dimanche 20 septembre 2015

San Francisco Blues (5)

CHAPITRE CINQ : KACHINA

Ouf, j’avais eu peur qu’il ait envie de remettre ça ! J’en étais physiquement et émotionnellement incapable ; j’étais épuisée, les muscles noués et froissés, l’épiderme en feu à divers endroits stratégiques. D’ailleurs, essaie de voir l’étendue des dégâts, Steph ; ton cul doit ressembler à un arc-en-ciel...

Je me suis levée en gémissant et Jason m’a accompagnée jusqu’à la salle de bain. Je lui ai pris la main en souriant et il sembla soulagé. La première chose que j’ai vue dans le miroir, ce fut mon visage : presque normal, les yeux cernés de fatigue, les joues un peu rouges, les cheveux collés par la sueur. J’ai ri en voyant la mimique de Jason, qui a caressé ma croupe d’un air lubrique.

— Hé, doucement ! J’ai mal, là !
— Désolé, bébé. Prends un douche pas trop chaude, je vais demander une pommade apaisante ; ici, ils doivent avoir un produit efficace.

Je me suis tordue pour regarder mes fesses dans le miroir ; je m’attendais à bien pire. J’étais bien moins marquée que la fois où Mr Rodriguez m’avait fouettée. Ma peau était cependant striée de longues marques rouges et gonflées, et pourtant je savais que Jason avait retenu ses coups de ceinture. « Pour une première fois. » ? Je ne veux pas être marquée en permanence non plus. La Pacer, je dois en user avec modération, et seulement quand nous en avons envie.

L’intérieur de mes cuisses n’était pas trop atteint, mais la peau était là aussi gonflée et hypersensible. Je me suis douchée à l’eau presque froide, juste assez tiède pour ne pas grelotter. Quand je suis sortie de la salle de bain, enveloppée dans une serviette, Jason m’attendait en brandissant un gros tube de pommade et un flacon de Doliprane d’un air triomphal. Il avait enfilé une robe de chambre beige qui moulait de près son anatomie.

— Idéal, paraît-il, pour soigner les jolies blondes de Miami qui se sont pris des coups de ceinture à Frisco. Allonge-toi sur le lit, petite chérie.

La douche m’avait bien apaisée, mais je n’allais pas refuser ce petit plaisir ; je me suis allongée en mesurant l’étendue de mes courbatures. Je savais que j’allais les sentir le lendemain, mais je savais aussi que je ne regretterais rien, que je porterais mes marques avec fierté. Avec une infinie douceur, mon bel amant a généreusement enduit toutes les zones en feu – faciles à repérer – d’une pommade apaisante, antiseptique et calmante. Il m’a couverte avec la serviette en entendant quelqu’un frapper à la porte.

— Le déjeuner ; je l’ai commandé chez un traiteur. Ce sera moins bien que le repas au Biltmore...
— Ce n’est pas grave, je n’ai pas très faim. Soif seulement.
— J’ai toujours du champagne au frais.
— Eh bien, qu’est-ce que tu attends ? Sers-moi une coupe, s’il te plaît.
— Vos désirs sont des ordres pour moi, ma très chère.

Entre-temps, un couple de serveurs en tenue rouge vif avait disposé sur la table assiettes et couverts, une bouteille de vin dans un emballage réfrigérant ainsi que trois boîtes hermétiques en inox avant de repartir sans un mot. Mais non sans avoir accepté un billet vert. Je me suis redressée pour accepter une coupe de champagne et tremper mes lèvres dans le breuvage frais et pétillant, puis Jason est parti se doucher. Nous avons mangé presque nus, une serviette simplement nouée à la taille. De la cuisine indonésienne, de bonne facture : nasi-goreng (nouilles sautées aux légumes et crevettes) et babi guling (porcelet rôti à la broche). Et, pour le dessert, des fruits : mangues, goyaves et papayes. En accompagnement, un blanc chardonnay californien que nous avons trouvé bien fruité mais trop sucré.

— La prochaine fois, je te trouverai une jolie robe ; Callie a réussi à mettre la main sur toute ta garde-robe, je ne sais comment, et je voudrais...
— Tu sais, je n’ai pas de place là où j’habite, mais je suis heureuse que tout n’ait pas été dispersé.

Plus tard, nous sommes partis dans la Lincoln avec Fred au volant et nous sommes promenés, passant sur le bridge over troubled water à la teinte rouge brique inimitable. J’avais juste remis la robe sans rien dessous et Jason me caressait presque sans discontinuer ; puis nous sommes revenus au centre et nous avons fait l’amour. Sans Pacer cette fois, tendrement, puis un peu moins quand je lui ai demandé de me sodomiser à nouveau pour avoir l’anus douloureux quand je penserais à lui plus tard. Mais avec toutes les marques qui mettront plusieurs jours à s’estomper, tu n’as pas de souci à te faire ; tu penseras à lui.

Vers 9 heures du soir, Fred m’a raccompagnée. L’appartement était vide ; Kach était partie travailler et devait être en plein show. J’envisageai un instant de la rejoindre, mais j’étais trop fatiguée et j’avais le ventre et les fesses trop endoloris encore pour donner suite. Alors Doliprane, pommade sur les fesses et l’entrejambe, et dodo. Dans mon sommeil, j’ai vaguement senti quelqu’un se glisser sous le drap et se blottir contre moi, et quand je me suis éveillée, Kach dormait la tête sur mon épaule. Je l’ai doucement repoussée pour me lever et elle a continué à dormir comme si de rien n’était. Pour moi, une mini-douche froide finit de me réveiller ; j’ai fait la grimace en examinant les marques sur mes fesses et mes cuisses, dégonflées mais encore sensibles. Toutefois déjà un peu moins rouges : pas d’hématomes sous-cutanés en tout cas. Et puis footing ! J’adorais courir dans les rues pentues et encore calmes de San Francisco ; c’était un rituel dont je me passais très rarement.

À mon retour, Kach préparait des crêpes pour le petit déj ; j’allai l’embrasser dans le cou.

— Beurk… Tu es trempée ! File à la douche, Steph, tu pues la sueur à dix mètres.
— OK, sorcière cordon-bleu !

Malheureusement pour moi, elle est venue me parler alors que je sortais de la douche et a poussé des cris en voyant les marques rouges sur mes fesses.

— Putain, Steph, c’est ce que je crois ? Ce salaud t’a frappée ? Pauvre chou, je vais t’accompagner chez les flics !
— Calme-toi, ce n’est pas… C’est moi qui l’ai voulu, Kach ; je lui ai demandé, et j’ai aimé ça.
— Tu es maso maintenant ? Oh, Steph, ma chérie… Fais voir… Tu as même des marques entre les cuisses. Bon, ce n’est pas méchant je dirais, mais tu as dû déguster ! Et tu veux le revoir ?
— Jeudi, mon jour de repos.
— Tu as une pommade pour ça ? Et puis aussi, si vous recommencez jeudi, tu vas être encore plus marquée. Alors tu aimes être soumise et battue ? Moi pas, et pourtant Thomas aimerait bien que je sois plus soumise. Moi, je préfère être du côté du manche du fouet, je crois. Je ne l’ai jamais fait, mais je pense que ça me plairait…
— Hé ! Ne me regarde pas comme ça ! Je suis vannée, cassée ; alors maintenant, je n’ai pas envie de jouer avec toi.
— Tu jouais avec Jason, hier ?

En prenant notre petit déjeuner (thé, crêpes au miel ou au beurre de cacahuètes, jus d’orange) je lui ai expliqué les règles établies entre nous. Elle ouvrait de grands yeux ronds mais ne m’interrompit pas, se contentant peu à peu de sourire béatement.

— Ma chérie, je ne savais pas que tu étais comme ça…
— Je ne le savais pas non plus ; c’est surtout que Jason est d’un tempérament très dominant. Et comme je l’aime…
— Oh, tu vois que tu l’aimes ! Je le savais, je le savais !
— Kach, tu es excitée comme un boisseau de puces ! Calme-toi un peu !
— Sinon, tu me donnes la fessée cul nu ? Je commence à mouiller…
— Petite peste ! Tu en mériterais une, oui. Mais ce n’est pas mon truc, définitivement.
— Cette nuit, tu vas me servir de gentille petite soumise, j’en ai jamais eue. Mais je te ferai jouir quand même : j’ai récupéré des sextoys magiques.

J’ai réussi à rougir et elle a ri aux éclats en voyant ma mine confuse. La journée de travail fut plus difficile qu’à l’habitude du fait de mes muscles contusionnés, mais s’est déroulée sans encombre. Mon patron, monsieur Derycke, a été adorable avec moi. Je suis arrivée à l’appartement à 11 heures du soir, pile en même temps que ma colocataire. Nous avons échangé un baiser dans la rue au pied de notre immeuble.

— Pas de Thomas ce soir ?
— Non, snif... Il a des problèmes à régler et vient de me poser.
— Ah ! Il est venu te voir danser ? Et il n’a pas eu envie de toi après ?
— Si, bien sûr ! Il m’a baisée comme un malade, et j’ai le ventre qui dégorge de semence. Tu vas me nettoyer avec ta langue.
— Kach ! protestai-je, ne dis pas des trucs comme ça dans la rue ! Cette fille, quand même ! Elle t’impressionne, non ? Te sortir en pleine rue qu’elle veut que tu boives le sperme de son petit copain… Et toi qui restes scotchée, toute rouge, comme une dinde…

Dès notre entrée chez nous, elle m’a regardée avec une froideur qui ne lui était pas coutumière ; dans sa petite robe noire qui moulait ses formes parfaites, elle paraissait avoir grandi. J’ai souri malgré moi, décidant de jouer le jeu. La lueur dans ses prunelles disait qu’elle avait envie de jouer avec moi.

— Allez, à poil la soumise ! Vite !
— Bien, Mademoiselle.

J’ai ôté mon jean et ma culotte dans le même mouvement, puis mon sweat-shirt marin et mon soutien-gorge. Et j’ai attendu, bras ballants, pas du tout inquiète mais curieuse de savoir ce qu’elle allait faire. Eh oui, Kach ne te fera jamais mal ; elle va s’amuser avec toi, c’est ta meilleure amie, elle t’aime ; donc tu peux lui faire confiance.

— Je vais t’attacher sur ton lit, juste les mains d’abord ; j’ai envie que tu boives nos jus mêlés, et tu risques d’en perdre… Allez, avance.

Je me suis allongée sur le dos et elle a attaché mes poignets écartés au moyen d’une grosse corde blanche à la texture très douce, la passant autour des pieds du lit. Puis elle a enlevé sa robe d’un geste gracieux, exposant ses lignes sublimes. Les spectateurs de son show en avaient pour leur argent ! Elle portait une petite culotte blanche, et même à trois mètres de distance je voyais bien qu’elle était trempée. Elle la fit glisser et la posa sur mon chevet en me souriant.

— Prête, ma jolie soumise ?
— Oui, Mademoiselle…

Elle m’enjamba et colla sa vulve luisante sur ma bouche. Bon, passé le premier réflexe négatif dû à l’odeur caractéristique – sueur, sperme et autres fluides – j’ai adoré la nettoyer, plongeant la langue profondément dans son vagin fuchsia. Elle aussi adorait, car elle a commencé à frémir et à remuer son bassin, inondant mon visage de cyprine. Puis, sur un dernier orgasme, elle a décidé que ça suffisait ; elle m’a embrassée fougueusement avant de continuer à m’immobiliser, les chevilles aux pieds du lit de manière à me disposer en croix, puis elle a passé une nouvelle corde sous le lit pour la nouer au-dessus de mes genoux, exposant crûment mon intimité. Elle me montra alors un large rouleau d’adhésif noir.

— Je vais te bâillonner. Un peu d’adhésif ; pas trop, je ne veux pas te scalper. Quoique ma tribu était réputée pour scalper les jolies squaws… Mais non, tu n’as pas assez de cheveux encore. Et maintenant, je vais te faire mourir de jouissance.

Je me retrouvai donc attachée et bâillonnée, entièrement à sa merci ; et j’aimais ça. Ma perverse coloc sortit de la chambre et revint avec un long tube blanc prolongé d’une grosse boule, le tout à raccorder au secteur car un long fil électrique en sortait.

— Un authentique vibrateur professionnel : tu vas décoller en dix secondes et jouir en vingt ; ça, c’est un gode vibrant spécial point G, un petit bijou à usage interne. Tu vas adorer, ma puce.

Elle avait raison sur tous les points : j’ai bien cru mourir de plaisir sous les assauts conjugués de ses deux sextoys. Elle m’a fait décoller une première fois avec la boule du vibrateur externe, puis a bandé mes yeux avec un torchon (propre). Et là, privée de la vue et incapable de m’exprimer autrement que par gémissements et cris de gorge, j’ai joui un nombre incalculable de fois ; je ne savais pas que c’était possible, mais à un moment les orgasmes se sont enchaînés coup sur coup, mon ventre est entré en éruption. J’étais sur une vague, je surfais tout en haut, incapable de redescendre. La pénétration conjuguée aux vibrations dans mon vagin, en plein sur mon point G, s’ajoutait à la vibration démente de la boule sur mon clitoris. Je n’en pouvais plus et je tirais frénétiquement sur les cordes qui m’immobilisaient, je criais sous mon bâillon improvisé, et je jouissais encore et encore.

Quand la jeune Indienne me libéra, j’étais plus morte que vive, épuisée et sans ressort. Et assoiffée. Kach dut m’apporter un grand verre d’eau froide que je bus avec gratitude. Inquiète, elle examina mes poignets bien marqués par la corde, présentant un creux violacé qui ne partirait pas tout seul.

— Merde, quelle conne ! Tu n’avais pas besoin de ça, ma pauvre chérie. Je te prie de me pardonner, c’est entièrement ma faute. Je vais te masser, mais tu vas avoir de nouvelles marques, c’est certain. Ça va ? Tu as une mine… Tu es crevée ?
— Je suis morte ; j’ai tellement joui … Même quand j’en avais assez, je continuais à jouir, encore et toujours. Je voulais que ça s’arrête, et en même temps j’attendais un nouvel orgasme, puis le suivant… C’était atroce et divin à la fois. Mon Dieu, je suis morte.

J’ai dormi comme un bébé jusqu’à 10 heures ; à mon réveil, Kach est venue me faire un câlin, encore embarrassée par les marques qui ornaient mes poignets. Elles avaient diminué ; ma peau s’était tendue et il n’y avait plus de creux, mais elles étaient rouges et ne partiraient pas plus vite que celles sur mes fesses.

Décidément, tu attires les problèmes, Steph... Un vrai aimant à emmerdes, on dirait…Maintenant, si tu n’as pas de cernes sous les yeux avec tous les orgasmes de cette nuit, c’est qu’il y a un Dieu qui veille sur toi.

Bon, des cernes, j’en avais. Mon visage disait clairement que j’avais eu une nuit éprouvante. J’ai pris mon petit déjeuner en vitesse, couvée par ma copine qui se faisait du souci pour moi ; elle m’embrassa tendrement comme je partais au restaurant et me susurra :

— Tu ne m’en veux pas trop ? Je suis désolée…
— Hé, Kach… Je ne t’en veux pas du tout. Tu comprends ça ? Pas du tout. Je t’aime, toi et tes idées farfelues. Mais je ne rêve plus que d’une chose : te faire subir une nuit ce que tu m’as fait subir. Mais il faudra trouver des attaches qui ne marquent pas : tes cordes ne sont pas top.
— Merci, ma chérie. Tu te doutes que je suis partante.

Elle était émue, les yeux embués, son visage pur soudain totalement vulnérable. Je n’ai pas résisté à l’envie de l’embrasser sur la bouche, forçant la barrière de ses dents de ma langue pour venir taquiner la sienne. Quand je me suis reculée, essoufflée et le cœur à cent-vingt pulsations minute, son regard avait changé. Ses yeux brillaient de désir et d’amour. Elle passa inconsciemment sa langue sur ses lèvres gonflées de plaisir et je posai deux doigts dessus avant de les glisser dans sa bouche. Elle les suça, totalement impudique, en m’adressant un regard lubrique.

— Kach, interdit de jouir jusqu’à ce soir, même si Golden Surfer revient. D’accord ?
— Tu l’appelles comme ça ? C’est mignon. Thomas n’est pas là avant samedi, c’est long. Tu sais, je lui ai parlé de ton penchant pour la soumission, il est intéressé…
— Un penchant pour la soumission ? Je… je ne sais pas ; c’est pour Jason que je fais tout ça, c’est tout.
— Et tu n’aimes pas ?
— Si, j’adore. Mais c’est Jason qui aime dominer, je te l’ai déjà expliqué. Alors j’accepte parce que je l’aime. Pour toi, c’est pareil, et je te fais confiance, totalement confiance.
— Ne t’en fais pas, chérie. Thomas ne te touchera pas sans moi ; sans ton accord aussi, cela va de soi. Ni sans l’accord de Jason, je pense. Comment tu le trouves, mon Thomas ?
— C’est un vrai canon, ton mec. Silver Surfer peut ranger sa planche, il est à la ramasse. Mais de là à faire l’amour avec lui, je ne suis pas convaincue…

Je me suis interrompue, ne trouvant pas les mots. Ma copine me regardait en souriant, sourire qui s’est transformé en franc éclat de rire.

— Excuse-moi, mais si tu voyais ta tête… Je ne te prends pas pour une Marie-couche-toi-là, je te connais depuis assez longtemps maintenant. Mais pense à ce que je t’ai dit : nous pourrions faire une séance avec Tom samedi soir, et Jason s’il le veut, bien sûr. Toi en soumise, et nous deux – ou nous trois – pour te faire jouir.
— Je file bosser ; j’y réfléchirai, je te le promets.

La bonne nouvelle dans tout ce qui m’arrivait, c’était que mon moral était enfin repassé au beau fixe. Je savais un peu plus où j’allais avec Jason ; il m’aimait et je l’aimais. Je n’allais pas me voiler la face : nous étions heureux ensemble. Pour le reste, mon travail me plaisait, même si à une époque j’avais envisagé tout à fait autre chose. Mais l’arrêt brutal de mes études avait sonné le glas de mes ambitions. Mais comme disait ma jolie coloc, j’étais jeune, jolie, et en bonne santé. Alors…

Auteur : Matt Démon

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