mardi 2 décembre 2014

Miami District (4)

 Lisez le chapitre 3
CHAPITRE QUATRE : PRÉPARATIFS

À partir de là, la journée est partie à vau-l’eau ; du temps que je classais et archivais un dossier d’étudiante après avoir enregistré les données importantes sur disque dur, Jason a reçu un coup de téléphone, m’a regardée et s’est renfrogné ; il a passé aussitôt deux coups de téléphone à son tour sans que j’entende un seul mot de ses conversations et s’est mis en colère contre moi pour la première fois.

— Steph, tu avances, nom de Dieu ? J’aurais voulu qu’à la fin du mois tu aies fini cette tâche, mais tu n’as pas l’air d’avancer !
— Pardon, Monsieur, mais avec mes cours de conduite l’après-midi, je n’ai plus assez de temps pour travailler sur ces dossiers.
— C’est vrai qu’il y a ça aussi. Bon Dieu, bosse au lieu de faire cette tête de poisson sorti de l’eau !



Humiliée, j’ai détourné la tête vivement pour qu’il ne voie pas les larmes couler de mes yeux. Le salaud, te casser comme ça, il a pas le droit ! C’est vraiment top injuste. Ta gueule, Calimero, travaille ; et serre les dents, petit mec !

Le midi, Jason ne m’a pas proposé de manger avec lui, mais j’avais l’estomac tellement noué que je n’aurais rien pu avaler. J’ai donc continué à travailler jusqu’au moment où Cat, la jeune fille de l’accueil, m’a appelée pour me signaler que le chauffeur m’attendait. Le cœur au bord des lèvres, je suis montée dans la berline noire sans attendre qu’il m’ouvre la portière, si tant est qu’il songeait à le faire. À mon arrivée, j’ai dû attendre presque une demi-heure, assise à me morfondre et à me ronger les ongles – habitude que je croyais avoir perdue – avant que la secrétaire, la même jolie blonde en tailleur chic, ne m’autorise à entrer. Allez, fonce et sois précise surtout : il va t’écouter et tout t’expliquer ; ce n’est qu’une erreur, Steph ! Ce en quoi je me trompais terriblement.

Il était assis derrière son bureau massif et quand il leva la tête de ses papiers, enlevant des lunettes d’écaille, ce fut pour me jauger d’un regard glaçant.

— Alors, Stephanie, quel est ton souci ?
— Bonjour, Monsieur... Voilà ; la docteur m’a remis des gélules à prendre tous les jours, et je suis inquiète car je ne sais pas ce que c’est.
— Attends ; c’est pour ça que tu me déranges ? Pour une connerie pareille ?
— Mais... je voulais vous en parler... Vous m’avez dit de venir ici...
— Stephanie, je suis un home d’affaires, mon temps est précieux. Je vais te dire quelque chose de simple que tu comprendras, pauvre idiote. Je t’ai sortie du ruisseau où tu croupissais ; tu serais une pute droguée maintenant sans moi. Tu as reçu une excellente éducation, tu as la possibilité d’intégrer une bonne université, tu es logée, habillée, nourrie. Et tu viens m’emmerder avec ces histoires ?
— Mais... J’ai cru comprendre que c’étaient des aphrodisiaques...
— Et alors, quand même ce serait vrai ! Mon fils a de gros besoins sexuels ; tu es jeune, désirable, et tu es coincée du cul comme toutes les filles de l’Immaculata ! Alors c’est un moyen inoffensif de t’aider à te réaliser. Tu ne trouves pas ?
— Non... Si... Ce n’est pas dangereux ?
— Absolument pas ! Je ne suis pas un criminel ! Je suis très déçu, Stephanie. En sortant, mon chauffeur va te conduire chez le docteur qui t’expliquera tout ; tu lui demanderas de doubler le dosage, compris ? Et pour ton épilation, tu dois repasser à l’institut ; tu as refusé ce qui était demandé, l’épilation totale.
— J’ai rendez-vous vendredi ; il faut attendre entre deux rendez-vous à cause des brûlures.
— Ah ! D’accord pour vendredi, mais tu as intérêt à être obéissante : je t’ai à l’œil. Fiche le camp, maintenant, j’ai du travail.
— Bien Monsieur.

Je me suis retrouvée dans le hall, hébétée, et en même temps mon cerveau tournait à cent à l’heure. Refuser tout et partir ? Complètement idiot, j’aime ce que je fais. Négocier, mais quoi ? Accepter et voir venir ? Pour le moment ce n’est pas si terrible, au contraire. Le chauffeur m’a fait signe, imperturbable derrière des lunettes de soleil miroir. Nous avons roulé dans le silence le plus total ; je suis restée immobile et glacée sur le siège arrière droit à regarder devant moi les palmiers qui défilaient le long de la voiture. La doctoresse m’a fait attendre une bonne heure avant de me faire entrer. Elle aussi était particulièrement froide avec moi. Décidément, tu fais un peu chat noir, Steph !

— Bonjour, Stephanie ; j’ai eu Mr Fishburne au téléphone ; il n’était pas content.
— Bonjour, Docteur ; je voulais vous demander, pour le traitement...
— Nous allons en parler ; en attendant, déshabille-toi, je vais t’examiner à nouveau... Oui, enlève tout, et installe-toi comme l’autre jour, les pieds dans les étriers. Ah, ça y est, tu as tes règles. Depuis quand ?
— Hier, dans l’après-midi. J’ai pris la première pilule à dix-neuf heures.
— Bien ; ça te va comme horaire ?
— Je crois, oui.
— Ta pilule s’appelle Jasmine ; il te faut donc la prendre à peu près à dix-neuf heures pour les vingt-et-un comprimés. Puis sept jours d’interruption. Tes règles sont peu abondantes, je vois ; tu n’utilises pas de tampon ?
— L’école ne voulait pas.
— Oui, à cause du risque de déchirure de l’hymen. Ah, ces cathos ! Bon, remets ta culotte et une protection.
— Merci.

J’ai enfilé ma petite culotte blanche en coton et glissé une protection neuve dessous, puis j’ai attendu debout, mal à l’aise, alors que la doctoresse allait s’asseoir derrière son bureau.

— Les gélules contiennent trois produits : de la flibansérine, du sildénafil et de l’avanafil, toutes trois molécules accroissant le désir féminin, et un peu de testostérone. Leur effet a dû se faire sentir très vite. En quelques heures pour l’avanafil, en tout cas.
— Bon, quels sont ses effets ?
— Eh bien, accroître le désir féminin, c’est vague ; ce n’est pas comme le Viagra ou le Cialis pour les hommes ; sans entrer dans les détails techniques, tu as dû ressentir une humidification importante du vagin, un gonflement et durcissement du clitoris et des mamelons ; tant que tu prendras le produit, l’effet sera présent. Pas d’effets secondaires néfastes. Quand je t’ai examinée, je t’ai trouvée plus réceptive aux attouchements, plus humide ; ton clitoris me paraît aussi plus érigé, sortant naturellement de son capuchon.
— Alors c’est ça ? Mais à quoi ça sert de me filer un truc comme ça ? Et Mr Fishburne qui veut que je double les doses…
— Tu es sûre ?
— Il me l’a dit tout à l’heure.
— D’accord. Je ne suis pas convaincue, mais s’il veut ça...
— Pourquoi, quel est le problème ?
— J’aurais préféré attendre deux semaines pour juger de l’effet avant d’augmenter ou non la dose ; tu parais bien réagir au bout de si peu de temps, alors que tu n’as pris que six comprimés ; enfin, nous verrons dans quinze jours comment ton corps réagit. Tu vas continuer en prenant deux gélules au lieu d’une, et je t’en ferai livrer d’autres au nouveau dosage. Allez, ouste !

Le chauffeur, toujours aussi stylé et impénétrable, me reconduisit devant mon immeuble ; recroquevillée sur mon siège à arrière, à moitié hypnotisée par les ombres projetées par la rangée de palmiers, d’albizzias, de pins et de réverbères de l’avenue ; il était dix-huit heures, j’étais seule, le moral dans les chaussettes, complètement anéantie par le déroulement de cette journée. Je suis montée en courant, me suis déshabillée et me suis recroquevillée dans le coin douche après avoir ouvert l’eau froide en grand ; je suis restée à grelotter et à pleurer, le corps agité et couvert de chair de poule. J’ai poussé un grand cri en voyant une ombre entrer dans la salle de bain. Puis, dans la plus grande confusion mentale, j’ai reconnu Anita. Je suis retombée en arrière, rassurée mais le cœur battant à tout rompre. Elle s’est avancée et a dû passer sous le pommeau de douche pour arrêter l’eau, ce qu’elle a fait très vite pour éviter de se mouiller trop, mais en poussant un glapissement aigu.

— Putain ! C’est pas vrai, elle est glacée ! Steph, ma puce, ça va pas !
— À ton avis ? Non, ça va pas... Désolée, Anita, j’aurais pas dû te dire ça.
— C’est rien ; prends ma main, je vais t’aider à sortir de là... Putain, tu es gelée, tu vas attraper la crève.
— Je m’en fiche ; journée de merde, vie de merde... J’en ai assez, Anita.
— Ssssh, ma chérie.

Elle m’a tirée à elle, m’obligeant à me relever et m’a enveloppée dans une grande serviette ; je tremblais comme une feuille en claquant des dents ; elle prit une autre serviette pour sécher mes cheveux puis elle commença à me frotter énergiquement le dos à travers la serviette. Tout ça en maugréant d’une manière incompréhensible. Je posai la tête contre le carrelage, anesthésiée. Une loque ! Remue-toi, petit mec ! Tu ressembles à une loque ! Et tout ça pour quoi ? Parce que ton patron veut coucher avec toi, qu’il te fait la gueule, qu’il te refile en douce un traitement pour faire de toi une folle du cul ? Allez, c’est rien, tu en as vu d’autres ! Fais-lui voir que tu es une grande fille, à Jason, à son père.

Les mains d’Anita me frottaient toujours mais s’étaient déplacées sur mes fesses que j’ai tendues en me cambrant, instinctivement.

— Ah ! Ça va un peu mieux, on dirait ; tu m’as fait peur, ma douce ; t’as pas idée de te mettre dans cet état, tu pouvais pas me téléphoner, non ?
— Je sais, je suis désolée, vraiment. Mais la journée a été pourrie.
— Viens avec moi, tu me raconteras ça dans le séjour.

Dans le canapé, je me suis assise entre les cuisses écartées d’Anita qui m’a serrée contre elle, son opulente poitrine collée contre mon dos et sa chaleur se diffusant dans mon corps qui récupérait lentement. Je lui ai donc raconté ma journée, la froideur de Jason, la morgue de son père, la visite chez la doctoresse ; mes illusions envolées, mon moral en berne.

— Et tu vas le prendre, ce traitement ?
— Je le prends déjà depuis jeudi. Alors, au point où j’en suis... Mais c’est pas ça le problème ; Mr Fishburne a l’air de croire qu’après je vais sauter sur son fils et lui faire l’amour ! C’est pas possible, je ne pourrai jamais faire le premier pas, moi !
— On va y réfléchir ; je présume que tu n’as pas faim ; tu as mangé quoi aujourd’hui ?
— Rien depuis ce matin ; et j’ai pas faim, c’est vrai.
— Bon, tant pis pour toi. Voilà le programme : il est presque vingt heures ; dans vingt minutes, on va dans une pizzéria ; je te veux habillée, coiffée, maquillée et souriante dans vingt minutes, capito ?

Je me suis retournée pour voir son visage, inflexible. Elle était sérieuse ! Et pourquoi pas, Steph ? Montre que tu as du répondant, remue ton petit cul, vite ! File t’habiller. Et souris un peu. Je me suis levée en abandonnant la serviette humide et tachée de mes menstrues et, toute nue, encore un peu hésitante dans ma démarche, j’ai passé une culotte blanche en coton dans laquelle j’ai glissé une protection. J’ai choisi une robe noire en cotonnade froncée à la taille, s’arrêtant plus haut que mi-cuisses. Je ne l’avais même pas essayée ; elle m’allait à ravir. Un bon coup de séchoir pour un mini brushing, un peu de maquillage, rouge à lèvres et blush pour rehausser mes pommettes, des sandales noires à petit talon – Anita n’est pas très grande, je serai moins grande comme ça – et le tour était joué. Ma pochette noire et c’est parti !
— Tu as mis six minutes de plus que prévu, ma jolie !
— Et alors, tu vas me coller une fessée ?
— Coquine ! Pas tout de suite, mais on verra... Moi, ça me tente bien. Tu es à croquer dans cette petite robe ; ta poitrine tend bien le tissu, tes jambes sont mises en valeur... Miam !

J’ai secoué la tête en souriant et en rougissant. Anita m’avait rendu un peu de ma joie de vivre ; impulsivement je l’enlaçai et l’embrassai sur la bouche avant de me reculer, étonnée de mon audace. Elle a eu une expression de surprise l’espace d’un instant avant de se ressaisir et de m’adresser un large sourire. Elle a voulu que je conduise alors que la nuit tombait déjà ; aucun souci, j’ai assuré comme une pro ! Tu vois que tu y arrives, c’est pas si dur que ça !

La Pizzeria Rustica, sur Brickell Avenue, était bondée et nous avons pas mal attendu en buvant des margaritas ; j’étais affamée et me suis jetée sur ma pizza, puis sur une méga portion de tiramisu ; j’étais aussi un peu pompette, il faut le reconnaître, et c’est Anita qui a pris naturellement le volant pour rentrer. Elle est sortie devant le petit immeuble qui abrite mon appart et m’a embrassée sur la bouche ; un baiser chaste, mais ses lèvres étaient douces et fraîches ; je l’ai enlacée pour sentir sa pulpeuse poitrine se coller contre moi. J’ai souri en me reculant, le rose aux joues.

— À demain pour notre footing ?
— Et comment !

Mardi, ambiance plus détendue le matin mais j’ai mangé seule ; Jason me faisait encore un peu la tête, et moi aussi. Comme j’ai fait un aprèm’ de conduite sans souci, j’étais radieuse en revenant chez moi. Le mercredi midi, Jason m’a appelée pour me dire de me préparer pour aller manger avec lui ; dans la Pacer, nous avons discuté de l’avancement de mon travail.

— Vous savez, je n’ai que quatre heures par jour à y consacrer ; tant que je n’ai pas le permis...
— Je comprends. Tu vas être convoquée vendredi au centre agréé de Miami de Drivers Licence. Tu crois que ça va aller ?
— Je pense, oui. Merci, Monsieur.
— Parfait, alors.

Nous avons mangé en terrasse sur Biscayne ; nous buvions un blanc sec et fruité, très frais, qui me rendait guillerette.

— Tu vas bien ?
— Oui. Je me demande ce qu’un beau gosse comme vous, plein de fric en plus, fait avec une fille comme moi ; vous pouvez avoir toutes celles que vous voulez, non ?
— Et qui sont celles que je veux, selon toi ?
— Je sais pas ; de joies filles, des mannequins, des actrices ; canon comme vous êtes !
— Tu me trouves beau ?
— Seigneur ! Vous êtes aveugle, ou quoi ? Vous êtes super canon, oui !
— D’accord. Et tu te demandes ce que je fais ici avec toi ?
— Exactement.
— Tu es jolie, fraîche, jeune, jolie, sportive, enthousiaste, jolie, dynamique, douce, jolie...
— Stop, vous moquez pas de moi ; c’est pas sympa, ça.
— Je ne me moque pas de toi ; et j’ai envie de toi.

Je suis resté bouche bée, tétanisée, oubliant même de respirer ; les yeux dans ses yeux si noirs, si chauds ; et j’ai senti cette maudite rougeur monter lentement de mon cou à mon front, mes oreilles, lesquelles sont devenues brûlantes. Dans ma tête tourbillonnaient Jason, l’appartement, Mr Fishburne, la Toyota, les gélules, Anita... Stop ! Il veut la jouer comme ça ? Il va voir ! Steph, accroche ton cœur et souris. Souris et fonce !

— Que suis-je censée vous répondre ? Oui, prenez-moi dans la Pacer ? Jamais avant le mariage ? J’ai mes règles ? Oui, voilà ; j’ai mes règles.
— Et alors ? Un peu de sang ne me gêne pas ; si tu es vierge, de toute manière il y en aura. Bon, si tu es d’accord, je viens te chercher à dix-neuf heures ; nous mangerons dans un endroit cosy, seuls tous les deux.
— Oui, je ne sais pas quoi dire ; vous êtes sûr que...

Je bafouillais, consciente d’être prise à mon propre jeu ; le sang ne le gênait pas ? J’ai appris que la femme est impure lors de cette période. Des conneries de bonnes sœurs, oui ! Et maintenant, tu fais quoi ? Et ferme la bouche, tu ressembles à un poisson rouge, Bubullette !

— Réponds-moi oui ou non, mais ne me laisse pas dans l’incertitude.

En vérité, mon cerveau avait disjoncté et je ne trouvais pas les fusibles ; je le regardai : si beau, si solide… J’avais envie de me blottir dans ses bras, j’avais envie de fuir au bout du monde, de creuser un grand trou et de me cacher tout au fond... Au lieu de ça, j’ai tenté un sourire, pauvre et crispé, mais un sourire quand même, du genre qui ne monte pas jusqu’aux yeux ; et j’ai répondu, d’une voix rauque, un peu cassée :

— Oui.

Ses sourcils se sont soulevés alors que l’étonnement se peignait sur son visage ; un instant seulement, si bref que j’ai pensé l’avoir rêvé, puis il a souri à son tour, mais un sourire de carnassier, montrant ses dents blanches. Petit agneau, je vais te dévorer !

— Oui, on fait ça comme ça : dîner romantique puis nuit torride d’amour ?
— Arrêtez, vous n’êtes pas drôle ! J’ai peur, peur de faire l’amour, peur de vous décevoir, peur d’avoir mal...
— Je te promets que je serai doux, tendre ; c’est ta première fois ?
— Oui ; vous devez le savoir, le docteur a bien dû vous expliquer tout de moi...
— Non. Je ne partage pas l’obsession de contrôle de mon père, Dieu merci !

Son visage indigné me suffisait, il ne mentait pas. Je soupirai. La tension dans mes épaules s’est relâchée soudain, je me sentais sans force aucune. Je me suis rendu compte que j’avais la gorge sèche et j’ai bu un grand verre d’eau pétillante ; je conduisais dans une heure : pas question d’être grise au volant.

Nous sommes revenus sans dire un mot ; dans la voiture, Jason a respecté mon silence. Je l’ai laissé à quatorze heures pour ma leçon quotidienne en Toyota et il m’a fallu prendre sur moi pour me concentrer un tant soit peu sur la conduite. Bien sûr, cette fine mouche d’Anita s’en est vite rendu compte.

— Alors, ma puce, qu’est-ce qui t’arrive ? Tu ne dis rien, tu as l’air ailleurs, pas à la conduite en tout cas. Alors ?
— Ce soir, je mange avec Jason ; je lui ai dit oui pour... pour... enfin...

J’ai arrêté, bégayant presque, incapable de continuer ; je me suis garée à la sauvage pour me tourner vers Anita. Ma voix me semblait trop rauque et chevrotante à la fois.

— Tu veux dire... Tu vas faire l’amour avec lui ? Ouah ! Tu es encore vierge, je pense... Ma petite puce, courage ! J’espère qu’il sera attentionné pour cette première fois ; comme il est super bien monté, tu risques de souffrir, sinon.
— Je comprends pas ; il est monté où ?
— D’accord... Tu le fais pas exprès ? Non, bien sûr ; j’aurais dû m’en douter... Il est super bien monté, ça veut dire qu’il est richement doté par dame Nature, très richement même ; je n’ai jamais baisé avec lui, mais j’ai une amie qui l’a fait, et elle me l’a dit. Et vu son expérience, quand elle affirme qu’il est hors concours, c’est vrai.

Je suis restée bouche bée durant cette explication de texte, puis le rouge a envahi mes joues, mon front, mes oreilles... Bon sang, Steph, tu es vierge et tu vas faire l’amour avec un mâle hors concours, une bête de sexe, et beau comme un Dieu en plus ! Je me suis raclé la gorge pour me donner une contenance.

— Tu crois que je vais avoir mal ?
— Je ne sais pas ; je ne veux pas te faire peur non plus ; et ça dépend de toi, des préliminaires : si tu es prête, bien lubrifiée, tu n’auras pas trop mal. Au contraire. Surtout dans la mesure où il en a vraiment une grosse. Mais enfin, qu’est-ce qui t’arrive ?
— J’arrive pas à croire qu’on parle de ça toutes les deux ! Je suis horriblement gênée et en même temps terriblement excitée, voilà !
— Tu me raconteras ta folle nuit ? J’ai hâte de savoir comment il est.

J’ai ri, un peu rassérénée de voir Anita quémander des renseignements croustillants ; et j’ai démarré, enfin débarrassée de mes pensées les plus négatives. Séance de conduite sans anicroche, je n’ai renversé personne, aucun cop ne m’a verbalisée. À dix-huit heures j’étais chez moi, à nouveau anxieuse ; comment m’habiller ? Je rougis en me disant que ces vêtements que je choisirais, je ne les garderais pas longtemps sur moi.

Auteur : Matt Démon

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