiverser, ne fais pas celle
Qui fait croire que oui avant de dire non.

Pendant vingt minutes, j’ai tout tenté
Pour retenir mon éjaculation.
Mes mots n’ont pas été suivis d’action ;
Elle s’enfuit avant de le regretter.

Cinquante années s’affichent à mon compteur ;
Hier, je pensais faire partie des sages :
J’ai tout tenté pour ignorer le présage,
Le démon de midi m’a croisé tout à l’heure.

Elle est fraîche, ses courbes ont la fermeté
De ma jeunesse perdue. J’ai de la chance ;
La belle blonde est soumise d’avance :
Elle fantasme sur quelqu’un d’expérimenté.

Ma Carte Bleue a remplacé les tablettes
Qui ornaient mon ventre désormais sans abdos.
Je divague, et pendant qu’elle caquette
Je constate le réveil de ma libido.

Seul dans mes pensées, je ne comprends pas
Mon dard dormant. C’est la première fois
Qu’il gît ainsi ; aucun signe de vie
Et, encore une fois, j’en ai trop dit.

Auteur : Ulrich

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