dimanche 28 décembre 2014

Miami District (5)

 Relisez le chapitre 4

CHAPITRE CINQ : SOIRÉE AU BILTMORE

J’ai pris une douche rapide avant de choisir une robe d’été en tissu souple rouge sombre ; ses manches courtes et son décolleté me plaisaient beaucoup, ainsi que sa longueur, sage mais pas trop, juste au-dessus du genou. J’ai mis un string blanc en dentelle sous lequel ma toison blonde se devinait, hey, ma toison blonde, vendredi elle disparaît ; bah, je m’en fiche ! et un soutien-gorge assorti qui faisait pigeonner mes seins. Puis parfum, maquillage léger ; je n’étais pas très douée, je n’avais pas l’habitude de me maquiller.

Je finissais juste quand Jason a sonné ; je lui ai ouvert et il est monté frapper à la porte d’entrée ; quand je lui ai ouvert, mon sourire s’est figé et je suis restée bouche bée. Qu’il était beau dans son costume tout noir taillé sur mesure, sa chemise blanche éclatante et une cravate en soie multicolore ! Beau et ténébreux, avec ses pommettes noires satinées qui luisaient sous l’éclairage indirect du palier. Il m’a examinée de haut en bas avant de me lancer :

— Salut ! Tu n’as pas une robe plus sexy pour sortir avec moi ? Tu es ravissante là-dedans, mais...
— Entrez ! Bon, ça ne vous plaît pas ?
— Si, mais je préfère autre chose ; ta penderie est là ? Je vais te trouver une robe plus sexy...

Stupéfaite, je l’ai vu entrer dans ma chambre et ouvrir la penderie en grand, passer rapidement en revue les robes suspendues, s’attarder, revenir, pour en sortir une toute blanche, minimaliste : ultra courte, sans manches, décolletée largement devant et dos nu. Il me l’a tendue en souriant de toutes ses dents et j’ai fondu. Je l’ai poussé hors de ma chambre pour me changer, non mais ! Bon, j’ai enlevé mon soutien-gorge, pas la peine d’essayer avec, la robe ne s’y prêtait pas. Quand je suis revenue dans le séjour, Jason a fait une bonne imitation du loup de Tex Avery ; il se moquait, bien sûr, mais ses yeux flamboyaient de désir. Faut dire que cette fois, tu te poses là, petit mec ! La poitrine offerte à travers un tissu fin et à peine opaque, lequel couvre tes fesses si tu ne te baisses pas trop, tu déchires grave ; bon, en même temps, c’est lui qui l’a choisie, cette robe !

— Là, tu es superbe, Steph ; maintenant, je vais te proposer un échange ; voici ma part...

Il a sorti de sa pochette un sachet en tissu qu’il a ouvert, en extrayant un magnifique collier de perles noires de Tahiti ; il s’est approché de moi plus près qu’il ne l’avait jamais fait, me dominant d’une tête, et l’a passé autour de mon cou. J’avais fermé les yeux, humant son odeur virile et citronnée. Je les ai ouverts alors qu’il se reculait ; j’ai bien vu qu’il hésitait à revenir embrasser mes lèvres entrouvertes. Vaguement déçue, je me suis examinée dans le miroir de l’entrée : le collier était superbe, mais masqué par mes cheveux longs.

— Je voudrais que tu sois coiffée en queue-de-cheval, pour dégager ton joli cou.
— Pas de problème, je sais faire ; j’en ai pour cinq minutes.

Je suis allée dans la salle de bain ; il m’a suivie et s’est appuyé contre le mur, si magnifique en beau-ténébreux-un-peu-voyou-sûr-de-lui que mon cœur s’est mis à faire le yoyo dans ma poitrine. J’ai pris ma grosse brosse et choisi un élastique doré, puis en surveillant dans le miroir au-dessus de la vasque j’ai tiré ma chevelure en arrière, glissé l’élastique en faisant trois tours, et... Fini, c’était fait.

— C’est parfait, Steph, merci.
— C’était rien, j’en faisais souvent, à l’Immaculata. Et vous aviez parlé d’un échange ; avec quoi ?
— Oui ; je n’ai pas de pochette : je voudrais ta culotte. De là, je pense que c’est un string blanc, ce sera parfait.
— Oh ! Eh bien...

Tu l’as cherché, Steph-la-blonde ! Et maintenant, tu fais quoi ? À part devenir rouge coquelicot, bien sûr... Bon, allez, marre d’être la cruche de service. Bravement, j’ai glissé les mains sous l’ourlet de ma robe et fait glisser ma petite culotte sur mes cuisses nues. Elle est tombée au sol ; je l’ai ramassée dignement puis, consciente d’être rouge vif, j’ai planté mes yeux dans ceux médusés de Jason, je me suis approchée à cinquante centimètres de lui, ai plié le tissu blanc et l’ai glissé dans la poche de sa veste, en triangle. J’ai tapoté sa poitrine du plat de la main avant de reculer en faisant la moue.

— Voilà ! C’est parfait !

Si tu savais que ce n’est que depuis hier que je porte un tampon périodique, tu ferais moins le malin, gros macho ! Avant, j’aurais taché ma jolie robe blanche, ça aurait fait désordre... Je pouffai et mis la main devant ma bouche pour masquer mon hilarité en éternuement. Il fit les yeux rond, se mordit la lèvre pour retenir une répartie ; qu’il était chou !

— Bon, tu es prête ? Ma fringante Pacer nous attend en piaffant.
— Je suis prête, Jason.

S’il sourcilla en m’entendant l’appeler par son prénom pour la première fois, il ne releva pas et m’offrit son bras. Au volant de la Pacer baignée par la trompette nostalgique de Miles Davis, Jason a mis le cap au sud en prenant la 95 express jusqu’à Brickell puis la 976, une belle quatre-voies bordée d’arbres, chênes, palmiers, albizias, mais aussi pins et autres résineux bordant des résidences cossues ; il a pris Granada sur la droite pour longer un golf (je ne connaissais pas ce golf pourtant tout près de « ma » piscine et de l’Université ; je ne connais rien au golf, d’ailleurs). Il est arrivé devant un immense bâtiment jaune avec plein de palmiers devant un grand bassin et un superbe jet d’eau ; j’ai vu le nom quand il s’est engagé dans l’accès : le Biltmore Hotel.

Deux employés ont ouvert les portières ; Jason a remis les clés à un voiturier et m’a guidée à travers le hall pour ressortir et arriver au Cascade Bar, près d’une jolie piscine ; quelques couples âgés étaient installés ; ils saluèrent Jason d’un simple signe de la tête. Assis sur des chaises en métal étonnamment confortables, nous avons bu un cocktail, champagne et Grand Marnier, je crois ; du petit-lait ! Je m’aperçus que j’avais soif et que j’étais tendue, mais je me sentis mieux après quelques gorgées.

— Calme-toi, tu es énervée.
— Enervée, non, mais j’avoue que d’être presque nue dans un bar avec des inconnus de la bonne société de Miami me perturbe. Et ce que nous ferons après aussi.
— Après ? Nous allons dîner : un somptueux repas préparé par Grégory, le nouveau chef français.
— Ce n’est pas ce que je veux dire, Jason, tu le sais...
— Steph, n’oublie pas que je suis et reste ton patron ; donc je tiens à ce que tu m’appelles « Monsieur ». Tant que je ne t’autorise pas à plus de familiarité.

Là, j’étais scotchée. Il allait... Nous allions faire l’amour et il voulait que je l’appelle « Monsieur » ? Les larmes me montèrent aux yeux, si vite que je ne pus rien faire avant de les sentir couler sur mes joues. Jason faillit me tendre sa pochette mais se ravisa ; je sorti un kleenex de ma pochette et tamponnai délicatement mes joues.

— Désolée, Monsieur. L’émotion sans doute. Tu parles ! Il me la joue patron qui invite son employée au restaurant pour la sauter ? Trop romantique.
— Tu as l’air surpris ; il n’y a pas de quoi : j’ai une place dans la société, toi aussi. Il convient donc de s’en souvenir, tous les deux.
— Bien Monsieur, je saurai me le rappeler. Connard, trou du cul ! Putain, il est trop beau et trop craquant pour que je m’énerve, moi. Et puis c’est vrai, c’est ton boss. Allez, calme, Steph !

Jason s’est levé et m’a tendu la main pour m’aider à me lever ; il m’a conduite au restaurant de l’hôtel, le Palme d’Or ; un serveur nous a installés à une table réservée, une grande table ronde avec nappe blanche et couverts en argent ; nous étions dans une sorte d’alcôve, bien à l’abri du reste de la salle où les convives ressemblaient aux clients du bar un peu plus tôt : vieux et riches. Là encore, couleur jaune pour les murs, tentures crème et boiseries vernies et brillantes.

Devant ma carte, je suis restée sèche ; partout des noms que je ne connaissais pas, ou alors des mets dont je ne connaissais que le nom. Bienvenue dans le monde du fric, Steph. Soit tu choisis au pif, soit tu demandes à Jason. Grrr ! Je râlais, en oubliant presque que j’étais à poil sous une robe qui ne cachait pas grand-chose.

— Je vous demande pardon, Monsieur, mais pourriez-vous me guider à travers tous ces plats ?

Il sourit, paraissant heureux et fier de ma manière de m’exprimer. Il remarqua alors que mes yeux lançaient des éclairs, et parut s’en amuser.

— Tu aimes le poisson ? Je te conseille l’hamachi, c’est du thon de taille intermédiaire mariné ; les oursins, oublie pour une première fois ici, je ne voudrais pas me fâcher avec Grégory. Le ris de veau, je vais en prendre et te ferai goûter. Ensuite, tu préfères poisson ou viande ?
— Je ne sais pas trop ; il vaut mieux changer, non ?
— Délicieuse jeune fille, non ! C’est comme tu veux.
— Alors viande, mais pas une viande rouge, s’il vous plaît.
— D’accord ; je te choisis Cochonnet (en français dans le texte) et je prends du bœuf de Kobe.

Un serveur s’était matérialisé pour prendre la commande à laquelle il fallut ajouter les desserts : vacherin aux fruits rouges pour moi, gâteau basque pour Jason. Le sommelier est apparu à la suite pour une longue discussion à laquelle je ne m’intéressai pas. J’avais faim, j’étais envahie par tout un tas de sensations contradictoires : amertume, émerveillement, faim, anxiété... Ce soir, cet homme en face de moi, souvent hautain avec moi, parfois amical, allait me faire l’amour, prendre ma virginité ; je ne pouvais ignorer que mon ventre était lourd, mes mamelons gonflés et durs, ma gorge sèche. Heureusement, le sommelier est revenu en brandissant fièrement une bouteille vert sombre qu’il a habilement débouchée devant nous.

— Corton-Charlemagne grand cru 2009, maison Bouchard ; Monsieur ?

Monsieur goûta et claqua sa langue contre son palais avec un signe d’approbation. C’était du vin blanc ; j’en avais bu deux ou trois fois déjà, avec Anita. Je le sentis avant de boire et levai les sourcils en signe d’étonnement : c’était... divin ! Frais, fruité, et... Divin, quoi !

Le repas fut une source d’émerveillement pour moi ; tout était parfait, et même plus encore ; le sommelier déboucha une bouteille poussiéreuse de vin rouge pour accompagner les viandes, qu’il présenta comme étant un Morey-Saint-Denis 2009, 1er Cru du Domaine Ponsot, qui était fabuleux, même pour mes papilles innocentes. Un vin français, je crois, avec un nom comme ça. Jason était un hôte charmant, brillant, sachant écouter aussi ; je lui parlais des sports que je pratiquais : le saut à la perche en particulier avait l’air de le fasciner.

— Tu sautes à plus de quatre mètres ?
— Oui, mais guère plus : il faut des perches adaptées à la morphologie du sauteur pour progresser ; même à l’université, je n’ai pas droit au meilleur matériel, juste des perches laissées par d’anciennes étudiantes.
— Bien ! Je sais maintenant quoi t’offrir pour ton anniversaire. En attendant, tu n’as plus faim ?
— Oh non ! Je ne pourrais plus rien avaler, je crois.
— Ne dis pas ça, tu pourrais te surprendre ce soir. Moi, j’ai une faim de loup.

Je devais avoir ma mine interrogative numéro un, car il ajouta en montrant les dents :

— Oui, j’ai faim de toi ; je vais te dévorer toute crue, en commençant par tes jolis seins qui ne demandent que ça, puis tes fesses rondes, tes jambes qui me font bander comme un cerf. Tu sens comme je te désire ?
— Je le vois dans vos yeux ; je vous en prie, soyez gentil avec moi, soyez doux. Et une montée de rouge jusqu’aux oreilles !
— Tu oublies quelque chose.
— Oui ?
— « S’il vous plaît, Monsieur. »
— Oh ! Oui, soyez doux s’il vous plaît, Monsieur.

Nous sommes partis après avoir bu un café, mais à ma surprise, au lieu de regagner la Pacer, Jason m’a guidée vers l’accueil de l’hôtel où il prit une clé, puis vers les ascenseurs ; il avait réservé une chambre pour ne pas avoir à conduire après le repas. J’ai rougi – encore – en me disant que « Le Moment » approchait ; dans l’ascenseur, je commençai à m’appuyer contre son épaule quand la cabine s’arrêta à notre étage. Nous n’avons croisé personne dans le couloir décoré de tableaux et tentures jaunes, puis Jason s’est arrêté, a ouvert la porte marquée 412 et s’est effacé. Je suis donc passée en pirouettant (j’étais un peu pompette, moi !) pour regarder autour de moi : c’était une grande pièce décorée en pastel de vert pâle et meublée avec goût, dont l’élément principal était un gigantesque lit qui m’a mis le feu aux joues ; des appliques un peu partout procuraient un éclairage tamisé à l’ensemble. Mais j’ai fait la moue car tout ça, joliment décoré, richement même, me paraissait un peu impersonnel.

Auteur : Matt Démon

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