CHAPITRE 6 : Monstre
Me
voilà dans l’impasse. Je suis à court d’idées. Émilie ne s’est pas
présentée à son appartement dernièrement, ni à son travail. Personne ne
peut me renseigner sur l’endroit où elle peut se trouver. Chantal
affirme qu’elle ne sait rien de plus, mais cette voix dans ma tête me
répète qu’elle ment. Je n’ai rien qui puisse me pousser à croire cela,
mais je ne peux chasser cette idée de ma tête. Et si c’était vrai ? Mais
alors, pourquoi ? Je ne vois pas pour quelles raisons elle me
mentirait. À moins que… Oui ! Cela pourrait l’expliquer. Chantal tient à
me servir de pute. Elle veut peut-être éviter la concurrence en
m’éloignant de ma nymphette. En effet, elle m’a bien affirmé plusieurs
fois qu’elle avait absolument besoin d’argent. Si jamais c’est vrai et
qu’elle a osé me mentir…
Je suis vautré dans mon fauteuil à me
frotter le front en ressassant les derniers événements. Diable, comme ma
vie est devenue un véritable chaos, à l’image de mon appartement que je
n’ai toujours pas pris la peine de nettoyer ! Et dire qu’avant, je
n’aurais jamais supporté le moindre désordre... Dès qu’il y avait le
moindre objet hors de sa place, j’avais un besoin irrépressible de le
ranger : c’était une façon de me convaincre que j’avais le contrôle. Et
cela marchait bien, vu que j’excellais dans les affaires. Je contrôlais
le moindre engrenage. Rien ne m’échappait. J’étais le roi, et je régnais
d’une main de fer. Ma vie sentimentale, en revanche, c’était le néant :
trop d’éléments imprévisibles à gérer ! À part les quelques catins que
j’ai eu l’occasion de croiser et les prostituées que je me suis tapées
quand la pression se faisait trop forte et que j’avais besoin de me
défouler, je me suis tenu à l’écart de la gent féminine. Peur de
m’attacher.
Et aujourd’hui tout m’échappe, et tout ça à cause
d’une seule femme ! Comment ai-je pu me laisser entraîner sur cette voie
? Elle m’a tourné la tête. Elle m’a comme ensorcelé. Ses yeux me
hantent chaque instant. Que je hais être sous l’emprise d’une femme !
Elle me tient dans sa main et me dirige comme la marionnettiste qu’elle
est. Tout m’attire vers elle, mais impossible de savoir où se diriger.
Quelle cruelle fatalité ! C’est comme si Émilie se moquait de moi. « J’espère que tu t’amuses bien, petite garce, parce que quand je t’aurai retrouvée, c’est moi qui vais m’amuser ! »
Faut-il encore que je la retrouve... J’ai de moins en moins d’espoirs.
Hier, j’ai passé tout l’après-midi à surveiller l’entrée de son
immeuble, après mon repas chez Chantal. J’ai aussi retenté ma chance au
téléphone, mais rien, pas de signe de vie. Bon, je compose une dernière
fois son numéro sans grand espoir.
Mais soudain je fais un bon
sur mon fauteuil : la sonnerie de son téléphone retentit en plein dans
mon salon. Il est ici ! Je me précipite et commence à fouiller dans le
bazar. Je balance ce qui me gêne à l’autre bout de la pièce, je bouscule
le reste. Merde, difficile de le retrouver dans ce bordel. J’essaie de
me calmer et de me concentrer sur le son pour déterminer sa provenance.
Vers le canapé ! Je fouille rapidement et finis par jeter les cousins.
Soudain il m’apparaît.
Je prends ce graal dans ma main. C’est un
smartphone dernier cri d’une marque bien connue. Mon premier réflexe
après l’avoir déverrouillé est de me précipiter sur le dossier des
photos afin de découvrir, je l’espère, des images inédites de ma belle.
Il y a bien quelques photos, mais elle en est rarement le sujet. Je peux
reconnaître sur plusieurs d’entre elles son fiancé. Sur d’autres,
plusieurs de ses amies apparaissent. Enfin, certaines photos montrent
des paysages qui semblent avoir été pris à l’étranger. Peut-être
aurai-je plus de chance avec les vidéos.
Sans trop y croire,
j’ouvre le dossier et découvre une unique vidéo que j’enclenche tout de
suite. Émilie apparaît debout, droite comme un i, aussi magnifique qu’à
son habitude. Hum, sa jolie petite frimousse, ses formes appétissantes,
et bien évidemment ses yeux envoûtants... Elle a l’air cependant
intimidée : un sourire nerveux crispe son visage, et son regard est
légèrement inquiet. J’ai l’impression d’avoir affaire à une autre
personne. Elle semble encore plus désirable ainsi. Absorbé par la vision
de la belle, je n’ai pas fait tout de suite attention au décor. Je
reconnais ma vitre derrière elle, et un coin de ma télévision. C’est mon
appartement ! Cela confirme donc qu’elle est bien passée ici. Mon cœur
s’emballe. C’est même ma chambre. Et selon l’angle et le bout de matelas
que je découvre en premier plan, je devais être bien installé sur mon
lit.
Émilie commence à remuer langoureusement sur une musique
dont je n’entends aucune note mais dont j’imagine la mélodie, à tel
point qu’elle semble résonner dans ma tête. Elle ondule gracieusement,
et l’excitation me gagne immédiatement. Ses mains glissent sur ce corps
de rêve, soulignant ses courbes puis remontent sur son cou pour
s’insinuer dans sa cascade capillaire. Plus sa danse captivante se
poursuit, plus elle semble se détendre. Une lueur perverse vient de
s’allumer dans son regard et ses gestes se font plus provocants. Je
retrouve l’Émilie des vidéos et celle que Chantal et son patron m’ont
décrite : la croqueuse d’hommes. Je suis heureux de retrouver cette
Émilie qui m’obsède et m’excite tant.
Les choses évoluent
puisqu’elle commence à défaire son chemisier noir, bouton après bouton,
me laissant découvrir un joli soutien-gorge à balconnets qui met ses
seins en valeur. Je suis fasciné par le spectacle. Son vêtement finit
par atteindre le sol tandis qu’elle poursuit sa danse hypnotique. Elle
se retourne et tente de m’ensorceler en remuant son séant ; et ça marche
! Les mains glissent sur ses cuisses et remontent doucement sa jupe, me
laissant découvrir la naissance de bas autofixants. Encore plus haut,
et c’est maintenant un tanga noir qui s’offre à ma vue. Peu après, sa
jupe finit par rejoindre le chemisier au sol.
Émilie fixe
l’écran, visiblement satisfaite de l’état que je devais afficher. La
voilà maintenant à quatre pattes, qui avance avec une allure féline.
Elle monte sur mon lit et passe au-dessus de mes jambes. L’image montre
maintenant le bas de mon corps. J’avais un jogging gris déformé par une
bosse au niveau de l’entrejambe, bosse qui semble attirer le regard
vorace de ma garce préférée. Celle-ci frotte ses joues sur cette fameuse
bosse, telle une chatte affectueuse, puis ses petits doigts crochus
tirent sur l’élastique de mon pantalon pour libérer mon sexe. Elle
s’humecte les lèvres et le gobe avidement.
C’est la deuxième fois
que je peux la voir me sucer ; encore une fois je suis déçu de ne pas
me rappeler la moindre sensation, mais dans ma main son smartphone
capture toute la scène. Mon autre main valide tente une approche vers
son soutien-gorge, mais Émilie la claque en arborant un sourire
malicieux. Il semble que je devais me laisser faire. Elle reprend mon
pieu en bouche et l’astique minutieusement. À ces images, nul doute que
les sensations devaient être jouissives...
Un flash m’embrume
l’esprit par intermittence, le même que j’ai eu chez Chantal la veille :
je me vois prendre Émilie en levrette. Seraient-ce des souvenirs qui
remontent ?
Ma nymphette semble avoir terminé ses investigations
buccales. Un instant debout sur le lit, me dominant de toute sa hauteur,
elle se sépare de ses derniers vêtements qu’elle jette plus loin. Puis
la voilà qui me soustrait mon jogging. Elle s’installe à califourchon
sur moi et, avec sa main, dirige mon sexe vers le sien. Elle s’est
empalée ! Elle oscille maintenant lentement sur ma queue. Un plaisir
intense inonde son visage. Elle aime visiblement me sentir dans son
ventre. Les yeux fermés, elle se mord les lèvres. Ses mains surfent sur
les vagues de son corps. Elle semble savourer avec une infinie
délicatesse mon membre qui lui perfore le ventre.
Ma main libre
retente une attaque. Elle se pose sur son ventre et remonte vers sa
provocante poitrine. Mais elle est arrêtée d’une nouvelle claque.
J’insiste et empoigne son sein gauche malgré deux nouvelles petites
tapes. La quiétude du visage d’Émilie disparaît et elle me lance un
regard déçu. Elle repousse ma main. Je crois ressentir la frustration
qui a dû m’animer ce jour-là. Je m’en souviens presque. Je voulais la
toucher, sentir la douce peau sous mes doigts, prendre complètement
possession de son corps, et elle s’obstinait à me le refuser après tout
ce temps passé à lui courir après. Je la voulais à moi, et elle refusait
de se donner complètement.
Nouvelle assaut de ma main sur la
vidéo. Émilie voit l’attaque arriver et se prépare à repousser
l’offensive. Mais je pare sa contre-attaque et l’attrape au poignet. En
la tirant assez brusquement, je la fais basculer sur mon côté. Là,
l’image bouge tellement que je n’arrive pas à distinguer ce qu’il se
passe. Elle finit finalement par se fixer sur le plafond mais subit
quelques tremblements traduisant l’activité sur le lit. Des soubresauts
plus importants agitent parfois l’image. Qu’est-il en train de se passer
? Mon excitation grandit à ce suspens. Après plusieurs minutes environ,
une grosse main plonge vers l’écran.
L’image se rétablit et me
permet de découvrir une nouvelle scène. Émilie est à quatre pattes sur
le lit et je suis en train de la prendre en levrette, comme dans le
flash que j’ai eu un peu plus tôt. Était-ce vraiment un souvenir, ou un
souhait qui s’est réalisé ? Je ne me montre pas tendre avec ma garce, ce
qui a l’air de la faire hurler. J’étais sûrement content d’avoir repris
le contrôle de la situation. Je vois ma queue coulisser dans le con de
ma nymphette dont le corps réagit à mes assauts par des tressaillements
saccadés. Le spectacle est fascinant et me fait chaud au cœur. Je
l’avais soumise ! Elle a été mienne !
Plusieurs minutes à la
prendre ainsi ont apparemment raison de moi. Je semble me crisper. Je
dois être en train de jouir. Je me retire du con d’Émilie. Un filet de
sperme suit mon gland, confirmant mon orgasme. La belle s’écroule sur le
lit, abattue. La vidéo la filme encore reprendre son souffle pendant
quelques secondes puis se coupe.
Mon cœur se creuse. Je veux
cette femme. Je veux revivre cette scène et m’en souvenir complètement.
Je fais un effort monstre et fouille dans ma mémoire afin de me rappeler
plus de détails, mais rien n’y fait ! Pourquoi diable mon cerveau me
refuse-t-il l’accès à mes souvenirs ? C’est injuste ! La frustration me
gagne, puis la colère. Et ce mal de crâne qui fait son grand retour...
Voyons
voir les derniers numéros composés. J’en apprendrai peut-être un peu
plus. Beaucoup de conversations courtes à part ce numéro. Émilie a
conversé pendant deux heures avec cette personne la veille de mon
réveil. « Mais attends : je reconnais ce numéro ! » Je sors mon
portable pour vérifier. Oui, c’est ça : c’est le numéro de Chantal. Elle
m’a pourtant juré qu’elle ne parlait pas beaucoup avec Émilie, et là je
m’aperçois qu’elles ont discuté ensemble au téléphone pendant deux
heures. Pour des collègues qui n’évoquent pas leur vie privée, je trouve
ça louche. Par contre, pour des amies intimes, ça me paraît plus
logique. Chantal ment : la voix avait raison. Il ne me reste plus qu’à
savoir de quoi elles ont discuté. Je m’en vais de ce pas chez Chantal.
J’atteins
mon véhicule et démarre à fond sans prendre la peine de m’attacher. Je
bous de colère : j’ai la preuve que Chantal m’a menti. Elle m’a sûrement
caché une information capitale qui expliquerait la disparition de ma
nymphette. Je grille un feu rouge et traverse un carrefour à toute
vitesse. J’entends le klaxon d’une voiture qui a été obligée de freiner ;
je ne m’en préoccupe pas. Tout ce que je veux, c’est des réponses.
Chantal a intérêt à me les donner toutes. Il me faut quelques minutes
pour atteindre son appartement et tambouriner à sa porte. Elle m’ouvre
avec un air incompréhensif. J’entre avant même son invitation. Elle
referme derrière moi.
— Qu’est-ce qu’il te prend, bon sang, de venir frapper comme un dingue à cette heure-ci ? s’énerve-t-elle.
Je me retourne vers elle, le regard noir. Son visage blêmit. Elle a un mouvement de recul.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? reprend-elle, inquiète.
— Émilie ! Je veux que tu me dises tout ce que tu sais sur elle.
— Mais je t’ai déjà tout dit…
De rage, je renverse une lampe sur pied. Chantal pousse un petit cri surpris.
—
Ne me mens pas, dis-je avec un semblant de calme. Je sais que tu as eu
bien plus d’échanges avec Émilie que ce que tu as prétendu.
— Nous… hésite-t-elle, nous ne sommes que de simples collègues. Je ne sais pas grand-chose d’elle…
J’attrape
un vase et le balance contre le mur. Les éclats volent dans tous les
sens. Je ne me contrôle plus. Décidément, elle n’a pas encore compris
que c’est dans son intérêt de coopérer.
— Arrête ça, supplie-t-elle, les larmes aux yeux.
—
Voilà sur quoi j’ai mis la main, déclaré-je en sortant le smartphone
d’Émilie de ma poche. Et surprise : je découvre que tu lui as parlé
pendant deux heures il y a quelques jours. Pour une simple collègue, je
trouve cela quand même curieux, pas toi ? Dis-moi où est Émilie.
— Je n’en sais rien, je te jure !
— Tu mens ! hurlé-je.
Chantal
panique et tente de fuir, mais je suis prompt à réagir. Je l’attrape.
Elle se débat. Des chaises sont renversées. Elle atterrit sur son
canapé.
— Pourquoi te mets-tu en travers de mon chemin ? Pourquoi refuses-tu de me laisser la retrouver ?
—
Pitié, arrête ! Je vais tout t’expliquer, pleure-t-elle. Oui j’ai bien
parlé avec Émilie pendant deux heures la dernière fois. Je jure que
c’était inhabituel. D’ailleurs tu peux vérifier, il n’y a pas d’autres
conversations enregistrées. À vrai dire, j’ai été surprise qu’elle
m’appelle, d’autant plus qu’elle était en pleurs quand j’ai décroché.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? ai-je demandé.
— Désolée, a-t-elle commencé. Je ne savais pas qui appeler. Je n’ai personne… je suis seule.
— Qu’est-ce que tu racontes ? Tu as un magnifique fiancé qui t’aime énormément.
Ma réplique a déclenché une série de sanglots. J’ai alors pensé qu’ils venaient de rompre leurs fiançailles ou quelque chose comme ça.
— Non, je ne peux pas lui parler de ça. Ça le tuerait !
— Mais de quoi tu parles ?
— Je ne peux pas m’empêcher… c’est plus fort que moi… Je ne peux en parler à personne. Je les dégoûterais.
— Tu peux me le dire à moi, l’ai-je encouragée avec une voix la plus rassurante possible.
— Je suis un monstre… un monstre vorace. Je ne peux m’en empêcher. Je n’en peux plus. Je l’aime, je te jure, de tout mon cœur, mais pourtant…
— Tu parles de ton fiancé ?
— Oui. Oh, s’il savait, ça le tuerait !
— S’il savait quoi ?
— Tous ces hommes avec qui j’ai couché. Je ne peux pas m’en empêcher. Je les laisse me faire des choses, je les encourage même ! Parfois, je les fais payer. J’ai bien essayé pourtant, je te jure, mais c’est comme une drogue. Je ne me sens vraiment vivante que quand je baise. Dès que je suis excitée je perds la raison. J’ai beau me promettre à chaque fois d’arrêter, mais rien à faire : je cède à mes vices. Et dès que c’est fini, je suis prise de remords, je me dégoûte. Oh mon Dieu, je suis un monstre ! Je n’en peux plus.
— Arrête, tu n’es pas un monstre, ai-je tenté de la raisonner.
J’ai passé les deux heures à chercher à la consoler, à la rassurer. J’avais déjà suspecté que cette fille avait un problème question sexe. Là, elle le reconnaissait elle-même, et elle cherchait de l’aide pour s’en sortir. Elle me faisait pitié, alors j’ai tout fait pour écouter ce qu’elle avait à dire sans la juger. J’ai essayé de lui faire comprendre que ce serait une bonne idée qu’elle suive une thérapie. J’ai mentionné le nom du docteur Gussman, une de mes connaissances, et très bon thérapeute.
— Qu’est-ce qu’il se passe ? ai-je demandé.
— Désolée, a-t-elle commencé. Je ne savais pas qui appeler. Je n’ai personne… je suis seule.
— Qu’est-ce que tu racontes ? Tu as un magnifique fiancé qui t’aime énormément.
Ma réplique a déclenché une série de sanglots. J’ai alors pensé qu’ils venaient de rompre leurs fiançailles ou quelque chose comme ça.
— Non, je ne peux pas lui parler de ça. Ça le tuerait !
— Mais de quoi tu parles ?
— Je ne peux pas m’empêcher… c’est plus fort que moi… Je ne peux en parler à personne. Je les dégoûterais.
— Tu peux me le dire à moi, l’ai-je encouragée avec une voix la plus rassurante possible.
— Je suis un monstre… un monstre vorace. Je ne peux m’en empêcher. Je n’en peux plus. Je l’aime, je te jure, de tout mon cœur, mais pourtant…
— Tu parles de ton fiancé ?
— Oui. Oh, s’il savait, ça le tuerait !
— S’il savait quoi ?
— Tous ces hommes avec qui j’ai couché. Je ne peux pas m’en empêcher. Je les laisse me faire des choses, je les encourage même ! Parfois, je les fais payer. J’ai bien essayé pourtant, je te jure, mais c’est comme une drogue. Je ne me sens vraiment vivante que quand je baise. Dès que je suis excitée je perds la raison. J’ai beau me promettre à chaque fois d’arrêter, mais rien à faire : je cède à mes vices. Et dès que c’est fini, je suis prise de remords, je me dégoûte. Oh mon Dieu, je suis un monstre ! Je n’en peux plus.
— Arrête, tu n’es pas un monstre, ai-je tenté de la raisonner.
J’ai passé les deux heures à chercher à la consoler, à la rassurer. J’avais déjà suspecté que cette fille avait un problème question sexe. Là, elle le reconnaissait elle-même, et elle cherchait de l’aide pour s’en sortir. Elle me faisait pitié, alors j’ai tout fait pour écouter ce qu’elle avait à dire sans la juger. J’ai essayé de lui faire comprendre que ce serait une bonne idée qu’elle suive une thérapie. J’ai mentionné le nom du docteur Gussman, une de mes connaissances, et très bon thérapeute.
Le récit de Chantal réveille quelque chose un
moi, comme un murmure lointain. Mon mal de crâne gagne en puissance.
J’ai des visions, des flashs : le visage d’Émilie en pleurs. Je
m’entends dire « Reste avec moi ! » Aïe, mon crâne me fait de plus en
plus mal. Je recule d’un pas, la main sur les tempes, et percute le
bureau. Le choc renverse la petite lampe, plongeant la pièce dans une
semi-obscurité. Un rire résonne dans ma tête.
— Ça va ? s’inquiète Chantal.
— Continue, m’énervé-je.
Vers
la fin de notre conversation, Émilie m’a avoué qu’elle avait
rendez-vous avec un homme le soir même ; je suppose que c’était toi. Je
lui ai dit qu’elle devait rester chez elle, peut-être prendre quelques
jours de congé pour réfléchir et se changer les idées.
— Oui, tu as raison, m’a-t-elle dit, c’est ce que je devrais faire. Mais tu vois, j’aurais beau me dire tout et n’importe quoi pour ne pas y aller, je sais déjà que je vais y aller et que je vais baiser. Je sens déjà cette boule dans mon ventre. Celle qui me dit que je vais faire quelque chose de mal, que je vais le regretter, mais que je vais prendre beaucoup de plaisir. Mais pourtant, dès que j’aurai fini, je vais me dégoûter au point d’avoir des nausées. Les remords et la culpabilité vont me ronger quand je serai rentrée. Et pour chasser toute cette douleur, je n’aurai qu’une solution : trouver un autre gars avec qui baiser et éprouver du plaisir pendant quelques minutes afin d’oublier.
Elle était en plein dans un cercle vicieux : il fallait qu’elle se sorte de là. Elle a raccroché peu après m’avoir expliqué cela. Quand je ne l’ai pas vue au boulot le lendemain, j’ai espéré qu’elle avait trouvé la force de suivre mes conseils et qu’elle s’était pris quelques jours de congé. Et puis tu es revenu à L’Interlude et tu la cherchais. Oui, j’ai tenté de t’écarter d’elle, mais c’était pour la protéger. Elle ne supportait plus son comportement mais était pour l’instant incapable d’en changer. Alors si je pouvais au moins éloigner un homme d’elle, c’était au moins ça. Tout ce qu’elle voulait, c’était vivre heureuse avec son fiancé.
— Oui, tu as raison, m’a-t-elle dit, c’est ce que je devrais faire. Mais tu vois, j’aurais beau me dire tout et n’importe quoi pour ne pas y aller, je sais déjà que je vais y aller et que je vais baiser. Je sens déjà cette boule dans mon ventre. Celle qui me dit que je vais faire quelque chose de mal, que je vais le regretter, mais que je vais prendre beaucoup de plaisir. Mais pourtant, dès que j’aurai fini, je vais me dégoûter au point d’avoir des nausées. Les remords et la culpabilité vont me ronger quand je serai rentrée. Et pour chasser toute cette douleur, je n’aurai qu’une solution : trouver un autre gars avec qui baiser et éprouver du plaisir pendant quelques minutes afin d’oublier.
Elle était en plein dans un cercle vicieux : il fallait qu’elle se sorte de là. Elle a raccroché peu après m’avoir expliqué cela. Quand je ne l’ai pas vue au boulot le lendemain, j’ai espéré qu’elle avait trouvé la force de suivre mes conseils et qu’elle s’était pris quelques jours de congé. Et puis tu es revenu à L’Interlude et tu la cherchais. Oui, j’ai tenté de t’écarter d’elle, mais c’était pour la protéger. Elle ne supportait plus son comportement mais était pour l’instant incapable d’en changer. Alors si je pouvais au moins éloigner un homme d’elle, c’était au moins ça. Tout ce qu’elle voulait, c’était vivre heureuse avec son fiancé.
«
Non ! Non ! Je refuse d’entendre ça. Elle était à moi. À moi seul ! Où
est-elle, bon sang ? Je la veux ! Ma tête va exploser ! » « Reste
avec moi ! » : je me souviens lui avoir dit ça. C’était après lui avoir
fait l’amour. Ça y est, ça commence à me revenir en mémoire. Je me
souviens du son de sa voix : « Non, je ne peux pas : je suis fiancée. »
Donc Chantal vient de me dire la vérité ? Je la voulais, mais elle a
choisi l’autre ? Je pousse un cri de douleur ; les souvenirs
dégringolent de manière désordonnée dans ma tête, par petits morceaux
tranchants. Je la vois : elle pleure, supplie. Je sens la colère et le
désespoir dans tous mes membres comme ce soir-là. « Je t’aime… » ; « Pas
moi, c’est lui que j’aime ! »
— NON ! crié-je.
Une
avalanche de souvenirs s’abat dans mon crâne. Je revis la soirée en un
éclair. Oh mon Dieu, ça fait mal ! J’ai l’impression qu’on est en train
de m’ouvrir le crâne en deux. Je hurle de douleur et tombe à genoux
devant une Chantal médusée. Elle est paniquée devant la crise qui
m’anime, ne sachant pas quoi faire. Mes mains sur la tête comme pour
extirper mon mal, je revis tout. Puis après un moment interminable, la
douleur retombe. Les mains au sol, le visage penché vers le bas, je
reprends lentement mon souffle.
— Ça va mieux ? s’inquiète Chantal. Que s’est-il passé ?
Un
rire guttural résonne dans la pièce : le mien. Je me moque ! Tout ce
temps à la rechercher pour rien... Comme c’est comique ! Elle ne voulait
pas de moi, c’était aussi simple que ça. Maintenant, je me souviens de
tout. Je comprends mieux pourquoi j’avais oublié : je n’ai pas supporté.
Émilie se prenait pour un monstre ? Pff, elle n’avait aucune idée de ce
qu’est un vrai monstre, mais elle l’a découvert. Je suis pris d’un
fou-rire hystérique. Au milieu de l’obscurité je me révèle. Le visage
encore tourné vers le bas, je me relève. Chantal ne comprend plus rien à
la situation. Elle m’observe avec des yeux exorbités.
— Qu’y a-t-il de si drôle ?
—
Tu te souviens de qui je suis ? demandé-je dans le vide. Je me souviens
de qui je suis… dévoilé-je en jetant un regard dément vers elle.
Un monstre.
ÉPILOGUE
La
pluie s’abat abondamment sur la vitre de la pièce. Bien qu’en plein
milieu de l’après-midi, la luminosité extérieure est loin d’être
parfaite. On a été obligé d’allumer les lampes pour pallier ce manque.
La femme s’approche du bureau où est assis l’homme. Elle le détaille
rapidement du regard avant d’attirer son attention en toussotant, mais
ce dernier ne réagit pas. Il est en train de relire, l’air songeur, un
carnet de notes en se tripotant la barbichette. Il semble assez jeune,
mais les cernes sous les yeux et ses traits fatigués alourdissent son
visage.
— Excusez-moi, mon capitaine ; le commissaire m’envoie pour vous seconder dans votre affaire.
L’homme
sursaute et s’aperçoit seulement de la présence de la femme devant lui :
une jeune blonde coiffée d’un chignon serré. Elle ne manque pas de
charme.
— Vous êtes ?
— Lieutenant Samantha Gerald.
« Ah oui, la fille du commissaire, c’est vrai qu’elle devait commencer aujourd’hui. » Le capitaine Jyrall lui fait signe de s’asseoir en face de lui.
— Que savez-vous de cette affaire ?
—
Le peu que j’en ai appris par la presse : deux femmes disparues –
Émilie Auchere et Chantal Leroy – serveuses toutes les deux à L’Interlude.
Avec elles, notre principal suspect, Matthieu Lemblay est aussi
manquant à l’appel. Il aurait eu une relation avec les deux femmes,
dit-on.
— C’est exact : le témoignage de la mère de mademoiselle
Leroy confirme pour cette dernière. Quant à mademoiselle Auchere,
plusieurs vidéos retrouvées dans l’appartement du suspect le confirment
aussi. De plus, des témoins affirment avoir aperçu la voiture du suspect
près de l’appartement de mademoiselle Leroy le soir de sa disparition.
— A-t-on retrouvé le véhicule ?
— Oui : il a été abandonné sur la route en direction de Solérèse.
— Avons-nous d’autres éléments venant incriminer monsieur Lemblay ?
—
Un mur rempli de photos et de dessins laisse penser qu’il nourrissait
une obsession vis-à-vis d’Émilie Auchere. De plus, son appartement a été
retrouvé dans le même état ravagé que celui de mademoiselle Leroy.
Monsieur Lemblay paraît être le suspect idéal, mais il y a un élément
qui me chagrine : d’après plusieurs témoignages, il semblait rechercher
activement mademoiselle Auchere après sa disparition.
— Avons-nous d’autres suspects ?
— Des tas, si on tient compte des différentes conquêtes d’Émilie Auchere, mais rien de bien concret.
— Peut-être le fiancé, alors ? Il n’aurait pas supporté les infidélités de sa fiancée.
—
Il a un alibi : il était en voyage d’affaires. Et puis il ne semblait
pas au courant des infidélités. Il a eu un choc quand je le lui ai
appris lorsque je l’ai interrogé.
FIN
Auteur : Nathan Kari
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