Lisez le chapitre 7
--- Chapitre 8 : Areed s'explique… ---
Les
trois amis avançaient lentement dans la neige, emmitouflés dans leurs
manteaux. Ils virent apparaître le toit couvert d'un épais matelas de
neige de la petite maison où vivait Areed, leur ami demi-géant. De la
fumée blanche montait paresseusement de la petite cheminée dans le ciel
pur et glacé : cela signifiait qu'il était certainement là.
— Bon, rappela Cordery, on est bien d'accord ? On ne l'attaque pas de front, on lui demande son avis. Éventuellement, on lui dit qu'on enquête là-dessus.
— OK, approuva Youri. De toute façon, il est sans doute en cause, mais ce n'est pas lui qui a monté tout cela. Reste à trouver qui…
— Comment ça : "qui" ? Mais on le sait, qui : c'est le professeur Morg ! s'exclama Run, sûr de son fait.
— Oui, c'est sûr qu'il joue un rôle là-dedans, admit Youri. Mais cette histoire a l'air d’être compliquée : il faut aller jusqu'au bout, tout comprendre si possible…
— Si possible… répéta Cordery, soucieuse. Bon, on y va. Je vous avoue que je n'aime pas trop ce que nous allons faire, et je n'aime pas qu'Areed soit mêlé à tout ça. Quelqu'un, c'est évident, veut lui porter préjudice, on l'utilise, et je ne voudrais pas que nous allions nous aussi dans ce sens, du coup.
Ils approchèrent lentement de la maison, soucieux, les chaussures pleines de neige.
Youri conclut leur conversation :
— Ce qu'il faut se dire, c'est que comprendre son rôle va dans le bon sens, y compris et surtout pour l'épargner, lui éviter la catastrophe éventuellement. On sait que ses ennemis sont nombreux. Et ce n'est pas notre cas : nous sommes ses amis, peut-être même ses seuls amis.
Ses deux compagnons approuvèrent et sourirent, puis Youri frappa à la porte.
— C'EST QUI ? cria une grosse voix qui fit trembler la porte, la voix d'Areed.
— C'est nous, Areed ! répondit Youri. Nous : Cordery, Run et moi, Youri !
— Ah ?
Il y eut une hésitation, puis ils entendirent le pas lourd de leur ami venir derrière la porte et murmurer de sa voix de baryton :
— Vous êtes seuls ? Vous z'avez pas été suivis ?
— Non, non, répondit Cordery.
— Bon.
La porte s'ouvrit et ils virent le demi-géant jeter un regard inquiet sur le paysage enneigé alentour, avant de leur adresser finalement un sourire derrière sa barbe broussailleuse et de leur laisser le passage.
Ils entrèrent… et faillirent faire demi-tour !
Un dragon couvert d'écailles luisantes, vert acide, avec une crête mauve, à peu près gros comme un labrador obèse, trônait sur la table rustique au milieu de la pièce. L'animal les regarda de ses yeux luisants. Ils virent ses pupilles verticales se dilater et la bête ouvrit une gueule effrayante sur une double rangée de dents fines et longues ; ils aperçurent une langue comme une lanière écarlate, et l'animal battit de sa longue queue de lézard.
— Tout doux Casimiroff ! s'exclama Areed d'un ton inquiet. Ce sont des amis, ajouta t-il avec douceur, mais il fronçait les sourcils.
— C'est quoi ce… ce mons… cet animal ? demanda Run dune voix blanche.
— C'est Casimiroff, un Démon vert de Béring. C'est sans doute l'un des derniers représentants de cette famille qui fut immense, et particulièrement dangereuse. D'ailleurs, poursuivit le demi-géant en s'approchant prudemment de l'animal, ils sont en voie d'extinction parce qu'ils sont trop agressifs entre eux, ils se tuent les uns les autres.
— … m'étonne pas trop, marmonna Run tandis qu'Areed, qui apparemment n'avait pas peur, prenait dans ses bras le dragon pour le déposer dans un vaste panier en osier près de la porte d'entrée.
— Je n'ai pas le droit de le garder, il faut que je sois prudent.
— Mais… que fait-il ici, alors ? demanda Cordery.
— Je l'ai recueilli, avoua Areed d'un air triste. C'est un bébé, et je le nourris avec de la bouillie…
— QUOI ? Ça, un bébé ? s'exclama Run, stupéfait.
Le dragon se mit aussitôt à gronder en ouvrant une gueule menaçante, ce qui fit blêmir et reculer les trois jeunes amis.
— Lui parle pas mal, prévint doucement le demi-géant. Il est dangereux, même si c'est un bébé. Il est très susceptible, aussi. Les Démons verts de Béring crachent un puissant venin qui pénètre la peau et qui paralyse, et c'est un venin inflammable : il l'enflamme juste après, ce qui fait que leur proie meurt empoisonnée et brûlée… Il paraît que c'est désagréable.
— Ça, je… euh… commença Youri en dévisageant la bête vert acide.
— Je veux bien le croire, termina Run en avalant sa salive.
— Mais installez-vous, reprit Areed avec un grand sourire en rangeant le bol de bouillie de l'animal qui traînait sur la table, et z'avez pas à avoir peur de Casi : les Démons verts sont fidèles en amitié, du moins je me plais à le croire. Alors si vous êtes mes amis, vous craignez rien !
« J'espère bien, surtout qu'avec cette putain de bestiole tueuse près de la porte, faut même pas imaginer sortir de la maison à l'anglaise ou sans autorisation ! Si ça tourne mal avec Areed, on est coincé ! » pensa Youri, aussi peu rassuré que les autres.
Il s'évertua au calme et tous trois acceptèrent la proposition de leur hôte de prendre un thé. Ils jetaient cependant de fréquents regards inquiets sur le dragon, qui sembla ne plus leur prêter attention et se roula finalement en boule pour dormir.
Run, Cordery et Youri se détendirent un peu et purent apprécier l'ambiance de cette cabane chaleureuse qu'ils adoraient, remplie d'objets divers, de marmites de toutes tailles, de peaux et de crâne de bêtes incroyables, de flacons et de tapis. Ils s'étaient toujours sentis bien ici… Un grand feu brûlait joyeusement dans la vieille cheminée, et quand ils se retrouvèrent autour du thé et d'une curieuse tarte indéfinissable, large comme une roue de camion, les trois amis savaient malgré tout qu'hélas il fallait aborder le sujet difficile qui avait motivé leur venue…
— Alors, qu'est-ce que vous racontez de beau, depuis le temps ? attaqua Areed, l'air jovial. Vous n'êtes pas avec les autres, en sortie au village ?
Ce fut Cordery qui se lança :
— Non. En fait, nous menons une enquête.
— Ah ? Une… enquête ? répéta le demi-géant, visiblement troublé.
— Oui, et vous pouvez peut-être nous aider, continua la jeune fille d'un air décontracté, léger. Il s'agit de ces histoires de dortoir, vous avez dû en entendre parl…
— Non ! coupa leur hôte avec brusquerie en reposant sa part de tarte immense. Je ne sais rien ! Je ne suis au courant de rien !
— Allons, intervint Youri avec douceur, nous cherchons simplement à en savoir plus…
Le demi-géant, le regard flamboyant mais fuyant, se mura dans le silence, mais Cordery ne voulut pas laisser tomber :
— Areed, tu es notre ami. Nous avons besoin de comprendre, tu sais ?
— Mais je ne sais RIEN ! Vous entendez ça ? RIEN !
Il y eut un grondement énorme, et le dragon se dressa dans son panier, le regard et la gueule braqués vers la table. Sa crête mauve se déploya, ses ailes se déplièrent lentement : c'était terrifiant.
— Écoute, Areed, s'exclama Cordery d'une voix contenue, mais ferme, tu vas calmer ta bestiole et on va parler franchement, d'accord ? Je suis très étonnée de ta réaction, mentit-elle avec aplomb, l'air perplexe. Tu as l'air de savoir quelque chose…
— N… non, bredouilla le demi-géant, l'air soudain triste et abattu.
— Tu dois nous le dire, poursuivit-elle de la même voix douce et déterminée. Que se passe t-il ? Tu sais quelque chose. J’en suis surprise mais je dois comprendre. Tu dois savoir que… le dortoir en question, c'était le mien. Cette visite étrange, c'est à moi et mes amies qu'on l'a rendue, et je ne me souviens de rien, à part les éclairs…
— Les photos, c'est pas moi ! s'écria le demi-géant avant de se figer, l'air hagard.
Immobile, effaré, il rougit brusquement, se rendant compte trop tard qu'il venait de se trahir.
Il s'effondra alors entre ses bras énormes croisés sur la table, au milieu de son assiette et de sa tarte, renversant sa tasse de thé, et éclata en sanglots bruyants qui secouèrent toute la table.
Le dragon fit entendre un gémissement, et Youri, jetant un œil sur le tueur vert, le vit l'air très malheureux devant les larmes d'Areed. D'ici à ce qu'il veuille s'en prendre à ceux qui venaient faire pleurer son maître nourricier, il n'y avait qu'un pas : une attaque mortelle de cette affreuse chose verte était toujours possible !
— Areed… Nous devons en parler, tu ne crois pas ? demanda Cordery d'une voix apaisante.
Il y eut quelques sanglots et le demi-géant redressa sa tête pleine de cheveux et de barbe. Ses yeux rouges étaient humides, sa bouche tremblait, de grosses larmes s'accrochaient à son abondante pilosité, de même que… un truc vert fluo comme le dragon, qui coulait de sa narine gauche : une abominable morve.
Il sortit un mouchoir grand comme une nappe et se moucha très fort ; ça fit une déflagration grasse, écœurante.
« Ce type me dégoûte ! » se dit Run, qui attendit patiemment que le demi-géant soit en état de parler. Ce fut alors un murmure balbutiant :
— Je suis désolé…
— Bon, on parle de tout ça ? insista Cordery.
— Euh… oui. Mais j'ai promis le secret… C'est horrible ce que j'ai fait, mais… Oh ! Personne ne comprend…
— À qui as-tu promis le secret ? demanda Youri. Areed, raconte-nous tout depuis le début. Ça te fera du bien, et on est là pour t'aider… même si tu es impliqué. Je ne pense pas que ce soit de ta faute, tout ça.
— Dis-nous, enchaîna Cordery.
— Eh bien… Après… la première nuit… Ça, je le jure, j'y suis pour rien ! Je ne savais pas du tout ce qui s'était passé !
— On te croit, rétorqua doucement Run. Continue.
La bouche crispée par l'angoisse, le demi-géant en pleine crise de culpabilité se tordait ses énormes mains, et finalement il poursuivit :
— Après la première… nuit, cette première intrusion dont je ne sais rien du tout… on a glissé sous ma porte une grosse enveloppe. Il y avait des… des…
— Des photos ? Celles dont tu nous as parlé ? demanda Cordery, sûre que c'était de cela dont il s'agissait.
— Oui ! Des photos… Des photos du dortoir et… euh… des photos de toi… entre autres… des photos… très… euh… excitantes. Oh ! Ne m'en voulez pas ! gémit Areed en se remettant à pleurer.
— Areed ? Tu veux bien arrêter de chialer, s't'plaît ? Ça rend le dragon tout triste et j'aime pas ça ! glissa Run avec un sourire crispé en regardant par-dessus son épaule.
— Bon, continue, encouragea Youri. Des photos prises la première nuit. Donc, avec un mot, quelque chose d'autre dans l'enveloppe ?
— Oui, répondit Areed après s'être mouché une seconde fois. Un mot. Je vous montre.
Il se leva pesamment et sortit de sous son lit énorme une grosse enveloppe.
— Euh, je vous montre pas… les photos… ça me gêne, précisa t-il.
Tous virent qu'elles étaient chiffonnées quand il les tira de l'enveloppe, et nul besoin de trop d'imagination pour comprendre qu'il avait dû en faire un usage… intense.
Il prit une lettre pliée en deux, qu'il leur tendit. Ils se penchèrent pour la lire :
— Bon, rappela Cordery, on est bien d'accord ? On ne l'attaque pas de front, on lui demande son avis. Éventuellement, on lui dit qu'on enquête là-dessus.
— OK, approuva Youri. De toute façon, il est sans doute en cause, mais ce n'est pas lui qui a monté tout cela. Reste à trouver qui…
— Comment ça : "qui" ? Mais on le sait, qui : c'est le professeur Morg ! s'exclama Run, sûr de son fait.
— Oui, c'est sûr qu'il joue un rôle là-dedans, admit Youri. Mais cette histoire a l'air d’être compliquée : il faut aller jusqu'au bout, tout comprendre si possible…
— Si possible… répéta Cordery, soucieuse. Bon, on y va. Je vous avoue que je n'aime pas trop ce que nous allons faire, et je n'aime pas qu'Areed soit mêlé à tout ça. Quelqu'un, c'est évident, veut lui porter préjudice, on l'utilise, et je ne voudrais pas que nous allions nous aussi dans ce sens, du coup.
Ils approchèrent lentement de la maison, soucieux, les chaussures pleines de neige.
Youri conclut leur conversation :
— Ce qu'il faut se dire, c'est que comprendre son rôle va dans le bon sens, y compris et surtout pour l'épargner, lui éviter la catastrophe éventuellement. On sait que ses ennemis sont nombreux. Et ce n'est pas notre cas : nous sommes ses amis, peut-être même ses seuls amis.
Ses deux compagnons approuvèrent et sourirent, puis Youri frappa à la porte.
— C'EST QUI ? cria une grosse voix qui fit trembler la porte, la voix d'Areed.
— C'est nous, Areed ! répondit Youri. Nous : Cordery, Run et moi, Youri !
— Ah ?
Il y eut une hésitation, puis ils entendirent le pas lourd de leur ami venir derrière la porte et murmurer de sa voix de baryton :
— Vous êtes seuls ? Vous z'avez pas été suivis ?
— Non, non, répondit Cordery.
— Bon.
La porte s'ouvrit et ils virent le demi-géant jeter un regard inquiet sur le paysage enneigé alentour, avant de leur adresser finalement un sourire derrière sa barbe broussailleuse et de leur laisser le passage.
Ils entrèrent… et faillirent faire demi-tour !
Un dragon couvert d'écailles luisantes, vert acide, avec une crête mauve, à peu près gros comme un labrador obèse, trônait sur la table rustique au milieu de la pièce. L'animal les regarda de ses yeux luisants. Ils virent ses pupilles verticales se dilater et la bête ouvrit une gueule effrayante sur une double rangée de dents fines et longues ; ils aperçurent une langue comme une lanière écarlate, et l'animal battit de sa longue queue de lézard.
— Tout doux Casimiroff ! s'exclama Areed d'un ton inquiet. Ce sont des amis, ajouta t-il avec douceur, mais il fronçait les sourcils.
— C'est quoi ce… ce mons… cet animal ? demanda Run dune voix blanche.
— C'est Casimiroff, un Démon vert de Béring. C'est sans doute l'un des derniers représentants de cette famille qui fut immense, et particulièrement dangereuse. D'ailleurs, poursuivit le demi-géant en s'approchant prudemment de l'animal, ils sont en voie d'extinction parce qu'ils sont trop agressifs entre eux, ils se tuent les uns les autres.
— … m'étonne pas trop, marmonna Run tandis qu'Areed, qui apparemment n'avait pas peur, prenait dans ses bras le dragon pour le déposer dans un vaste panier en osier près de la porte d'entrée.
— Je n'ai pas le droit de le garder, il faut que je sois prudent.
— Mais… que fait-il ici, alors ? demanda Cordery.
— Je l'ai recueilli, avoua Areed d'un air triste. C'est un bébé, et je le nourris avec de la bouillie…
— QUOI ? Ça, un bébé ? s'exclama Run, stupéfait.
Le dragon se mit aussitôt à gronder en ouvrant une gueule menaçante, ce qui fit blêmir et reculer les trois jeunes amis.
— Lui parle pas mal, prévint doucement le demi-géant. Il est dangereux, même si c'est un bébé. Il est très susceptible, aussi. Les Démons verts de Béring crachent un puissant venin qui pénètre la peau et qui paralyse, et c'est un venin inflammable : il l'enflamme juste après, ce qui fait que leur proie meurt empoisonnée et brûlée… Il paraît que c'est désagréable.
— Ça, je… euh… commença Youri en dévisageant la bête vert acide.
— Je veux bien le croire, termina Run en avalant sa salive.
— Mais installez-vous, reprit Areed avec un grand sourire en rangeant le bol de bouillie de l'animal qui traînait sur la table, et z'avez pas à avoir peur de Casi : les Démons verts sont fidèles en amitié, du moins je me plais à le croire. Alors si vous êtes mes amis, vous craignez rien !
« J'espère bien, surtout qu'avec cette putain de bestiole tueuse près de la porte, faut même pas imaginer sortir de la maison à l'anglaise ou sans autorisation ! Si ça tourne mal avec Areed, on est coincé ! » pensa Youri, aussi peu rassuré que les autres.
Il s'évertua au calme et tous trois acceptèrent la proposition de leur hôte de prendre un thé. Ils jetaient cependant de fréquents regards inquiets sur le dragon, qui sembla ne plus leur prêter attention et se roula finalement en boule pour dormir.
Run, Cordery et Youri se détendirent un peu et purent apprécier l'ambiance de cette cabane chaleureuse qu'ils adoraient, remplie d'objets divers, de marmites de toutes tailles, de peaux et de crâne de bêtes incroyables, de flacons et de tapis. Ils s'étaient toujours sentis bien ici… Un grand feu brûlait joyeusement dans la vieille cheminée, et quand ils se retrouvèrent autour du thé et d'une curieuse tarte indéfinissable, large comme une roue de camion, les trois amis savaient malgré tout qu'hélas il fallait aborder le sujet difficile qui avait motivé leur venue…
— Alors, qu'est-ce que vous racontez de beau, depuis le temps ? attaqua Areed, l'air jovial. Vous n'êtes pas avec les autres, en sortie au village ?
Ce fut Cordery qui se lança :
— Non. En fait, nous menons une enquête.
— Ah ? Une… enquête ? répéta le demi-géant, visiblement troublé.
— Oui, et vous pouvez peut-être nous aider, continua la jeune fille d'un air décontracté, léger. Il s'agit de ces histoires de dortoir, vous avez dû en entendre parl…
— Non ! coupa leur hôte avec brusquerie en reposant sa part de tarte immense. Je ne sais rien ! Je ne suis au courant de rien !
— Allons, intervint Youri avec douceur, nous cherchons simplement à en savoir plus…
Le demi-géant, le regard flamboyant mais fuyant, se mura dans le silence, mais Cordery ne voulut pas laisser tomber :
— Areed, tu es notre ami. Nous avons besoin de comprendre, tu sais ?
— Mais je ne sais RIEN ! Vous entendez ça ? RIEN !
Il y eut un grondement énorme, et le dragon se dressa dans son panier, le regard et la gueule braqués vers la table. Sa crête mauve se déploya, ses ailes se déplièrent lentement : c'était terrifiant.
— Écoute, Areed, s'exclama Cordery d'une voix contenue, mais ferme, tu vas calmer ta bestiole et on va parler franchement, d'accord ? Je suis très étonnée de ta réaction, mentit-elle avec aplomb, l'air perplexe. Tu as l'air de savoir quelque chose…
— N… non, bredouilla le demi-géant, l'air soudain triste et abattu.
— Tu dois nous le dire, poursuivit-elle de la même voix douce et déterminée. Que se passe t-il ? Tu sais quelque chose. J’en suis surprise mais je dois comprendre. Tu dois savoir que… le dortoir en question, c'était le mien. Cette visite étrange, c'est à moi et mes amies qu'on l'a rendue, et je ne me souviens de rien, à part les éclairs…
— Les photos, c'est pas moi ! s'écria le demi-géant avant de se figer, l'air hagard.
Immobile, effaré, il rougit brusquement, se rendant compte trop tard qu'il venait de se trahir.
Il s'effondra alors entre ses bras énormes croisés sur la table, au milieu de son assiette et de sa tarte, renversant sa tasse de thé, et éclata en sanglots bruyants qui secouèrent toute la table.
Le dragon fit entendre un gémissement, et Youri, jetant un œil sur le tueur vert, le vit l'air très malheureux devant les larmes d'Areed. D'ici à ce qu'il veuille s'en prendre à ceux qui venaient faire pleurer son maître nourricier, il n'y avait qu'un pas : une attaque mortelle de cette affreuse chose verte était toujours possible !
— Areed… Nous devons en parler, tu ne crois pas ? demanda Cordery d'une voix apaisante.
Il y eut quelques sanglots et le demi-géant redressa sa tête pleine de cheveux et de barbe. Ses yeux rouges étaient humides, sa bouche tremblait, de grosses larmes s'accrochaient à son abondante pilosité, de même que… un truc vert fluo comme le dragon, qui coulait de sa narine gauche : une abominable morve.
Il sortit un mouchoir grand comme une nappe et se moucha très fort ; ça fit une déflagration grasse, écœurante.
« Ce type me dégoûte ! » se dit Run, qui attendit patiemment que le demi-géant soit en état de parler. Ce fut alors un murmure balbutiant :
— Je suis désolé…
— Bon, on parle de tout ça ? insista Cordery.
— Euh… oui. Mais j'ai promis le secret… C'est horrible ce que j'ai fait, mais… Oh ! Personne ne comprend…
— À qui as-tu promis le secret ? demanda Youri. Areed, raconte-nous tout depuis le début. Ça te fera du bien, et on est là pour t'aider… même si tu es impliqué. Je ne pense pas que ce soit de ta faute, tout ça.
— Dis-nous, enchaîna Cordery.
— Eh bien… Après… la première nuit… Ça, je le jure, j'y suis pour rien ! Je ne savais pas du tout ce qui s'était passé !
— On te croit, rétorqua doucement Run. Continue.
La bouche crispée par l'angoisse, le demi-géant en pleine crise de culpabilité se tordait ses énormes mains, et finalement il poursuivit :
— Après la première… nuit, cette première intrusion dont je ne sais rien du tout… on a glissé sous ma porte une grosse enveloppe. Il y avait des… des…
— Des photos ? Celles dont tu nous as parlé ? demanda Cordery, sûre que c'était de cela dont il s'agissait.
— Oui ! Des photos… Des photos du dortoir et… euh… des photos de toi… entre autres… des photos… très… euh… excitantes. Oh ! Ne m'en voulez pas ! gémit Areed en se remettant à pleurer.
— Areed ? Tu veux bien arrêter de chialer, s't'plaît ? Ça rend le dragon tout triste et j'aime pas ça ! glissa Run avec un sourire crispé en regardant par-dessus son épaule.
— Bon, continue, encouragea Youri. Des photos prises la première nuit. Donc, avec un mot, quelque chose d'autre dans l'enveloppe ?
— Oui, répondit Areed après s'être mouché une seconde fois. Un mot. Je vous montre.
Il se leva pesamment et sortit de sous son lit énorme une grosse enveloppe.
— Euh, je vous montre pas… les photos… ça me gêne, précisa t-il.
Tous virent qu'elles étaient chiffonnées quand il les tira de l'enveloppe, et nul besoin de trop d'imagination pour comprendre qu'il avait dû en faire un usage… intense.
Il prit une lettre pliée en deux, qu'il leur tendit. Ils se penchèrent pour la lire :
Voilà qui t'intéressera sans doute et te rappellera à coup sûr des bons souvenirs !
Si tu veux en profiter en vrai la nuit prochaine, ne dis pas un mot, à personne,
et je viendrai te chercher pour une séance qui te fera très, mais alors TRÈS plaisir !
À plus tard. Profite déjà de ces quelques images… émouvantes, mon gros porc :
elles sont à toi.
Si tu veux en profiter en vrai la nuit prochaine, ne dis pas un mot, à personne,
et je viendrai te chercher pour une séance qui te fera très, mais alors TRÈS plaisir !
À plus tard. Profite déjà de ces quelques images… émouvantes, mon gros porc :
elles sont à toi.
La lettre n'était pas signée, et l'écriture calligraphique à la plume et à l'encre d'un violet rougeâtre était trop soignée pour renseigner sur son auteur.
Si ce n'est que… ce n'était pas Areed !
— Que signifie cette allusion à des bons souvenirs ? voulut savoir Youri.
— Eh bien… commença le demi-géant, l'air gêné, c'est un peu… délicat à raconter…
Il rougit et regarda ailleurs, cherchant ses mots.
« Ça m'étonnerait que ce soit délicat à ce point-là, venant de toi ! » ne put s'empêcher de penser Run, qui faillit éclater de rire.
— Alors ? murmura Cordery.
— Eh bien… au début, quand je suis arrivé ici, j'étais un peu… affolé par les filles, les étudiantes. Faut dire que… euh… sexuellement, je… j'ai pas connu… enfin personne avant, j'étais très… euh… perturbé, voyez ? Je matais en douce et j'avais… du mal à rester calme… et… hum, j'ai eu une histoire avec une fille.
— Ah ? glissa Run, perplexe.
— Oui… Une… allumeuse. Cornélita, elle s'appelait, elle venait du nord de l'Italie. Elle était… magnifique… Brune, avec des gros nénés. Tout à fait mon genre.
— Ouais, glissa Run.
— Elle avait parié avec ses copines qu'elle verrait… ma biroute et me ferait… euh… enfin… jouir. Mais j'ai eu… hum, comment dire ? J'ai eu du mal à en rester là. Alors après, elle a dû subir un sort d'amnésie… très très fort. DoublePorte m'a couvert… pour cette histoire. Et la fille en question, il paraît qu'elle boîte encore, c'est au niveau du bassin que c'est difficile à remettre. Mais… euh… elle a eu l'air d'aimer ça, sur le moment, au début vous voyez. Après, elle est tombée un peu dans les pommes… Moi j'ai bien aimé, en tout cas.
Le regard d'effroi que lui lança Cordery était à peu près comparable à l'ahurissement hébété de Run et à la panique silencieuse de Youri à l'évocation de cette « aventure » désastreuse.
— Euh, reprit courageusement Cordery, tu nous racontes la… la suite, maintenant qu'on connaît tes antécéd… tes bons souvenirs ?
— Oh non, rectifia Areed, morose, c'était pas des bons souvenirs. DoublePorte et Mc Gottadeal étaient furieux contre moi, ils ont failli me… dénoncer et me faire virer… Mais quand on l'a emmenée à l'infirmerie pour la retaper et lui faire son sort d'amnésie, la fille avait un tel sourire, on pouvait pas lui enlever, elle répétait « Oh bordel, c'était trop, oooh bordel, c'était trooop, oh booordel, c'était trop… » Alors, bon… J'ai tué personne, hein ? J'étais simplement… euh… pas aux bonnes dimensions, quoi. Par rapport à elle. Mais ma punition, c'était que tout le monde a eu peur de moi après, je foutais la trouille aux filles.
— Ah… Je vois, murmura Youri, écœuré.
— Bon, je reprends. J'étais très… euh… tenté, quoi, tenté par cette proposition anonyme, même si je me doutais de toutes les emmerdes que ça signifiait. Chuis pas un malin, faut dire ce qui est, mais je flairais le truc pas clair qui allait me retomber sur la gueule : pourquoi on me proposait un truc pareil ? En faisant en plus allusion à cette vieille histoire qu'était pas censé êt' connue, voyez ? Mais…
— Oui ?
— Eh bien, euh, les photos étaient… incroyables. Je pouvais pas faire autrement que… euh… voyez ?
— Oui, répondit Cordery. Et ?
— Et c'est vrai que… tu y étais, toi, sur ces putains de photos sorties de nulle part, et on voyait tout de… de toi, pire que ça… et que j'ai toujours… euh… eh ben… tu m'as toujours plu, quoi !
Cordery, toute blême d'un coup, grimaça une sorte de sourire, crispée sur sa chaise, et commença à avoir une trouille de tous les diables, tandis que ses compagnons réfléchissaient déjà à comment neutraliser l'ignoble dragon qui dormait près de la porte d'entrée pour fuir au plus vite cette baraque et ce mastodonte libidineux d'Areed avant qu'il ne se jette sur la pauvre Cordery pour lui élargir le bassin à coups de bite.
— Oh, mais ne crains rien, ne craignez rien ! s'exclama le demi-géant avec un sourire bienveillant plein de tristesse en considérant soudain l'angoisse qu'avait suscitée sa déclaration. À la suite de cet incident, Mc Gottadeal m'a fait boire une décoction de Limitas pulsam, avec un sort permanent qui m'empêchera toute ma vie d'avoir une relation sexuelle… une pénétration… avec une femme humaine, sorcière ou mougle. Je ne peux pas. Sauf si Mc Gottadeal elle-même lève le sort.
— Je confirme ! s'exclama une voix connue à l'entrée de la maison.
Tous sursautèrent et braquèrent leur regard sur la porte d'entrée, qu’Athéna Mc Gottadeal venait de franchir.
Le dragon se réveilla brutalement et se dressa d'un coup, prêt à attaquer, mais la directrice leva la main et s'exclama :
— Areed, si tu as une quelconque influence sur cette sale bête, empêche-la tout de suite de faire quoi que ce soit contre moi, sinon je la bute et je récupère la peau pour me faire un sac à main. Ce sera chic.
Terrifié par cette éventualité, le demi-géant s'écria :
— Calme, calme, Casimiroff, c'est une amie à papa, une gentille dame. Tout doux mon bébé !
Interloqué, le dragon sembla hésiter, puis sa crête retomba et jetant un coup d'œil par en dessous à la directrice. Il se rétracta légèrement pour finir par se recoucher dans son panier, sans doute un peu déçu de n'avoir pas occis l'intruse.
Mais bon, puisque c'était une copine à papa…
— Bonjour à tous, s'exclama Mc Gottadeal avec un sourire. Je suppose que c'est votre enquête qui vous mène ici, mes jeunes amis…
— Vous avez entendu notre conversation ? demanda Run.
— Non, vous allez me raconter cela. Areed, tu me sers un peu de thé ?
— Oui oui, Athéna, répondit le demi-géant, l'air ennuyé, un peu pâle, sans doute pas excessivement ravi d'avoir à avouer tout ce qu'il avait sur la conscience devant la directrice adjointe de l'école.
Ce fut donc Cordery qui fit un compte rendu de ce qu'ils avaient appris jusqu'à présent. Mc Gottadeal écouta attentivement, l'air grave, examina soigneusement la lettre anonyme en silence, but un peu de thé et proposa à Areed de poursuivre.
— Et donc, je… j'ai décidé de… tenter le coup. J'aurais pas dû, je sais, mais…
— Mais tu es ce que dit la lettre, sourit-elle, glaciale et ironique.
Hein ? Eeeuh… Oui : ’fectivement, chuis un gros porc. Ouais, je reconnais que… oui. Mais je suis seul, je suis un peu con, personne m'aime et veut de moi… et personne me ressemble, ajouta-t-il, la voix tremblante, le regard baissé.
— Bon, passons, rétorqua Mc Gottadeal avec plus de douceur. Continue.
— Le soir venu, il y a eu soudain une sorte d'orage dans cette pièce, et la cheminée s'est mise à flamber bizarrement, comme pour un Passage trans-lieux, voyez ? Je m'attendais à voir apparaître quelqu'un, mais il y eut une voix qui a retentie, étrange, grave, comme un frottement… comme si elle tournait pas à la bonne vitesse, voyez ?
Youri poussa un cri étranglé. Areed venait de décrire la voix du Maître Noir, lord Tombfroide, Celui-dont-on-évite-le-nom ! Il garda cela pour lui, mais vit dans le regard aiguisé de Mc Gottadeal qu'elle avait compris. Elle avait pâli.
— Et la voix m'a dit de… de rentrer dans la cheminée. C'était bien un passage.
— Mais les Passages trans-lieux sont interdits dans l'enceinte de l'école ! s'écria Cordery, interdite.
— Oui, confirma la directrice, pensive. Et je pense que seul un très grand maître de la magie noire, si ce n'est… le plus grand… a le pouvoir de contrer cette interdiction ancestrale. C'est extrêmement grave.
Tous gardèrent le silence, un silence effrayé, et Cordery et Run comprirent pourquoi Youri avait crié.
— Oh mon Dieu… gémit Areed d'une voix blanche. Je n'aurais pas deviné… si… Oh là là… Si ce que vous dites est vrai, je… je me suis fait… j'ai été le jouet, le complice de… de Lui. C'est abominable !
— Tu as été utilisé, c'est de toute façon une réalité, décréta la directrice. Par lui ou par un autre, c'est malheureusement évident. Il faut maintenant tout nous dire, ajouta-t-elle, nous devons apprendre tous les détails pour mieux comprendre… le péril qui nous guette.
— Oui… Je…
Le demi-géant ouvrit une bouche immense et engloutit en une bouchée une portion énorme de sa part de tarte gigantesque. Il mâcha lentement, la mine triste, les yeux pleins de regrets, essuya des miettes sur sa barbe, but du thé et continua :
— Je suis arrivé dans le dortoir. Il régnait une… ambiance étrange, comme une brume… J'ai eu la tête qui tourne, il y avait comme… de la vapeur mauve. Je me sentais bizarre. Et puis… enfin… Je suis très gêné pour raconter la suite, rougit-il.
— Raconte tout de même, répliqua Mc Gottadeal. Il le faut.
— Il y avait… les trois filles, poursuivit Areed en évitant de regarder dans la direction de Cordery, l'une des trois. Elles dormaient, en fait. Il y avait une drôle de vibration dans l'air, il faisait chaud, et puis il y a eu… des phrases étranges, vraiment bizarres, dans l'atmosphère.
— Du Reptilangæ ! s'exclama brusquement Youri, assailli par l'évidence. Tous sursautèrent en frissonnant.
— Oui, sans doute, approuva Mc Gottadeal à voix basse.
Tous savaient ce que cela signifiait : seuls Youri et lord Tombfroide partageaient cette capacité de parler le langage des reptiles !
Cela confirmait que le Seigneur Noir était dans le dortoir ce soir-là : c'était donc Lui, en personne, qui était derrière tout cela… Mais cela pouvait également permettre à quelqu'un de malintentionné d'impliquer, d'incriminer Youri, pourquoi pas de l'accuser !
— Continue ! intima Mc Gottadeal en dévisageant Areed.
— Eh bien… Le… les phrases étaient sans doute des… des ordres, des incitations, quoi : les trois filles, sans se réveiller, ont commencé à… bouger, à… s'étirer, repousser les… les draps et… et puis elles… elles ont enlevé leur chemise de nuit. Les phrases continuaient, ça rentrait dans la tête, je me sentais flotter… et… eeeuh…
— Oui ?
— Je ne peux pas ! s'exclama le demi-géant en grimaçant de honte.
— Areed, intervint Cordery d'une voix douce mais ferme, vas-y. C'est fait, on n'y changera rien, c'est trop tard. C'est moche, mais c'est du passé. Seul l'avenir compte, ajouta la jeune fille, et ce qui nous intéresse maintenant par-dessus tout, c'est le piège qui se prépare, pas ce que tu as fait !
— Oui… je comprends… mais c'est… j'ai honte.
Il but du thé, et reprit finalement d'une voix faible :
— Les filles ont commencé à … à se caresser toutes seules, à se… masturber, puis une des filles s'est levée et a rejoint… toi, Cordery. Elle s'est… penchée pour… pour te lécher. Et moi… j'étais très… très excité, comme un fou. Je… j'ai sorti mon engin et j'ai… je me suis branlé en vous regardant. Vous étiez… euh… très belles et très… bandantes.
— Et la voix ? demanda Youri, blême.
— Elle continuait à raconter des trucs. Il faisait de plus en plus chaud. Et puis il y eu des éclairs. Blancs.
— Les photos, commenta Run. Les flashs.
— Oui. Mais il n'y avait personne dans la pièce, personne d'autre, sauf que je…
— Oui ?
— Je ne pouvais pas regarder dans un coin de la pièce. Impossible, quelque chose m'en empêchait. Et puis bon. Ce qui… m'intéressait et que je regardais attentivement, c'était… vous, les filles. La troisième est venue sur ton lit et s'est… euh… assise sur ton visage. Vous respiriez fort. Et moi, je me branlais. Jusqu'à ce que… Jusqu'au bout. J'ai joui très fort, pas loin de vous. Je ne pouvais pas… euh… j'aurai voulu… vous… enfin, vous jouir dessus, mais une force m'en a… comment dire, empêché. Et puis… il y a eu des éclairs quand je jouissais, et quand ça a été fini, après, il y a eu… un grand rire affreux, un truc qui fout les jetons, et moi, ben, je venais de me soulager, j'étais déjà… pas fier, voyez. Je savais que j'avais fait une énorme connerie, mais en entendant ce rire, je me suis dit que j'étais… condamné. Un rire tout bas mais ignoble, j'en frissonne encore !
— Et après ?
— La voix m'a dit un truc, attendez… oui : « C'était bon, hein, mon gros porc ? Tu peux rentrer chez toi. Fais-toi discret, ne raconte rien à personne, bien entendu, et il y aura peut-être une autre séance de ce genre, ou même mieux… »
— Mieux ? demanda Run, sourcils froncés.
— Oui, il a ajouté… « Tu pourras peut-être t'en farcir une », il a dit, et… il a terminé en riant en disant « On la choisira bien large ! » Il rigolait, il se foutait de moi, j'étais… vraiment mal, plus honteux et plus coupable, c'était… pas possible, faut me croire !
— Ouais, on te croit, lâcha Youri écœuré. Et après ?
— Je suis repassé par la cheminée, j'ai atterri ici. Et j'ai pensé… mettre fin à… tout, en finir, cette nuit-là. C'était affreux.
— Excuse-moi, mais j'ai du mal à te prendre en pitié, s'exclama Youri, la bouche crispée et les yeux flamboyants. Tu as été manipulé, mais sans réfléchir plus que ça : tu penses avec ta bite, tu as été minable !
Le dragon grogna et Youri tourna la tête, le regarda droit dans les yeux et menaça d'un ton sans appel :
— Toi, le monstre, je te zigouille si tu m'emmerdes. Ton maître est un minable et un abruti, un pervers con comme un manche !
Le silence, lourd, retomba sur la pièce, et soudain Areed éclata en sanglots.
— C'est un peu facile de chialer ! s'écria Youri, au comble de l'agacement et du mépris. Facile de chercher à nous émouvoir. Tu vas nous fendre le cœur… Mais si tu avais pu, c'est autre chose que tu aurais fendu, comme avec cette étudiante prétendument allumeuse. Tu es un dangereux, un maniaque ! Tu me dégoûtes, et c'est tout !
Le jeune homme se leva brusquement et se dirigea vers la porte. Le dragon hésita visiblement, et regarda finalement ailleurs tandis que Youri ouvrait la porte à la volée avant de la claquer avec force.
Le demi-géant redoubla de larmes, ses épaules titanesques secouées de sanglots.
Auteur : Riga
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