dimanche 23 août 2015

San Francisco Blues (3)

CHAPITRE TROIS : RÉÉDUCATION

J’ai repris mon travail au restaurant, et le patron a eu le tact infini de ne pas me poser de questions. Le jeudi après-midi, j’ai pris le BART jusqu’à Berkeley North, puis j’ai marché une bonne demi-heure pour arriver au centre de soins. Comme je pouvais m’y attendre, ce n’était pas exactement un centre pour prolétaires : jardin fleuri aux parterres taillés au cordeau, petit bâtiment d’adobe et de verre ultramoderne, jolie réceptionniste stylée en blouse rose dans un hall climatisé digne d’un palace ; tout inspirait le respect, et puait le fric. Eh oui, Steph ; qu’importent le contexte ou les circonstances : tu n’es définitivement pas du même monde que Jason.

Le-dit Jason, succinctement vêtu d’un short noir à rayures argentées, pédalait comme un malade sur un vélo elliptique, le corps couvert de patchs reliés par des fils à un stimulateur. Luisants de sueur, ses muscles saillaient de fort belle manière. Bien qu’ayant perdu pas mal de masse musculaire, il présentait encore un physique qui me mit tout de suite en émoi. Il ne m’avait pas vue car il regardait un film sur un grand écran plat, et il ne pouvait non plus m’entendre du fait des écouteurs sur ses oreilles. Ignorant la chaleur dans mon ventre, je me suis approchée et ai posé la main droite sur son biceps.

J’ai été récompensée par un sourire si frais que j’ai fondu. Son bras est passé sur mes épaules pour m’approcher encore et Jason a plongé le visage dans mes cheveux, me humant d’une longue inspiration qui m’a fait frissonner des pieds à la tête.

— Merci, Steph ; c’est le plus beau cadeau que tu pouvais me faire.
— Vous me faites toujours autant d’effet, même malgré moi, Monsieur.
— Steph, c’est fini, ces conneries. Pour toi, je suis Jason. S’il te plaît. Non, ne pleure pas, je t’en prie. J’ai été un imbécile, je le sais maintenant, et j’ai contribué à briser ton corps et tous tes rêves. Maintenant je ferai tout mon possible pour réparer ce qui peut encore l’être. Je ne me voile pas la face : je ne mérite pas ton amour ni même ton amitié, mais accepte mon aide. Tout cet argent qui t’a détruite doit permettre de te reconstruire. Aide-moi à descendre de cet engin de torture ; avec tous ces fils, je vais me casser la figure…

Un kiné libéra Jason des patchs quelques instants plus tard, puis je suis allée dans le parc attendre le temps qu’il prenne une douche. Il avait peut-être changé, après tout ; le fait qu’il m’autorise à le tutoyer (rappel : en anglais, le tutoiement n’existe plus depuis l’abandon élisabéthain du “thou”, seul le “you” subsistant ; l’usage intime du prénom – voire de son diminutif – a le même usage), jamais il ne l’avait proposé à Miami, au contraire. Assise sur un banc, j’étais si plongée dans mes pensées que je ne l’ai pas entendu approcher ; j’ai sursauté et retenu un petit cri quand il a touché mon épaule. Il portait un peignoir brodé aux armes de la clinique, et rien d’autre à ma connaissance.

— Eh bien, je te fais toujours de l’effet, à ce que je vois.
— Ne te vante pas non plus de faire peur aux fragiles jeunes filles…
— Pardonne-moi ; ça va ?
— Ici et maintenant, oui : tu as l’air en meilleure forme que l’autre jour.
— C’est le matin ; j’ai du mal à tenir douze heures. En plus, avec ce que je fais comme exercices, j’étais déglingué chez toi, l’autre soir.
— Assieds-toi à côté de moi.

Il s’est exécuté et nous sommes restés longtemps sans prononcer le moindre mot, appréciant ce simple contact des hanches et des épaules. Puis il a pris ma main dans la sienne ; sa chaleur m’a troublée et il s’en est aperçu aussitôt, son pouce caressant ma paume en petits mouvements concentriques qui firent accélérer mon cœur.

— Steph, j’ai envie de toi avec une intensité que je n’aurais pas crue possible. Je n’ai pas fait l’amour depuis très longtemps, j’ai oublié quand ; alors je peux attendre que tu me fasses signe, si tu as envie de me faire signe un jour.
— Je suis là, Jason ; j’ignore si je t’aime encore, mais je suis là pour toi. Comment te sens-tu ?
— En fait, de mon coma je n’ai que des souvenirs fantômes. Ce qui oblitère plus d’un an de vie ; mon retour a été un cauchemar, au début. Il m’a fallu tout réapprendre, me réapproprier mon corps de A à Z. Marcher, parler, même satisfaire mes besoins naturels. L’horreur. Mais toi, Steph ? Callie m’a dit que tu as été salement blessée aussi.
— Un traumatisme crânien et l’épaule droite en miettes.
— Et ça va, tu as récupéré tout ?
— Pour le crâne, ça m’a valu cette nouvelle coupe de cheveux, et je ne parle pas de la couleur. Pour l’épaule, c’est moins drôle : plus de natation ni de perche. Mais comme je me suis retrouvée à la rue, sous un faux nom et sans argent, tu comprendras que le sport de compétition n’a pas été ma priorité.
— Putain, c’est pas vrai ! Je suis désolé. Nous t’avons sortie de la pauvreté pour te casser et te coller dans une merde noire. C’est dégueulasse.
— Oui, c’est ce que je pense aussi, admis-je.
— Et comment tu peux venir me voir encore ? Je représente tout ce qui t’a brisée, gronda-t-il.

J’ai soupiré, pliée en avant, les avant-bras sur les genoux.

Comment lui faire comprendre que je ne savais pas vraiment pourquoi j’étais venue, mais que je ne lui en voulais plus, qu’il n’avait été qu’un instrument lui aussi des agissements de son père ? Il n’a jamais eu aucune chance contre lui, en fait ; les dés étaient pipés et il ne pouvait que perdre. Son père l’a manipulé comme il m’a manipulée, il nous a brisés tous deux.

— Non, tu n’es pas cela ; plus exactement, tu n’es pas que cela. Tu es aussi l’homme à qui j’ai donné ma virginité quand je ne possédais que ça.
— Steph, tu étais dans une situation précaire, je ne sais pas si…
— Jason, crois-moi : si j’avais voulu refuser, pas une fois tu ne m’aurais touchée. Ce que nous avons fait, je l’ai voulu autant que toi, j’en ai tiré du plaisir autant que toi. Et parfois plus. Je n’oublie pas quand même la fois où tu as baisé ma bouche à me rendre malade, mais je te pardonne. À ce propos, tu dis que tu as envie de moi ; as-tu une chambre ici ?
— Viens. Le centre dispose de dix chambres, mais quatre seulement sont occupées ; les riches n’ont pas de souci de santé. Les trois autres résidents sont des sportifs professionnels : un golfeur, un joueur de tennis et un basketteur ; mais là j’étais seul à travailler, ils ont disparu ensemble…

En m’accompagnant, il tapota sur sa narine et inspira. Ouais, cocaïne ! Je secouai la tête ; la cocaïne était trop présente dans beaucoup de sports. Pour l’effet flash ; pour atténuer la douleur aussi. Et les clients du centre souffraient dans leur chair, sinon ils ne seraient pas là. Je jetai un discret coup d’œil à Jason, essayant d’évaluer la souffrance qu’il pouvait bien endurer ; sans anti-douleurs, il a dû passer par des moments difficiles.

Sa chambre était exactement ce que j’en attendais : spacieuse et claire. Sans être à proprement parler luxueuse, elle était pourvue de tout le confort moderne : climatisation, écran télé géant, frigo-bar dont il sortit une demi-bouteille de champagne.

— Tu en veux ? J’ai des coupes, et je ne l’ai pas encore goûté ; j’attendais une occasion spéciale. Je ne pouvais rêver mieux.
— Pas tout de suite ; j’ai quelque chose pour toi : considère que c’est mon cadeau de bienvenue à Frisco.

J’ai pris un coussin sur le lit pour le poser sur le sol devant Jason puis, les yeux dans ses yeux, je me suis agenouillée. Il n’a rien répliqué, mais ses yeux sont devenus encore plus sombres ; il a posé la bouteille sur une tablette puis m’a souri.

— Bébé…
— Sssh ! Où caches-tu ce truc que tu as et que j’aime bien ? Oops ! J’avais oublié sa taille, après tout ce temps…
— Tu as dû connaître d’autres hommes, depuis l’accident. Moi, ça ne fait que six mois que je revis ; mais pour toi, presque deux ans.
— Primo, ce n’était pas un accident, mais une agression. Deusio, ça ne te regarde pas, mais, non : je n’ai « connu » aucun autre homme depuis.
— Je te demande pardon, ça ne me regarde pas, effectivement… Oh ! Steph…

Rien de mieux pour le faire taire ! J’avais gobé son gland et le taquinais des dents et de la langue ; ceci tout en continuant à fixer ses yeux devenus entièrement noirs. Puis, tout en soupesant et caressant les lourds testicules, j’ai englouti lentement toute la colonne de chair, m’y reprenant à trois fois pour enfin plonger mes lèvres dans la toison de son pubis. J’avais perdu l’habitude, mais j’y étais arrivée. J’ai pompé comme une furieuse avant de reculer et de reprendre mon souffle, mes lèvres reliées au gland luisant par un filet de salive que j’ai aspiré avant de darder le bout de ma langue dans le méat urinaire, arrachant un gémissement de plaisir à mon ex-patron.

— Je ne vais pas… tenir bien longtemps…

Il a posé les mains sur mes oreilles et ma nuque, m’interdisant tout retrait. J’ai retiré les miennes de ses bourses pour les croiser dans mon dos, lui signifiant d’un clin d’œil de prendre les commandes. Il s’est planté en moi, écrasant mes lèvres en force contre son pubis et m’a maintenue ainsi quelques secondes, s’est reculé le temps que je respire avant de revenir encore plus fort. Et il s’est vidé en plusieurs jets dont je sentis la violence à travers sa verge. Puis il m’a aidée à me relever et m’a embrassée sur la bouche.

— Merci, jolie diablesse. La prochaine fois, si du moins tu envisages de revenir, je m’occuperai de toi comme tu le mérites.
— Je ne peux revenir avant lundi ; mais si tu veux, je viendrai le matin. Avec la durée du transport, je peux être ici vers 10 heures.
— Attends ; lundi, je t’envoie une voiture à 9 heures en bas de chez toi : je ne veux pas que tu te fatigues dans les transports en commun pour moi. Et c’est non négociable ; je vois que tu t’apprêtes à râler, mais c’est non. D’ailleurs, tu en as un chauffeur qui t’attend devant la porte du centre.
— Tu es exaspérant, avec ta manie de tout contrôler ; mais je présume que c’est ta manière de prendre soin de moi, alors j’accepte. Mais je veux être au courant de tes initiatives la prochaine fois.
— Promis, Stephanie. J’essaierai de ne pas t’énerver, mais parfois je recommence.
— Parfois ? Je crois que tu te sous-estimes ! Je crois que le contrôle est ta seconde nature.
— Je vais y réfléchir pour lundi, je te promets.

Nous avons bu une coupe de champagne bien frais après avoir trinqué, les yeux dans les yeux. Puis je suis donc partie en taxi, une Lincoln noire avec chauffeur en tenue grise et casquette assortie ; le genre de chauffeur chicos et flegmatique, qui ouvre la portière à ses clients avec courbette professionnelle, salue soit en touchant avec deux doigts joints sa visière, soit en ôtant carrément la casquette ; j’ai eu droit à cette dernière version.

— Mademoiselle LeBlond, bonjour ; je suis Fred, votre chauffeur. Voici ma carte, si vous avez besoin de moi. Je suis à votre disposition.
— Merci. Je ne manquerai pas de vous appeler. Je vais vous guider, j’habite dans Bernal.
— Je sais ; merci, Mademoiselle.
— Et vous pouvez m’appeler Steph ; « Mademoiselle », franchement…
— Je comprends tout à fait, Mademoiselle.

J’ai levé les yeux au ciel en soupirant. Un comique ! J’avais bien besoin de ça. Enfin… Il m’a posée au bas de mon immeuble en un temps record, c’était le principal. Ma coloc était de sortie, alors je me suis astreinte à une sévère séance d’assouplissements avant une bonne douche ; en débardeur rose sur culotte blanche, j’ai préparé une salade chicons-pamplemousse-fromage (les chicons, ce doit être le nom français des endives, vu que c’est mon patron qui les appelle comme ça). En tailleur dans le canapé, j’ai mangé en regardant du basket sur ESPN. Marrant ; tellement marrant que je me suis endormie. Kach m’a réveillée en serrant mon épaule et je lui ai souri, l’esprit embrumé.

— Allez, au lit, grande blonde teinte en noir : tu vas être courbaturée demain matin ; enfin, tout à l’heure. Il est presque une heure.
— Je peux dormir avec toi ? Je serai sage.
— Il y a un souci : je ne suis pas seule.

Un raclement de gorge, et le surfeur se présenta dans mon champ de vision en m’adressant un sourire timide. Ouais ! Bon, Steph, tu te retires dans tes appartements et tu te colles la tête sous ton oreiller si tu veux dormir.

— Désolé, Thomas ; je ne voulais pas…
— Tu peux m’appeler Tom, je préfère. Je te proposerais bien de partager ma petite chérie, mais tu as l’air crevée.
— Tom ! Désolée, Steph, mais là, j’aimerais…
— Pas de souci, je file dans mon lit ; je suis effectivement crevée. Mais l’idée est intéressante, Tom ; je pense que notre amie passerait des moments inoubliables.
— Bande de pervers ! Houston, je ne vous entends pas ! serina mon amie, les mains collées sur les oreilles.

Puis elle ajouta, comme je lui faisais une petite bise sur la joue :

— Mais je retiens l’idée : être au lit avec les deux personnes que j’aime ne peut pas être mauvais.

Le samedi soir, après mon service, je suis revenue à pied du restaurant, comme d’habitude. J’ai sursauté quand une grosse voiture noire garée devant chez moi a fait un appel de phares ; puis Fred est sorti, m’a saluée en tapotant sa casquette et a ouvert la portière passager. Callie est descendue et s’est approchée de moi ; à trois mètres et sous l’éclairage public, elle m’a parue rapetissée, blafarde ; et malade. Inquiète, je me suis précipitée pour la soutenir et la serrer contre moi. Elle pleurait, et j’ai vu que Fred se détournait, gêné, avant de monter dans la Lincoln et de refermer sans bruit sa portière.

Nous sommes montées en silence dans l’appart vide et silencieux. Ma copine faisait son show, malgré les préventions de Thomas qui ne voulait pas qu’elle continue son boulot de danseuse « exotique ». J’ai aidé Callie à s’asseoir dans un coin du canapé et lui ai fait boire un verre d’eau ; recroquevillée, les doigts des deux mains entrelacés enserrant le verre à faire blanchir ses phalanges, elle me parut encore plus fragile qu’un instant plus tôt dans la rue ; plus désespérée aussi. Elle leva ses yeux rougis vers moi, s’accrochant désespérément à mon regard.

— J’ai honte, Stephanie LeBlond, affreusement honte. Mon avocat a eu accès au dossier de mon frère et j’ai pu savoir tout ce qu’il t’avait fait, avant et après le plongeon dans Biscayne. J’ai honte de n’avoir pas compris qu’il était un prédateur sexuel, j’ai honte pour ma famille ; je le tuerais si je le pouvais. Mon propre frère !

Elle partit en sanglots silencieux et je m’assis contre elle pour la serrer dans mes bras sans rien dire ; puis elle se calma et accepta la boîte de mouchoirs en papier que je lui tendais.

— C’est toi qui me réconfortes, après tout ce que nous, les Fishburne, t’avons fait subir…
— Arrête avec cette histoire, Callie ; tu n’y es pour rien, et Jason… Ma foi, c’est Jason ; je lui ai déjà pardonné.
— J’ai vu comment tu le regardais : il ne t’est pas indifférent. Alors tu lui pardonnes parce qu’au fond tu l’aimes.
— Callie ! C’était il y a deux ans. J’ai changé, et en vérité je ne sais plus où j’en suis avec lui.
— Tu as rencontré beaucoup d’autres hommes ?
— C’est ma vie, bordel ! Je fais ce que je veux !
— Pardonne-moi, ma question était déplacée.
— Je crois aussi. La réponse est non. Je n’ai rencontré personne. L’amour, ça fait vraiment trop mal.
— Étant donné ce que tu as vécu, je comprends que tu penses ça. Mais l’amour, c’est aussi si merveilleux qu’il justifie que l’on prenne des risques, que l’on se brûle les ailes.
— Tu as connu ça, toi ?

Je n’y pouvais rien, mais ma voix était ouvertement sceptique ; Callie s’est raidie avant de se relâcher en soupirant, les yeux dans le vague.

— J’ai vécu sept ans avec un homme. Un chicano, pauvre, veuf et beau comme un Dieu. J’ai été la honte de la famille, rejetée par tous, sauf mon frère ; je m’en fichais, j’étais heureuse. J’avais à peine vingt ans quand je l’ai connu, je voulais me marier, avoir plein d’enfants. Nous nous sommes mariés à Las Vegas, mais pour les enfants… Je suis stérile ; et Pablito est mort trop tôt, trop jeune. J’ai survécu je ne sais comment ni pourquoi, mais je ne regrette rien, pas un jour de ces sept années de bonheur.
— Je suis désolée ; je ne voulais pas…
— Tu n’as pas à être désolée, tu n’y es pour rien. Alors oui, l’amour fait mal, mais sans lui ce n’est pas la peine de vivre. Je chéris chaque seconde que je vis, je chéris chaque seconde que j’ai vécue avec Pablito. Allez, je file me coucher avant de radoter ; rappelle-toi que je t’aime. Et merci encore de m’avoir reçue.

— Bonne nuit, Callie ; je t’aime aussi.

Le lundi matin, après mes presque deux heures de footing, j’ai pris une longue douche et me suis préparée à rejoindre Jason : soutien-gorge à balconnets en dentelle blanc, string coordonné, petite robe imprimée à dominante bleu et rouge froncée à la taille, escarpins noirs à talons hauts. Je me suis envoyé un baiser dans le miroir en faisant le vœu de réussir cette journée de retrouvailles. J’ai tourné sur mes talons hauts en souriant ; j’étais à croquer.

Eh oui, Steph, tu ne peux te le cacher : tu as très très envie de te faire croquer – et même plus – aujourd’hui.

Appuyé contre un panneau de signalisation, Fred attendait au bas de l’immeuble et m’a saluée en se découvrant.

— Bonjour, Mademoiselle ; si je puis me permettre, vous êtes superbe. Je suis garé à peine plus loin ; suivez-moi, s’il vous plaît.
— Bonjour, Fred, vous allez bien ?
— Parfaitement, Mademoiselle.

Il m’a guidée jusqu’à la Lincoln noire rutilante dont il a ouvert la portière passager avec une infime courbette. Après avoir doucement refermé derrière moi, il s’est installé au volant et a déboîté pour se glisser dans la circulation modérée de la rue.

On a beau dire, c’est quand même plus confortable que le BART : silence, climatisation, souplesse... Hey ! Le luxe t’a manqué tant que ça, Steph ? Je croyais que tu l’avais associé aux Fishburne et à la souffrance.

J’ai grimacé à ces vieux souvenirs ; en attendant, l’odeur de cuir neuf me grisait et je me laissai aller, vautrée sur la banquette moelleuse ; je choisis même de la musique sur la station MP3, Nancy Sinatra interprétant These boots are made for walking , et je me demandai si j’allais partir, comme la femme de la chanson, ou alors si j’allais piétiner Jason. Ce n’était pas à l’ordre du jour, mais sait-on jamais...

Auteur : Matt Démon

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