dimanche 26 octobre 2014

Miami district (3)

Relisez le chapitre 2

CHAPITRE TROIS : PREMIÈRES DÉCONVENUES

Le lendemain, un jeudi, j’ai été déçue de l’absence de Jason, parti pour affaires à New York ; il m’avait laissé tout un lot de travaux à effectuer et ne reviendrait que le lundi suivant. L’après-midi, j’ai eu droit à ma première leçon de conduite. Pauvre Toyota, pauvre Anita ! Débuts difficiles qui ont mis en lumière mon inexpérience totale. Après trois heures, j’étais épuisée, énervée au plus haut point et déprimée de ma prestation. Allez, petit mec ! C’est rien, tu apprends. Tu seras mieux demain. N’est-ce pas ?

La semaine s’est passée sans soucis, d’autant que j’ai quand même progressé rapidement au volant. La boîte automatique n’avait plus de secrets pour moi ; j’arrivais à garder le cap, et Anita ne finissait plus les séances blanche comme un linge.



Le jeudi soir, après m’avoir raccompagnée, elle me demanda :

— Tu veux venir courir avec moi, demain matin ?
— Oh oui ! C’est sympa, Anita. Mais ça ne te dérange pas ?
— J’habite à dix minutes en voiture, donc pas de soucis. Je passe à sept heures, tu seras prête ?
— Au bas de mon immeuble, sans problème.
— Nous sommes près d’Oleta Park, idéal pour le jogging.
— Si tu veux, tu prends de quoi te changer et tu te doucheras chez moi, non ?
— Bonne idée.

Elle a donc pris l’habitude de venir plus tôt le matin ; j’ai compris qu’Anita avait le tempérament d’un coucou suisse car elle sonnait toujours pile-poil à sept heures ; je descendais à fond dès son coup de sonnette et nous allions courir ensemble dans l’Oleta Park près de chez moi ; après, nous montions nous doucher avant de partir pour la journée.

Anita courait bien, à petites foulées volontaires à côté des miennes un peu plus longues. Et son endurance m’impressionnait ; je sentais qu’elle aurait pu continuer bien plus longtemps que moi ! Malgré la pluie qui a gâché le samedi, une pluie dense et chaude comme il y en a si souvent ici, nous étions toutes deux décidées à courir. Après, nous nous déshabillions ensemble et nous douchions à tour de rôle. Je n’avais pas honte de mon corps, ni honte de me montrer nue devant Anita ; j’étais quand même habituée depuis longtemps, avec les vestiaires de sport que j’ai fréquentés depuis que j’allais à l’école. Ce matin-là, alors qu’elle finissait de se rincer et que j’attendais la place en libérant mes cheveux, Anita m’a lancé :

— Tu viens ? Si tu veux, je vais te savonner le dos.
— Oh ! Je ne sais… D’accord.
— Entre copines ; je ne vais pas te sauter dessus, même si tu es terriblement bandante.
— Bandante ?
— Excitante ; tu fais bander tous les mecs… Bander, c’est… Tu sais que les mecs ont une queue dont ils sont excessivement fiers ? Eh bien quand ils te voient, leur queue devient grosse et dure : ils bandent. Entiende, amiga ?
— Tu es sympa, mais ne te fatigue pas : je sais que je suis moche ; je m’y suis faite.
— Mais bon Dieu, Steph, c’est une manie chez toi ! Comment peux-tu dire ça ? Tu es canon, je te l’ai déjà dit ! Qui a bien pu te convaincre du contraire ?
— Tout le monde me l’a dit : les sœurs, les autres filles… Des cheveux raides presque blancs ; avec ça, une bouche trop grande, des yeux gris qui font peur...

Toute mouillée, Anita s’est approchée de moi, de l’inquiétude peinte sur le visage. Elle a posé ses mains sur mes épaules et m’a tirée contre elle ; ses yeux sombres brillaient d’une rage immense.

— Comment a-t-on pu te dire ça ? Tu es si belle... Ce sont toutes des connes et des jalouses. Allez, décrispe-toi, tu es tendue comme un arc.

Elle m’a tirée contre elle et j’ai appuyé ma joue contre la sienne ; étant plus grande qu’elle d’une dizaine de centimètres, je me penchais un peu et je savais qu’Anita était sur la pointe des pieds. Je pouffai de manière incongrue en nous représentant ainsi.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu te moques de moi ? Fais attention, Steph, tu pourrais recevoir une fessée sur ton adorable petit cul nu !
— Non, je te promets, ce n’est rien... Tu es sérieuse, tu me fesserais ?
— Et comment ! La discipline anglaise, il n’y a que ça de vrai !
— Je n’ai jamais reçu de fessée, autant que je me souvienne, et ça ne me manque pas. Des coups de règles sur les mains, ça oui.
— Allez, petite effrontée, à la douche !

Dès lors, nous avons pris les douches ensemble, naturellement ; malgré ma réticence initiale, j’adorais quand Anita me savonnait le dos, des épaules aux fesses, et j’aimais bien lui rendre la pareille. Le samedi soir, nous sommes allées au restaurant ensemble ; première fois que je mangeais dans un restau chinois. C’était bon mais épicé, et je n’avais pas l’habitude. Putain, ç’est pas possible, les trucs rouges là, c’est trop pimenté, je pleure, au secours !
En sortant, je lui ai proposé un truc :

— Dis, ça te dirait, demain matin, d’aller à la piscine au lieu de faire un footing ? J’ai mes entrées au bassin olympique de Coral Gables.
— Ah bon ? Toi ?
— Je faisais partie de l’équipe de natation d’Immaculata et je continue de m’entraîner avec les filles du collège ; c’est là que nous faisons tous nos entraînements.
— OK, demain huit heures ?

Le matin, j’ai mangé une banane, bu un jus de pomme, enfilé un short en coton rose et un tee-shirt tout blanc. Comme je l’ai dit, Anita est ponctuelle ; huit heures pile elle sonnait au bas de mon immeuble. Je suis descendue la rejoindre en courant dans l’escalier et nous avons roulé jusqu’au campus de Coral Gables. J’ai guidé Anita jusqu’à l’entrée des pros, et le gardien a bondi de sa chaise en me reconnaissant.

— Steph ! Ma guapa !
— Bonjour, Monsieur Rodriguez.

C’était un Cubain exilé à Miami, comme de nombreux autres ; Pepe Rodriguez était proche de la cinquantaine, imposant et un peu gras, perpétuellement mal rasé, sa peau sombre recouverte d’une pilosité noire particulièrement développée. Il avança vers moi et me serra dans ses bras en embrassant mes joues de ses lèvres épaisses et poisseuses. J’étais prise au dépourvu car je n’étais pas habituée à ces familiarités ; ses mains caressèrent mes fesses avant de me permettre de me reculer.

— Anita, je te présente Mr Rodriguez, le gardien du complexe sportif. Mr Rodriguez, mon amie et collègue Anita. Nous venons profiter de la piscine ; il n’y a pas de problème ?
— Ma belle, tu viens quand tu veux, tu le sais ; de toutes les élèves de cette puta d’école, tu as toujours été la plus gentille et la plus jolie.
— Merci. Tu viens, Anita ?
— Eh, guapa, tu reviens quand tu veux ; maintenant que tu es en vacances, je pourrai m’occuper de toi quand tu voudras !
— Merci, Monsieur Rodriguez, je m’en souviendrai.

Il y avait déjà cinq nageurs, quatre garçons et une fille ; je connaissais de vue deux d’entre eux qui me firent des salut amicaux, sans plus. Ils étaient étudiants à l’Université Internationale de Floride. Anita s’est révélée être une bonne nageuse, souple et ne se battant pas avec l’eau ; mais je lui collais quand même une longueur de bassin tous les trois longueurs... Alors, Anita, on barbote avec les grands ? Bouge pas, je t’apporte une bouée... Je fis cinq longueurs d’échauffement puis vingt longueurs en crawl à un rythme soutenu avant de revenir à petite vitesse et en brasse pour cinq dernières longueurs.

Quand je suis sortie du bassin, j’ai aussitôt enlevé lunettes de protection et bonnet de bain ; les garçons sont venus me saluer avec une camaraderie qui m’a fait chaud au cœur ; je leur ai promis de revenir le dimanche suivant pour m’entraîner à la même heure, et si possible le mercredi matin, puis nous sommes allées nous changer dans les vestiaires. Anita souriait de me voir heureuse et me fit un clin d’œil en regagnant les vestiaires. En sortant, je suis retombée dans les grosses pattes de Mr Rodriguez qui m’a à nouveau serrée contre lui en pelotant mes fesses.

— Steph, tu veux que je te laisse avec ton latin lover ?
— Merci, Anita, mais j’arrive. Je te rejoins à la voiture. Mr Rodriguez, vous exagérez, là ; je vous aime bien, vous avez toujours été gentil avec moi, mais...
— Ma guapa, tu es si jolie, je ne vais pas te faire mal, tu sais. Tu sens contre ton ventre ma grosse queue ?

Estomaquée, je sentais surtout ses mains qui venaient de glisser sous mon short et caressaient mes fesses. Je le repoussai doucement mais fermement.

— Mr Rodriguez, allons… Soyez sage, je n’aime pas me faire peloter comme ça ! Calme, Steph, tu l’as laissé glisser ses grosses pattes sur tes fesses et tu as aimé ça, avoue !
— D’accord, ma guapa ! Ton ami José t’attendra, et tu reviendras le voir.

Je suis partie à grands pas, déstabilisée par ce qui venait de se passer ; comment avais-je pu me laisser tripoter par cet homme ? En plus, je me sentais troublée, le ventre en ébullition et les bouts de seins tout durs ; perturbée, je me suis assise à côté d’Anita qui me dévisagea avant de démarrer en trombe.

— Qu’as-tu ? Tu as une drôle de mine.
— Je ne sais pas ; Mr Rodriguez m’a tripoté les fesses, c’est la première fois qu’il me fait ça, et j’ai failli le laisser faire.
— Pourtant, c’est pas le playboy du siècle.
— En plus, oui. Il a touché mes fesses, tu te rends compte ! Jamais personne... Si, il y a toi, sous la douche. Mais toi, j’aime bien.
— Steph, tu rougis ! C’est adorable. Tu aimes que je caresse tes fesses ?
— Oui. Putain ! C’est la honte et mes oreilles brûlent ! Calme !
— Tu prends un traitement spécial depuis que tu as vu la toubib ?
— Non... Ah si ! Elle m’a donné des gélules à prendre tous les jours ; c’est un fortifiant, elle m’a dit. Pourquoi ?
— Un fortifiant ? Des vitamines ? Oui, mais autre chose aussi. Je pense qu’il contient surtout un produit accroissant la libido.

Là, je suis restée scotchée. Je ne voyais plus la rue devant moi, j’étais perdue. Pourquoi me donner un tel produit à mon insu ? Saloperie ! À l’insu de mon plein gré, oui ! J’ai jeté un œil sur Anita qui conduisait avec sa maîtrise habituelle, et je me demandai si elle plaisantait. Bon sang, Steph, si c’est de l’humour, c’est vraiment tordu !

— Anita, tu... C’est vrai ?
— Je n’en suis pas sûre à cent pour cent, mais...
— Mais pourquoi ? Je ne pige pas.
— Tu sors d’une pension catho avec une libido refoulée, et tel que je vois le patriarche, il veut que tu changes ; maintenant, je ne travaille pour lui que depuis presque deux ans, mais...
— Tu as été embauchée pour faire quoi, au fait ?
— Garde du corps ; ne rigole pas : j’étais dans les Marines, cinq ans de contrat.
— Ouais, Semper Fi, et tout ça ?
— Tu ne me crois pas ? Ouvre mon sac à main...

Ouch ! Il était lourd ! Elle collectionne les enclumes ou quoi ? J’ai aperçu une arme à feu noire satinée au museau court.

— Un Glock 19 C, fabriqué en Autriche ; quinze balles de 9 mm, poids de 850 grammes chargé. Et il est chargé. J’ai un permis de port d’arme.
— Bon, d’accord, tu n’as pas menti ; mais qu’est-ce que je viens faire là-dedans, moi ?
— Tu es jeune, jolie, et pauvre. Le patriarche te pousse dans les bras de son fils, je pense. C’est déjà arrivé au moins deux fois depuis que je bosse pour lui.

J’ai rougi en imaginant Mr Fishburne me poussant toute nue dans les bras de son fils. Mmm ! Chaleur dans le ventre, heureusement que je suis assise ! J’ai dissimulé mon trouble en regardant à ma droite.

— Alors il veut que... que je... avec son fils ?
— Oui, ça saute aux yeux ; alors le produit aphrodisiaque, c’est pour t’aider à franchir le pas.
— Qu’est-il arrivé aux deux autres ? Et qui étaient-elles ?
— Comme toi, de jeunes étudiantes, jolies et sans le sou. Embauchées comme secrétaires particulières, succombant au charme de Fishburne junior puis fuyant comme si elles avaient le diable à leurs trousses. Du jour au lendemain, sans explication.
— Que s’est-il passé ? Pourquoi sont-elles parties ?
— Je ne sais pas trop ; des rumeurs parlent de violences, de mœurs dépravées de la famille Fishburne... Junior est naturellement autoritaire et il semble qu’il transpose et amplifie ça dans sa vie amoureuse. Enfin, amoureuse... sexuelle.
— Il est vachement beau, en tout cas !
— Prends garde à toi, Steph : si elles sont parties au galop, c’est bien qu’il y a un problème sérieux. Rien n’a filtré parce que le patriarche a dû arroser de billets verts, mais...
— Ouais, bon... Et pourquoi me filer un produit sans me prévenir ; un aphrodisiaque, tu penses ? Je ne vais pas me jeter sur Jason et le violer, non ?
— Non, ça, je crois pas...
— Demain, j’essaierai de téléphoner à Mr Fishburne père. Pour savoir si c’est vrai.
— Tu conduis cet aprèm ? Je suis libre.
— OK, on mange ensemble, c’est moi qui cuisine ! Putain, Steph, tu es archi-nulle en cuisine, tu sais même pas faire cuire un steak !
— Tenu, mais je t’aide.

Bon dimanche donc ; rien à signaler, sinon que mes règles se sont déclenchées. Le lundi, j’ai revu Jason avec plaisir, toujours aussi craquant dans un costume en lin gris perle porté sur une chemise blanche ; il m’a fait un grand sourire avec toutes ses dents et je me suis sentie fondre. Midinette, reprends-toi ; si tu continues, tu vas baver sur le parquet ! J’ai téléphoné à son père à dix heures et la secrétaire a accepté de me le passer.

« Bonjour, Mr Fishburne, c’est Stephanie LeBlond. »
« Je sais qui tu es. »
« Je voulais vous parler du traitement que je... »
« Sois à mon bureau à quinze heures. Mon chauffeur te conduira. »

Clic ! Il m’a raccroché au nez, et il est de mauvaise humeur !

Auteur : Matt Démon

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