mardi 9 février 2016

Indécences - Itinéraire d'une dévergondée (10)

Relire le chapitre 9


Inanna



Aussitôt l’acte expédié, mon logeur se dégagea avec lourdeur d’entre mes cuisses. Une obscurité presque totale régnait à présent dans la pièce ; elle me permit cependant de distinguer son regard s’appesantir là où s’écoulaient les bavures de son passage. Me complaisant dans mon vice naissant, il me plut de rester ouvertement exposée, la vulve encore béante de ce qu’elle venait de contenir.

Il me quitta en silence, penaud.

Je gardai ma position après son départ, étonnée et dépitée du manque de sensation lorsqu’il s’était déversé en moi. J’entrepris d’atténuer la frustration de ma fente inhabituellement trempée d’un doigt rageur et ne pus résister à l’envie de goûter la semence visqueuse qui s’écoulait du calice débordant. Je retrouvai la saveur – un peu plus accentuée, mais toujours plaisante au palais – que j’avais finement prisée. Je mis donc toute ma ferveur à extraire le miel récolté, allant même jusqu’à m’accroupir pour le recueillir dans ma main placée en coupe sous ma vulve.

L’intempérance de la soirée s’étant dissipée, je restais contrariée et ne parvins qu’à sommeiller jusqu’au matin, perplexe et anxieuse. Perplexe puisque ma désillusion était à la hauteur de ma naïve attente : j’avais si souvent fantasmé cet instant en croyant innocemment connaître d’émoustillantes sensations. Anxieuse, car bien qu’ayant suivi à la lettre les prescriptions de mon gynécologue, mon esprit troublé me laissait craindre un possible impair.

L’homme, tôt levé en toute circonstance, semblait absorbé dans la lecture de son quotidien lorsque je me présentai dans la cuisine. Sans relever la tête du journal, il s’inquiéta d’emblée de mon état :

— Comment vas-tu ?

Étouffant un bâillement, je mentis :

— Merveilleusement bien, et toi ?
— Hum, hum… tu as bien dormi ?
— Moyennement, j’ai dû trop penser à toi.

Je vis sa mine se rembrunir, me faisant aussitôt regretter ma stupide malice.

— Ne t’inquiète pas, je blague !
— Tu m’en veux pas ?
— T’en vouloir ? Pourquoi donc ?
— Ben… pour hier soir… ce qu’on a fait…
— Alors, primo : j’étais d’accord, et même demandeuse ; secundo : j’y ai pris du plaisir. Satisfait ?
— Mais… euh… tu prends vraiment la pilule ?
— C’est donc ça : tu crains de me mettre enceinte ?

Je vis son regard inquiet peser sur moi. Voyant qu’il fallait réellement tranquilliser le bonhomme, je m’assis près de lui, lui pris amicalement le bras et le sécurisai :

— Continuellement, tu n’as aucune crainte à avoir… si tu veux continuer à me faire l’amour.

Un sourire mutin dérida son visage.

L’état de santé de mon hospitalier hébergeur s’améliorait perceptiblement au fil des semaines. Selon un rituel immuable, notre relation hebdomadaire se prolongea tout l’hiver. Chaque samedi soir, mon logeur me rejoignait dans ma chambre, le bout du sexe en ébullition jaillissant impudemment de la traditionnelle parure bigarrée. Cependant, notre sexualité se maintenait sur un égal registre : après nous être mutuellement taquinés de quelques coups de langue, nous copulions sans trop de fantaisie ; il me quittait aussitôt après s’être répandu.

Une seule fois, vers la fin de nos « échanges de services », l’habituel batifolage prit une direction moins attendue. Nous étions en début d’après-midi. Après avoir devisé plus que d’habitude lors du repas pris en commun, je débarrassais la table après le goûter ; sa main, singulièrement plus leste ce jour-là se porta hardiment sur mon postérieur et ne se priva pas d’aduler mes fesses au travers du boxer-short que je portais à même la peau.

Comme je m’employais à la vaisselle, il se leva pour venir renouveler sa ferveur sans le moindre embarras. Mieux : je le laissai impunément me peloter tout en m’activant à la plonge. Il vint se coller contre moi ; ses mains  glissèrent avec une véhémence contenue sur mes hanches, entraînant dans leur mouvement la lente descente de mon short. Les mains prisonnières de la mousse, je me retrouvai le derrière à l’air. Le sale gamin, fier de sa farce, en profita pour le palper avec un toupet que je ne lui connaissais pas encore. Ses doigts osèrent sonder mon fondement et accentuèrent leur fouille au-delà de ma partie charnue.

Je prisais particulièrement l’impérieuse exploration qui me rendait incapable de me concentrer sur ma besogne. Victime d’une condamnable aspiration, je savourais cette appétence redoublée avec une salace délectation. Non content de me pétrir d’une main, l’homme se massait dans le même temps le bas-ventre pour en calmer l’impatience.

Je reconnus le bruit d’une ceinture que l’on dégrafe, suivi de celui non moins caractéristique d’une fermeture à glissière. Instinctivement, je présentai mon fessier en arrière, écartant les jambes au maximum de ce que m’autorisait le boxer tendu entre mes genoux.

Un bruissement de tissu froissé ; le claquement d’un élastique. Les yeux clos, lubriquement offerte, j’imaginais l’homme extraire de sa braguette la cheville qui allait me combler… Je tressaillis lorsqu’il me plaqua contre son abdomen proéminent d’un bras enroulé autour de mes reins. Sa main libre se coula sous mon ventre, s’attarda peu sur le satin de mon pénil avant de se glisser dans ma douce cicatrice.

— C’est qu’tu mouilles, p’tite gredine ! parvint-il à articuler, déjà haletant.

Les fesses collées à son ventre, je m’offrais au mieux pour assouvir notre vibrante pulsion. C’était sans compter sur la trop courte taille du pauvre bougre qui, associée à celle de son instrument, ne parvenait à se mettre à la hauteur nécessaire pour atteindre sa cible. La tête bien dégagée de son outil sonda inutilement le sillon placé trop haut, cherchant vainement à s’introduire dans l’encoche qui lui procurerait le refuge velouté qu’il convoitait. Je tentai tout aussi infructueusement de l’introduire en moi, mais nos dispositions respectives s’y opposèrent formellement.

— Fichtre ! J’vais bien réussir à te prendre, ma cocotte.

Il m’obligea à m’écarter davantage. Je me débarrassai de ma gênante frusque par quelques tortillements. Je me retins à un meuble bas pour pouvoir fléchir les jambes et parvins cette fois à m’aligner pour un parfait alliage de notre dispositif d’emboîtement. Par crainte de quitter la place si chèrement conquise, il me tint fermement par les hanches pour me besogner à petits coups de reins.
Il ahanait :

— Ah, coquine ! T’aimes ça, hein ?

Je le laissai s’époumoner, préférant apprécier les secousses de ses lourdes génitoires qui me battaient la motte. Je passai une main sous mon ventre pour les flatter et les soupeser. Ce fut loin de l’apaiser : il lâcha un cri et se libéra aussitôt en un abondant débordement grumeleux qui ruissela en partie sur le sol.

Aussitôt qu’il se retira, je courus dans la salle de bain, pinçant les lèvres de ma vulve dilatée entre les doigts pour éviter la perte du collant liquide qui s’en écoulait. Sans même prendre soin de refermer la porte, je m’assis sur le bidet, jambes ouvertes, et contemplai passivement le dégorgement de l’épaisse semence.

Après avoir soigneusement essuyé mon sillon gluant, je retournai à ma chambre. Je ne jugeai pas nécessaire de me vêtir autrement qu’enroulée à la taille d’une serviette de bain qui traînait sur le bout de mon lit. De retour dans la cuisine, je constatai que mon étalon n’avait pas changé de place. En revanche, il avait proprement remisé ses attributs et me fit remarquer que ma culotte était sous la table. Sous ses yeux ébahis, je repris mon cache-sexe… et décidai de ne pas le remettre.

□□□


L’habituelle conjonction de nos corps ne se fit pas ce soir-là, mais j’obtins cependant ma seconde ration de la journée, certes moins abondante, de cette boisson que je commençais à apprécier à sa juste saveur. Ce premier intermède nous ayant agréablement divertis, la teneur de nos conversations prit un tour plus polisson, d’autant plus que je me présentais toujours les seins nus et sans le moindre parement sous mon paréo improvisé.

Ce dernier point – qui n’était nullement un mystère – avait le don d’aviver chez mon comparse un regain d’intérêt pour cette partie de mon anatomie, surtout lorsqu’elle lui apparaissait fugitivement sous mon cotillon. En parfaite connivence, nous nous amusions tous deux de cette complicité grandissante qui nous amenait à nous acoquiner. Je ne me gênai donc pas, en cette fin de journée, pour prendre des poses singulièrement suggestives et faire virevolter ma jupette de fortune ou me baisser plus que de raison pour reprendre un objet qui m’avait délibérément glissé entre les doigts.

À force de tentations, un instant où je fus à sa portée, il me saisit par la taille et me bascula en travers de ses genoux. Je me retrouvai vite retroussée, le popotin crûment exposé. Ne voulant surtout pas compromettre ma chance d’être une fois de plus lubriquement tripotée, je lui laissai toute latitude pour ce nouveau jeu érotique qui s’amorçait.

Ma disposition égrillarde se décelant, je m’imaginai jeune fille offerte à un vieil érotomane au tempérament salace irrépressible. Avec volupté, je le laissai m’écarter les fesses et inspecter méticuleusement mon secret de femme dans ses moindres replis. Le rythme de sa respiration s’accéléra – en voyant les dernières traces de son passage ? – et il dut toussoter plusieurs fois pour retrouver un souffle plus régulier.

À ce jeu de dupes, nos sens ne se trompèrent pas ! Nos véritables natures firent surface, sans fard, sans pudibonderie ou toute autre forme d’hypocrisie. Après m’avoir suffisamment auscultée, il relâcha la pression de son étreinte, ce qui me permit de me relever et de me ventiler plus aisément.

Ma parure retomba, cachant ces charmes dont il ne semblait pas vouloir se lasser. D’une humeur toujours aussi guillerette, il me prit la fantaisie de tournoyer sur moi-même pour les lui laisser entrevoir sous mon atour. Voulant une nouvelle fois m’attirer à lui, il agrippa le virevoltant tissu si fort que le nœud qui le retenait n’y résista pas. Je me retrouvai devant lui nue, ma petite fente luisante égayant son regard facétieux.
Je prenais plaisir à me montrer à mon complice dans un dépouillement total ; il me fallait poursuivre cette affriolante récréation. Une volonté outrancière me traversa l’esprit :

— Fais comme moi : mets-toi tout nu.

Je voulus le dépouiller à son tour mais, ses habits montrant plus de résistance que les miens, il dut se lever de sa chaise pour se dévêtir. Ses vêtements volèrent un à un au travers de la pièce. Fièrement campé au milieu de sa cuisine, ventre en avant, il s’empressa de faire glisser son caleçon sur les genoux pour me présenter le noble assemblage qu’il me tardait de savourer.

— J’ai tiré mon coup ce midi ; taille-moi une pipe !

Ne prenant aucun ombrage de la vexante invective, je m’agenouillai entre ses cuisses et pris en main l’épais membre déjà dressé au-dessus de ses deux fidèles affidés. Je le manipulai avec soin et entrepris l’entretien de ce drôle de fusil en l’embouchant sans plus attendre. Sa main appuya sur l’arrière de mon crâne, forçant la plongée du canon encore chaud entre mes lèvres insatiables. Il ne me fallut que peu de temps pour sentir les derniers projectiles s’éjecter de la truculente artillerie.

Je suffoquais en raison de la grosseur de son phallus qui m’étirait la mâchoire. Pourtant, c’est sans ciller que je reçus la brûlante explosion sur le palais et la langue avant de le retirer, mollement assouvi, d’entre mes lèvres écumeuses. Je pus reprendre ma respiration et ingurgiter jusqu’au dernier globule de sa copieuse émission ; je pris même soin de rapatrier avec la verge molle ceux qui me pendaient au menton ! Inutile de préciser que j’étais euphorique à l’issue de cette réciproque délectation.

□□□


À la suite de ce plaisant face-à-face, nos liens se délitèrent. Nos rapports devinrent plus distants ; un sentiment mêlé de honte et de repentir agitait mon loyal logeur. Pour ma part, je n’avais aucun regret. Son état de santé s’étant considérablement amélioré, notre collaboration prit fin d’un commun accord peu après cette mémorable journée.

Je retrouvai la solitude des longs week-ends dans ma petite chambre d’étudiante, les ennuyeuses rêveries sur mon lit déglingué. Je n’arrivais pas à me défaire de l’empreinte laissée par ces nouvelles expériences qui picotait mon désir de sexualité. J’aurais tant voulu connaître d’autres émotions... Celles que j’avais connues me laissaient toutes une sensation d’inachevé, et j’étais bien incapable de mettre des mots sur cet effet de manque qui me poursuivait. Une seule chose était sûre : il me fallait trouver un moyen de revivre de semblables aventures.

À force de fixer mon ordinateur portable sur ma « tablette-bureau », une idée germa : était-il possible de prendre contact avec d’autres personnes partageant les mêmes désirs d’érotisme et de se mettre en relation ? Était-ce même envisageable ? Je n’avais pas la moindre notion de la manière de m’y prendre, mais le meilleur moyen était certainement de trouver un site de rencontres. Un moteur de recherche m’en donna d’emblée une liste faramineuse. Après quelques infructueuses explorations, de comparaisons, de publicités invasives – voire franchement agressives – l’un d’entre eux attira plus particulièrement mon attention.

Ce site offrait un service gratuit – certes limité – mais ne demandait aucune donnée personnelle : un atout supplémentaire pour qui veut garder un certain anonymat. L’inscription était étonnamment simple et ne réclamait que la création d’un pseudo. Après trois tentatives infructueuses – ils étaient déjà utilisés – il me fallait faire preuve d’un peu plus d’imagination, d’autant que des noms « alambiqués » m’étaient automatiquement affectés en remplacement.

Un livre traitant de mythologie [1], récemment emprunté à la bibliothèque de l’université, traînait en évidence sur ma table de travail. Le feuilletant au hasard, je m’attardai sur un passage croustillant :

Ma vulve, la corne,
La Barque des Cieux
Est pleine d’ardeur comme la jeune lune.
Ma jeune terre non-cultivée en jachère.
Qui pour moi, Inanna,
Qui labourera ma vulve ?
Qui labourera mon haut champ ?
Qui labourera mon sol humide ?

Un prénom, d’une résonance agréable, y figurait. Je décidai de retenter ma chance avec ce patronyme bien plus original ; cette fois, il fut accepté sans difficulté. C’est ainsi que, pour la communauté des âmes esseulées, je devins INANNA.

Je fus d’emblée assaillie par de nombreux messages émanant d’hommes, excessivement jeunes pour la plupart, dont la « poésie » était fortement dissuasive. Heureusement, j’apprivoisai vite ce nouvel outil, ce qui me permit de cibler par moi-même des personnes aux profils plus compatibles avec mes nouveaux penchants. Fuyant expressément les « moins de quarante ans » et ceux dont la prose était bien plus qu’hésitante, je parvins à nouer quelques dialogues plus constructifs.

Je pris l’habitude de me connecter à des heures régulières, en fonction de mon emploi du temps et des jours de la semaine. Cette disposition facilita une conversation de plus en plus fructueuse avec une poignée de correspondants. Au fil des échanges, ma sélection se peaufina ; quelques postulants se virent évincés, d’autres furent ajoutés.

Un mois plus tard, bien que l’expérience – au final décevante – ait tourné court, je restai en contact avec un homme d’une quarantaine d’années. Il se disait divorcé, se considérait comme un « hédoniste voulant ajouter un épisode enchanteur à sa vie » et ne pas rechercher une relation sur le long terme. Puis ses messages, toujours polis et distingués, prirent une tournure plus polissonne… et finalement davantage en adéquation avec mes attentes. Nous n’osions, ni l’un ni l’autre, nous dévoiler pleinement, mais nos allusions et nos sous-entendus devinrent si manifestes qu’il fut inutile de garder une certaine retenue dans nos propos.

Sans tomber dans le graveleux, notre oaristys, de plus en plus explicite, livra essentiellement nos fantasmes bien plus que nos désirs réels. Avouer quelques idées épicées était une chose ; oser le passage à l’acte en était une autre. De déclarations d’intention en confidences – par ailleurs inavouables – nous confessâmes nos penchants secrets.

Lui : sa vénération pour le corps féminin qu’il aimait découvrir ; par la vue tout d’abord, pour ensuite l’effleurer du bout des doigts et poursuivre par une exploration plus en profondeur…

De mon côté, je lui avouai mon culte naissant au dieu Priape, à sa gerbe glorieuse qu’il m’offrait en reconnaissance à ma dévotion…

Après moult réticences, je cédai à la tentation de le rencontrer et il fut convenu que, ne pouvant l’un comme l’autre recevoir dans des conditions dignes, un premier rendez-vous pouvait se faire près de mon logement estudiantin.

Le port du pantalon m’étant défendu, je devais impérativement me présenter en jupe ; les dessous affriolants n’étant pas, eux, prohibés. Il prévoyait une balade en forêt, comme un couple amoureux, histoire de mieux se connaître dans un premier temps et de s’isoler dans un recoin plus ombragé pour satisfaire certaines pulsions… si nos corps s’accordaient entre eux.

Auteure : Inanna
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[1]Inanna, Queen of Heaven and Hearth : Her Stories and Hymns from Sumer – Diane Wolkstein & Samuel Noah Kramer.

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